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Des macronistes se prennent de passion pour le roman social de Nicolas Mathieu : « Leurs enfants après eux ». Ce dernier ne mâche pourtant pas ses mots contre le président.

Les macronistes sont parfois étonnants. Alors que le chef de l’Etat et ses soutiens sont régulièrement dépeints par l’opposition comme déconnectés de la réalité et manquant d’empathie à l’égard de la France des « gilets jaunes », des élus de La République en marche (LRM) et plusieurs ministres se sont pris de passion ces derniers mois pour le livre de Nicolas Mathieu, Leurs enfants après eux (Actes Sud), prix Goncourt 2018, considéré comme LE roman social de ces dernières années. « C’est le livre macronien par excellence, il faut le lire ! », s’enthousiasme Julien Denormandie, le ministre chargé de la ville et du logement.

De prime abord, le roman de Nicolas Mathieu n’a pourtant rien de très riant pour le pouvoir. Leurs enfants après eux dépeint les itinéraires de trois adolescents, Anthony, Stéphanie et Hacine, qui tentent de donner un sens à leur vie dans une vallée de Moselle privée de ses hauts-fourneaux, au mitan des années 1990. Une histoire qui fait écho à celle de métallos de Florange, qui avait percuté le mandat de François Hollande et donné le sentiment d’une impuissance des politiques face à la désindustrialisation et à ses conséquences.

Pour autant, tout le monde se donne le mot au sein du pouvoir et conseille de se procurer le livre. « Il est sur ma table de chevet, je vais m’y mettre durant les fêtes », assure Gabriel Attal, le secrétaire d’Etat à la jeunesse. « Je ne l’ai pas encore lu mais mon mari m’en a dit du bien », abonde Sibeth Ndiaye, la porte-parole du gouvernement. « Il y a dans ce bouquin des choses qui disent beaucoup de l’état du pays », approuve Pierre Person, député (LRM) de Paris, originaire de l’est de la France comme l’écrivain.

« Ce roman explique pourquoi Macron est arrivé au pouvoir »

« Ce que dépeint Nicolas Mathieu, c’est ce qui a porté Trump au pouvoir aux Etats-Unis ou permis le Brexit en Grande-Bretagne. Le fatalisme vécu par les personnages de son roman résulte de l’abandon de ces territoires auxquels on n’offre plus de perspectives », explique le numéro deux de LRM. Elevé à Toul (Meurthe-et-Moselle), Pierre Person dit se retrouver lui-même dans de nombreux passages du roman. « J’ai vu ce déterminisme social dès le primaire, ces copains laissés à l’abandon après le collège, mariés la vingtaine passée, qui se sont endettés pour acheter leur maison et n’ont plus les moyens de partir parce que le prix du foncier s’est effondré », décrit le jeune élu, ancien membre du Parti socialiste (PS).


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VIDÉO | Pour comprendre l’attachement aux régimes particuliers, que le gouvernement entend supprimer, il faut remonter au début du XXe siècle, une époque où syndicats patronaux comme ouvriers ne voulaient pas d’un système de retraite géré par l’Etat.

 

En décembre 2019, Edouard Philippe a présenté son projet de réforme du système des retraites. L’un des enjeux principaux de ce texte est la suppression de la quarantaine de situations correspondant soit à un seul régime, soit à une combinaison de plusieurs. L’idée étant de créer un régime universel de retraite. Une ambition qui est loin d’être nouvelle. En 1953 et en 1995, les gouvernements de Joseph Laniel et d’Alain Juppé avaient eux aussi tenté d’uniformiser les régimes de retraite. Sans succès. Par deux fois, la contestation sociale est parvenue à faire reculer les projets gouvernementaux. Pour comprendre cet attachement aux régimes particuliers, il faut remonter au début du XXe siècle, à une époque où syndicats patronaux comme ouvriers ne voulaient pas d’un système de retraite géré par l’Etat.

Sources :

La loi sur les retraites ouvrières et paysannes, 1910 :

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k61057346/f11.image.texteImage

Sur les débats provoqués par la loi de 1910 :

https://www.cairn.info/revue-cahiers-jaures-2011-1-page-97.htm

La loi du 5 avril 1928 modifiée par la loi du 30 avril 1930 sur les retraites pour tous les salariés les plus modestes :

https://www.gisti.org/IMG/pdf/loi-5-avril-1928.pdf

La loi établissant le régime des retraites des mineurs en 1894 :

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5858955v.texteImage

Sur l’histoire des retraites entre 1914 et 1939 :

https://www.persee.fr/doc/rhmc_0048-8003_1964_num_11_4_3316

Sur l’histoire des régimes spéciaux en France :

https://mouvement-social.univ-paris1.fr/document.php?id=1060

Sur l’émergence d’une solution politique au problème de la vieillesse ouvrière :

https://www.persee.fr/doc/socco_1150-1944_1995_num_24_1_1472

Sur la puissance de la CGT en 1945 :

https://www.persee.fr/doc/rhmc_0048-8003_1994_num_41_1_1704


Lire la suite : Régimes spéciaux : pourquoi le système de retraite français est si complexe


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Si les taux de grévistes reculent lentement, les transports sont encore largement perturbés et la base syndicale, déterminée.

« Cela ressemble à une lente décrue. Comme si la Seine avait tout envahi et mettait un temps infini à se retirer. » L’image est choisie par un haut cadre de la RATP. Elle décrit avec une certaine justesse la situation des deux grands groupes nationaux de transport public – SNCF et RATP –, dont les salariés sont en première ligne dans le conflit contre la réforme des retraites et la disparition de leur régime spécial.

Décrue donc puisque, jour après jour, les taux de grévistes sont en recul après avoir atteint des niveaux « stratosphériques » (plus de 90 % des conducteurs SNCF) au début du mouvement, le 5 décembre. Au vingt-quatrième jour du conflit, samedi 28 décembre, les déclarations individuelles d’intention de faire grève à la SNCF laissaient présager un taux de conducteurs en grève de 37 % pour le week-end. A la RATP, le service s’améliore : des lignes de métro, jusqu’ici complètement fermées, rouvrent partiellement, certaines lignes de tram affichent un trafic normal.

Mais ce mieux se fait à une vitesse d’escargot. Les perturbations des RER et trains de banlieue créent encore des engorgements pour les usagers dans les grandes gares parisiennes. « Il y a des reprises individuelles, c’est vrai, glisse un cadre de la SNCF. Mais si nous améliorons significativement nos circulations de TGV (six sur dix) en ce week-end de chassé-croisé, c’est d’abord parce que nous avons accompli un effort colossal d’organisation. » Après le week-end, ce sera d’ailleurs à nouveau la rechute. La SNCF prévoit de faire circuler entre 45 % et 50 % des TGV en moyenne lundi et mardi, 35 % le 1er janvier et 50 % le 2 janvier.

Il s’installe une routine de la grève, avec des points d’appui très forts et des disparités entre grévistes. Par exemple, les taux d’arrêt de travail chez les conducteurs SNCF sont encore de 81 % sur le trafic banlieue de Paris-gare de Lyon, ou de 57 % dans les TER de la région PACA, alors qu’en Bretagne, ce même ratio tourne autour de 10 % et qu’il descend à 7 % sur les TGV de Paris-Nord.

« Je suis optimiste »

Alors, jusqu’à quand ce conflit peut-il durer ? Dans les assemblées générales, là où les activistes, principalement de la CGT, de SUD, de FO et parfois de l’UNSA, animent la flamme gréviste, on croit encore à la victoire, c’est-à-dire au retrait total du projet, comme en 1995. « Je suis optimiste. Tout le monde a conscience qu’on est à pas grand-chose de gagner, dit Emmanuelle Bigot, déléguée SUD à Paris gare de l’Est. Certains ont repris le travail pendant les fêtes parce que financièrement il faut tenir, mais quand je les croise, ils me disent qu’ils vont repartir dans le mouvement. » Pour ces militants, pas de doute, il y aura un rebond du conflit à la rentrée de janvier. En attendant, on reconduit la grève unanimement, on partage des repas festifs, on manifeste, comme ce 28 décembre, un peu partout en France.


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Depuis le 5 décembre, des donateurs alimentent les cagnottes des syndicats. Celle d’Info’com-CGT a récolté plus d’un million d’euros.

Tenir. C’est désormais le maître mot de ceux qui ont entamé, samedi 28 décembre, leur vingt-quatrième jour de mobilisation pour obtenir le retrait de la réforme des retraites. Ce week-end, malgré un taux de grévistes en baisse, le trafic n’est toujours pas revenu à la normale, que ce soit à la SNCF ou à la RATP. Alors que le gouvernement se défend de jouer le pourrissement, ceux qui ont cessé le travail doivent s’organiser, notamment financièrement. Car plus de trois semaines de grève coûtent cher et continuer la lutte avec un bulletin de salaire amputé ne relève pas de l’évidence quand il y a toujours un loyer à payer et une famille à nourrir.

Si les contestataires ont pu anticiper une partie du manque à gagner dans un conflit prévu de longue date, ils peuvent aussi désormais compter sur des donateurs qui alimentent, jour après jour, les caisses de grève initiées sur Internet par des syndicats. Un appel relayé, dans une tribune publiée le 22 décembre sur Mediapart, par une quarantaine de personnalités, parmi lesquelles l’écrivaine Annie Ernaux, le comédien Jean-Marie Bigard, ou encore le sociologue Jean-Marc Salmon, déjà à l’origine d’une caisse, en 2018, contre la réforme ferroviaire.

Depuis le début du mouvement, le 5 décembre, les cagnottes en ligne se sont multipliées. Un décompte non exhaustif en fait apparaître près d’une centaine, qu’elles soient régionales, locales ou par secteurs. Si le phénomène n’est pas nouveau – en 2018, celle de M. Salmon avait atteint 1,2 million d’euros –, il gagne en ampleur, avec le développement des réseaux sociaux. « Cela montre que les grévistes eux-mêmes se préparent à tenir, souligne Gabriel Rosenman, un ancien cheminot et militant de SUD-Rail, qui prépare une thèse sur « les caisses de grève de 1864 à nos jours » à l’ENS et à l’EHESS. C’est un signe de détermination très fort et une volonté de contrôler la grève. »

Si certaines cagnottes restent confidentielles, d’autres ont vu leurs compteurs grimper en flèche. C’est notamment le cas de celle mise en place par Solidaires-RATP, qui avait atteint, samedi 28 décembre, plus de 35 000 euros. Leurs collègues de SUD-Rail ont, eux, déjà collecté plus de 67 000 euros. Mais c’est la caisse organisée par le syndicat Info’com-CGT qui fait, pour l’heure, la course en tête. Ce dernier a annoncé, jeudi, avoir dépassé le million d’euros récoltés depuis le début du conflit. A cette date, plus de 15 000 personnes avaient fait un don, d’un montant moyen de 67 euros. Deux jours plus tôt, des représentants de cette structure cégétiste des salariés de l’information et de la communication avaient remis aux grévistes de la RATP un chèque de 250 000 euros. De quoi regonfler le moral des troupes et contribuer à poursuivre la mobilisation, non seulement par l’aide matérielle apportée, mais aussi par le soutien affiché des donateurs.


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