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Passer au tableau : comment faire de ce rituel scolaire un moyen de réguler ses émotions ?

Omar Zanna, Le Mans Université

« C’est à qui le tour de passer au tableau ! », « Viens au tableau nous dire tout ce que tu racontes à ton camarade ! » ou encore « Qui souhaite venir au tableau ? »… Quels sont les élèves qui n’ont jamais entendu ce type d’exhortation au cours de leur scolarité ?

En France, l’installation de tableaux dans les classes est finalement assez récente, puisqu’elle date de l’instruction obligatoire chère à Jules Ferry (1882). Toutes les classes sont aujourd’hui dotées de cet artefact noir, blanc ou numérique. Il devient alors un support de transmission pour l’enseignant mais également une occasion d’expression – le plus souvent imposée – pour les élèves, qui sont invités à venir y résoudre des exercices, réciter des leçons, recopier des mots…

Rien d’étonnant donc à ce que ce rituel, pensé par l’institution comme l’occasion d’évaluer ou d’exposer une connaissance face aux autres, ait et continue à être vécu par certains élèves « comme une sorte de passage à tabac », participant au processus de harcèlement scolaire dont on connaît désormais les funestes conséquences. Les humiliations subies lorsque le corps est mis en scène, lorsqu’il est exposé aux moqueries, aux remarques déplacées des élèves et parfois des enseignants peuvent participer du harcèlement comme l’expliquait Kilian Vaysse, de l’Association contre les discriminations et le harcèlement, lors du colloque Enfant demain.

Qui n’a en effet pas souhaité disparaître six pieds sous terre lorsqu’il se retrouve debout au tableau, face à plus d’une vingtaine de paires d’yeux qui le déshabillent littéralement – notamment quand il ne maîtrise pas totalement sa leçon. Qui n’a jamais vécu cette situation ? Et finalement que révèle ce temps de passage au tableau : la maitrise d’une connaissance (enseignée à l’école) ou bien une compétence émotionnelle (moins enseignée à l’école) à restituer une connaissance ?

Favoriser la coopération entre élèves

Tout bien considéré, si la classe et l’école en général bouillonnent d’émotions, celles-ci font peu l’objet d’une réelle réflexion didactique. Tout se passe comme si ces émotions, les siennes et celles des autres, ne relevaient pas du périmètre de l’école. Émile Durkheim, référence majeure du projet de l’école républicaine, ne préconisait-il pas d’arracher l’enfant à la famille jugée émotionnellement trop toxique au prétexte que « la morale qui y est pratiquée y est surtout affective. L’idée abstraite du devoir y joue un moindre rôle que la sympathie, que les mouvements spontanés du cœur. »

Pourtant, nombreux sont les travaux montrant l’intérêt de considérer les émotions. Leur prise en compte se traduit en effet par un bien-être subjectif plus marqué et à une amélioration des performances scolaires. Mais encore faut-il leur ouvrir la porte de la classe, et plus largement celle de l’école, pour que les élèves les apprivoisent et en fassent des compagnes plutôt que d’en être esclave.

C’est précisément ce à quoi nous nous sommes attachés avec les enseignants d’écoles primaire rencontrés dans le cadre d’une recherche-action. Concrètement, il s’agissait de transformer l’exercice du passage au tableau en un temps d’éducation aux compétences socio-émotionnelles. Pour faire de cet exercice souvent individuel, angoissant, un moment de construction de soi, d’approvisionnement de ses émotions et d’apprentissage optimal, les enseignants ont, entre autres, expérimenté la récitation à plusieurs voix.

Par groupe de 3 ou 4, les élèves sont invités à réciter au tableau une poésie préalablement divisée par leurs soins en trois ou quatre parties. L’un d’entre eux entame la récitation et s’arrête soit lorsqu’il a terminé sa partie, lorsqu’il se sent en difficulté (une hésitation, un trou de mémoire, une perturbation liée au regard des élèves auditeurs…), ou bien quand il éprouve l’envie de passer le relais à l’un de ses camarades. Le deuxième, attentif à la situation (phrasé, mimiques, mouvement du corps…) prend alors la suite de la récitation avant de lui-même passer la main à un autre camarade.

L’enseignant propose plusieurs passages de façon à ce que chaque élève ait récité le texte dans son intégralité. À partir de ce design pédagogique, de très nombreuses variantes ont été proposées : récitation seule avec désignation d’un joker-souffleur avec ou sans contrainte d’intervention, libre choix de la répartition du texte, choix du lieu de récitation (à sa place, à côté de l’enseignant…), etc.

Apprendre à se mettre en scène

Le scénario pédagogique mis en œuvre dans cette recherche-action, permet, d’une part, de réduire le stress, préjudiciable aux apprentissages et, d’autre part, de libérer rapidement la participation des élèves et favorise leur entrée dans la tâche proposée.

Très vite, les élèves apprennent à s’organiser collectivement et s’inscrivent dans un processus de résonance nécessaire à une coopération sans fard. Aux dires des enseignants, grâce à cet exercice collectif, ils ont moins d’appréhension dans leur prise de parole et sont plus attentifs à celle des autres. Au-delà d’un simple entraînement à la mémorisation, ils s’expriment désormais à l’oral avec plus d’aisance et – point essentiel – en tenant compte d’autrui.

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Ainsi pensé et expérimenté régulièrement, « le rituel du passage au tableau » prend une tout autre tournure pour les élèves. De situation stressante, parfois terrifiante, il devient un temps de jeu, de mise en scène de soi plus confiante, un temps de développement de l’empathie envers ses camarades, de récitation et de développement des compétences socio-émotionnelles utiles tout au long de la vie pour naviguer sans heurts dans les mondes sociaux.

Parce que la vie sociale est souvent l’occasion de se mettre en scène sous le regard d’autrui dans le cadre d’une réunion de travail, d’un exposé, d’un événement familial ou amical… apprendre à ressentir, identifier et apprivoiser ses propres émotions et celles des autres devrait également faire partie des missions de l’école.

Omar Zanna, Professeur des universités en sociologie, Le Mans Université

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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Se défaire de choses que l'on possède présente des similitudes avec d'autres situations à surmonter comme des attentes déçues. Shutterstock

Pourquoi les enfants ne veulent pas donner les jouets dont ils n’ont plus besoin

Se défaire de choses que l'on possède présente des similitudes avec d'autres situations à surmonter comme des attentes déçues. Shutterstock
Shane Rogers, Edith Cowan University et Natalie Gately, Edith Cowan University

Dans tout foyer avec des enfants, les objets s’accumulent inévitablement. Au fil des anniversaires, des fêtes de Noël, des célébrations d’événements comme des victoires sportives ou d’achats impulsifs, on se trouve envahi par un flot de jouets, de vêtements et de bibelots.

Se séparer de ces biens, voilà une tout autre affaire. Si certains enfants se laissent convaincre de déposer leurs vieux jouets dans des bacs de collectes solidaires ou de donner leurs vêtements trop petits à des amis, d’autres enfants ont vraiment du mal à faire ces gestes.

Essayons de comprendre pourquoi c’est une démarche si difficile et comment les parents et les éducateurs peuvent encourager les enfants dans cette voie.

Apprendre à se séparer

Éviter le désordre, c’est la première raison qui s’impose pour inciter les enfants à faire du tri. Les recherches montrent que le désordre peut avoir un impact négatif sur l’humeur et le bien-être des personnes qui sont attachées à avoir un intérieur bien rangé. Cependant, la définition de ce qui constitue un espace encombré varie considérablement d’une personne à l’autre.

S’ils ont constamment du mal à se débarrasser de ce qui leur appartient et que cela leur cause une grande détresse, certains enfants peuvent, dans les cas les extrêmes, développer un trouble de la thésaurisation.

Du point de vue psychologique, se défaire de choses que l’on possède présente des similitudes avec d’autres situations à surmonter comme des attentes déçues (par exemple l’annulation d’un événement) ou la rupture d’une relation. Cultiver dès l’enfance la capacité à séparer d’objets peut avoir des répercussions positives bien au-delà d’apprendre à garder les choses en ordre.

Pourquoi les enfants s’attachent à des objets

L’attachement aux objets commence au cours de la première année de vie de l’enfant. Les nourrissons peuvent être angoissés lorsqu’on leur enlève leur couverture ou leur ours en peluche. Les chercheurs considèrent que ce comportement d’attachement précoce est dû au fait que les objets agissent comme un substitut réconfortant lorsque le parent est absent.

Au fur et à mesure que les enfants grandissent, jusqu’au début de l’adolescence, le besoin de réconfort reste l’une des principales motivations à s’attacher à des objets. Cependant, le type de réconfort recherché peut devenir plus complexe à mesure que l’enfant prend de l’âge.

Comme les adultes, les enfants conservent des objets au cas où ils en auraient à nouveau besoin. Shutterstock

Avec le temps, les enfants peuvent en venir à considérer un jouet comme une entité spéciale. Dans une étude, on a présenté à des enfants une machine à dupliquer basée sur un simple tour de passe-passe. Ils pouvaient choisir de recevoir une copie de leur jouet ou de se voir restituer leur jouet original. Les enfants étaient plus enclins à demander qu’on leur rende le jouet original plutôt que d’en avoir une copie, ce qui indique un certain degré d’attachement au jouet original.

Certains jouets acquièrent une sorte de statut d’« ami ». Cette interaction est considérée comme bénéfique pour le développement psychologique et social. Il est facile d’imaginer qu’il peut être difficile de se séparer d’un objet considéré de cette manière.

Les possessions peuvent également agir comme des points de repère pour la mémoire. Ce vieux t-shirt délavé et mal ajusté qu’ils hésitent à jeter peut leur rappeler à quel point ils se sont sentis spéciaux et aimés lors de leur fête d’anniversaire.

Tout comme les adultes, les enfants peuvent tomber dans le piège du « je pourrais en avoir besoin plus tard ». Par exemple, un enfant qui aimait colorier mais qui a évolué vers d’autres passe-temps peut néanmoins hésiter à jeter ses vieux crayons de couleur, au cas où.

Un accompagnement étape par étape

Tout d’abord, essayez d’adopter le comportement que vous aimeriez que votre enfant adopte. Si vous avez du mal à vous débarrasser de vos propres affaires, comment verrait-il la nécessité de se débarrasser des siennes ?

Ensuite, discutez avec l’enfant des motivations sous-jacentes à sa résistance à se débarrasser de ses affaires et aidez-le à surmonter ses blocages mentaux.

Pour un jouet qui a un « statut d’ami », vous pouvez encourager l’enfant à se concentrer sur d’autres jouets qui sont également spéciaux. Aidez-les à comprendre que les relations peuvent se terminer, ce qui n’est pas un drame. D’autres peuvent voir le jour. Adoptez une approche progressive en incitant l’enfant à donner son jouet lorsqu’il sera prêt à le faire. Cela peut l’aider à sentir qu’il ne s’en débarrasse pas complètement, que le jouet continue d’exister, mais avec quelqu’un d’autre.

Dans le cas d’un objet qui rappelle de bons moments et qui a une valeur sentimentale, rappelez-lui qu’il existe d’autres moyens d’entretenir la mémoire, comme les photos ou les souvenirs avec les proches.

Dans le cas des réactions du type « Je pourrais en avoir besoin plus tard », une stratégie consiste à dissiper l’inquiétude qui sous-tend la résistance en leur disant qu’ils pourront obtenir un autre objet du même type si nécessaire. Il y a de fortes chances que cela ne soit pas nécessaire.

Il y aura d’autres raisons et motivations que celles mentionnées ci-dessus, c’est pourquoi il faut adopter une approche ciblée. Pour ce faire, communiquez avec votre enfant afin de comprendre son point de vue. Ensuite, adaptez votre stratégie afin de répondre au mieux à ses préoccupations spécifiques.

Essayez de comprendre pourquoi votre enfant ressent une telle résistance à laisser tomber quelque chose. Shutterstock

Essayez d’éviter de vous lamenter uniquement sur le désordre de l’appartement, ce qui pourrait nourrir des sentiments de culpabilité et de ressentiment chez l’enfant s’il peine à l’idée de se débarrasser de ses affaires. En revanche, en découvrant les raisons sous-jacentes à leur réticence, vous pourrez travailler avec eux pour faire face à ces pensées et à ces émotions.

Shane Rogers, Lecturer in Psychology, Edith Cowan University et Natalie Gately, Senior Lecturer and Researcher, Edith Cowan University

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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Avant d'offrir un téléphone à un enfant, l'essentiel est de savoir à quoi l'appareil va servir. Pressmaster/Shutterstock

Offrir un téléphone portable à son enfant : à quel âge et dans quelles conditions ?

Avant d'offrir un téléphone à un enfant, l'essentiel est de savoir à quoi l'appareil va servir. Pressmaster/Shutterstock
Andy Phippen, Bournemouth University

Je consacre mes recherches aux jeunes et à leurs usages d’Internet, pour étudier ce qu’ils font en ligne, ce qu’ils en pensent et la manière dont leurs opinions diffèrent de celles de leurs parents.

Je reçois souvent des questions de parents qui s’interrogent sur les pratiques numériques de leurs enfants. L’une des plus fréquentes est de savoir quand leur acheter un téléphone portable et comment assurer leur sécurité lorsqu’ils en ont un. Voici quelques points de repère sur ces enjeux clés.

S’interroger sur l’utilité du smartphone pour l’enfant

Quel âge un enfant doit-il avoir pour recevoir son premier téléphone ? Je crains fort de décevoir les parents qui me posent cette question en ne leur indiquant pas d’âge précis. Mais, de fait, l’essentiel est de savoir à quoi le téléphone va servir – et c’est en fonction de cela qu’on se demandera quand cela pourra convenir à tel enfant ou tel autre.

Selon le rapport 2023 de l’autorité britannique de régulation des communications, l’Ofcom, 20 % des enfants de trois ans vivant outre-Manche possèdent aujourd’hui un téléphone portable. Mais peut-être celui-ci ne sert-il qu’à prendre des photos, à jouer à des jeux simples et à passer des appels vidéo supervisés par la famille.

La question la plus importante est de savoir à partir de quel moment les enfants peuvent avoir un téléphone personnel connecté à Internet, qu’ils peuvent utiliser sans surveillance pour interagir en ligne avec d’autres personnes.

Lorsqu’un enfant est à l’école primaire, il est fort probable qu’il soit la plupart du temps sous la supervision d’un adulte. Il est soit à l’école, soit à la maison, soit avec des amis et des adultes de confiance, soit avec d’autres membres de sa famille.

Le besoin de prendre contact avec un adulte qui serait à distance n’est peut-être pas si important – mais c’est à vous de réfléchir aux besoins spécifiques de votre enfant.

En général, le passage du primaire au collège est le moment où les enfants commencent à s’éloigner plus de leur domicile, ou à s’impliquer dans des activités scolaires ou extrascolaires avec des amis et où il devient plus important donc d’avoir un moyen de contacter son domicile. Nombre de jeunes que j’ai interrogés citent cette entrée en sixième comme date de leur premier mobile.

Sensibiliser l’enfant aux risques numériques

Comment s’assurer ensuite que le téléphone est utilisé en toute sécurité ? Tout d’abord, si votre enfant a accès à Internet, quels que soient son âge et l’appareil qu’il utilise, il est essentiel d’avoir avec lui une conversation sur ces enjeux de sécurité.

Les parents ont un rôle à jouer dans la sensibilisation aux risques numériques, même s’il faut éviter de dramatiser et garder en tête qu’une grande partie de ces expériences ne sont pas dangereuses.

J’ai mené des recherches de fond sur les dangers liés à Internet. Dans ce cadre, j’ai développé avec mes collègues un certain nombre de ressources pour les parents, élaborées avec l’aide de plus de 1 000 jeunes.

Ce que ces jeunes disent le plus, c’est qu’ils veulent savoir à qui s’adresser lorsqu’ils ont besoin d’aide. Ils veulent être sûrs qu’ils recevront un soutien, et non d’être réprimandés ou de se voir confisquer leur téléphone. La première étape consiste donc à rassurer votre enfant en lui disant qu’il peut venir vous voir s’il a des problèmes et que vous l’aiderez sans le juger.

Il est également important de discuter avec lui de ce qu’il peut faire ou ne pas faire avec son appareil. Il peut s’agir, par exemple, de fixer des règles de base concernant les applications qu’il peut installer sur son téléphone et le moment où il doit l’éteindre en fin de journée.

Vous devriez également explorer les paramètres de confidentialité des applications que votre enfant utilise, afin de vous assurer qu’il ne peut pas être contacté par des inconnus ou accéder à des contenus inappropriés.

Ajuster l’accompagnement parental à l’âge de l’enfant

Les parents me demandent parfois s’ils devraient pouvoir surveiller le téléphone de leur enfant, soit en contrôlant directement l’appareil, soit en utilisant une « safetytech », un logiciel installé sur un autre smartphone et qui permet d’accéder aux communications de l’enfant.

Il est important d’avoir des conversations ouvertes sur les usages des téléphones portables. Khorzhevska/Shutterstock

Je pense qu’il est important d’en discuter aussi avec votre enfant. Si vous voulez qu’il s’adresse à vous en cas de problèmes en ligne, il faut qu’un rapport de confiance soit établi, donc si vous envisagez de surveiller son téléphone, parlez-lui-en ouvertement plutôt que de le faire en cachette.

Il semble raisonnable d’exercer une supervision parentale sur le téléphone d’un enfant quand il est en primaire, de la même manière que vous ne le laisseriez pas se rendre chez un camarade sans au préalable vous être assuré de l’invitation auprès de l’autre parent.

Cependant, lorsque votre enfant grandit, il peut ne pas vouloir que ses parents voient tous ses messages et toutes ses interactions en ligne. La Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant stipule clairement qu’un enfant a droit au respect de sa vie privée.

Géolocaliser son enfant : dans quel but ?

J’ai discuté avec des familles qui géolocalisent les appareils des uns et des autres de manière ouverte et transparente, et c’est une décision qui leur appartient. Mais j’ai aussi parlé à des enfants qui trouvent très effrayant qu’un de leurs amis soit suivi par ses parents.

La question qui se pose ici est de savoir si les parents s’assurent que leur enfant est en sécurité ou s’ils veulent savoir à son insu ce qu’il fait en ligne. J’ai eu une conversation particulièrement mémorable avec une personne dont l’ami était extrêmement contrarié que sa fille ait changé d’appareil et donc de ne plus pouvoir la suivre. Lorsque j’ai demandé l’âge de la fille, on m’a répondu qu’elle avait 22 ans.

Il convient également de se demander si ce type de technologies n’est pas en réalité faussement rassurant. Elles permettent aux parents de savoir où se trouve leur enfant, mais pas nécessairement de savoir s’il est en sécurité.

Comme dans le cas de la surveillance du téléphone, il convient de se demander si ce mode du contrôle crée les conditions idéales pour que l’enfant vous consulte en cas de problème, ou si des conversations ouvertes et un environnement de confiance mutuelle y seraient plus propices.

Andy Phippen, Professor of IT Ethics and Digital Rights, Bournemouth University

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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18-25 ans : des jeunes étonnamment optimistes et résilients Shutterstock

18-25 ans : des jeunes étonnamment optimistes et résilients

18-25 ans : des jeunes étonnamment optimistes et résilients Shutterstock
Fabrice Rousselot, The Conversation France

Dans un contexte difficile, les jeunes sont plus positifs qu'on ne le pense face aux défis de demain, plus matures aussi et se définissent principalement par les causes qu'ils défendent en privilégiant des modes d'action dans la sphère privée plutôt que dans un espace public qui ne les inspire pas.

Tels sont les principaux enseignements de l'enquête exclusive réalisée en octobre auprès des 18-25 ans pour The Conversation France par le cabinet d'études George(s).


CC BY

Retrouvez l'enquête exclusive « Jeune(s) en France » réalisée en octobre 2023 pour The Conversation France par le cabinet George(s). Une étude auprès d'un échantillon représentatif de plus de 1000 personnes qui permet de mieux cerner les engagements des 18-25 ans, les causes qu'ils défendent et leur vision de l'avenir.


Alors que de nombreux sondages montrent les inquiétudes des parents pour leur progéniture, les jeunes interrogés sont majoritairement optimistes en pensant à l'avenir (71%) et environ un quart d'entre eux se disent « très optimistes » mais ils envisagent leurs leviers d'action dans un cadre familial ou amical plutôt que collectif.

Ils se déclarent aussi adultes à 86% et font de l'autonomie financière une condition primordiale de leur vie future.

Un engagement qui se matérialise dans la sphère privée

L'un des faits frappants de l'étude est que la confiance exprimée est ancrée dans l'environnement proche, alors que la famille (à 45%) et les amis (41%) sont les éléments qui les rendent « très heureux ».

Les jeunes interrogés déclarent se définir en premier lieu à travers les causes qu'ils soutiennent, principalement d'ordre environnemental et sociétal : gaspillage alimentaire, défense de l'environnement, lutte contre les violencers faites aux femmes, combat contre le racisme et les discriminations…

Mais cet engagement, qui est donc au cœur de leur identité, est à la fois un engagement personnel et citoyen.

La mobilisation ou l'appartenance à un parti politique ou à un syndicat ne représentent ainsi pas à leurs yeux des preuves fortes d'engagement. Pas plus que la participation à une manifestation ou la signature d’une pétition, traduisant un réel fossé entre leurs préoccupations et la possibilité de les exprimer dans le monde qui les entoure.

Plusieurs formes de « dons » sont en fait mises en avant par rapport au fait de s'engager : aider une personne dépendante ou malade (83%), donner de son temps en général (80%), faire des dons d’argent (75%) sont largement cités.

L’engagement est à la fois proximal et intime. Il témoigne d'une véritable résilience et prend tout son sens à travers les actions et les gestes du quotidien. Interrogés sur « les personnes dont l'exemple vous donne envie de vous engager, de vous mobiliser », ils citent tout d'abord leurs parents, puis des « gens de leur génération qu’ils ont rencontrés » et en troisième « des membres de leur famille ».

Reste une singularité, même si seulement 16% d'entre eux estiment que leurs « opinions politiques » contribuent à dire qui ils sont et que l'on connaît les faibles taux de participations des jeunes aux élections, 79% considèrent toujours le vote comme une preuve d'engagement.

Un élément apparemment contradictoire mais qui semble traduire le décalage entre la représentation politique actuelle et celle que l'on aimerait et qui déclencherait l'envie de participer aux scrutins.

Une maturité assumée face au contexte économique

Être autonome financièrement (à 58%), avoir une situation professionnelle stable (à 46%), bénéficier d'un logement à soi (à 40%) … ces trois éléments sont les premiers qui sont pris en considération par les 18-25 ans comme étant constitutifs d'un passage à l'âge adulte.

Une vision qui traduit la réalité d'une génération qui doit aussi faire à une certaine précarité. Il faut noter d'ailleurs que 41% des 18-25 ans estiment que leur santé mentale et physique est très importante pour comprendre qui ils sont et en font donc une pierre angulaire de leur équilibre.

La question de l'orientation scolaire ou professionnelle montre des divergences. Une majorité des jeunes interrogés (56%) estiment ainsi avoir le sentiment d'avoir vraiment pu choisir cette orientation mais chez les actifs, c'est le fait d'avoir un métier qui ne correspond pas à leur diplôme qui domine (à 53%).

Face au travail, les jeunes sont à la fois très raisonnés et très exigeants, projetant une véritable maturité. Parmi les choses considérées comme « très importantes » figurent l’ambiance de travail (51%), mais aussi la rémunération et les avantages matériels (50%), le niveau de responsabilité (31%) et le temps libre (44%). La possibilité d’évoluer (43%) est jugée plus importante que les valeurs et engagements de l’entreprise (34%).

Autant de constats qui semblent privilégier une approche très pragmatique face au travail, loin des déclarations que l'on peut voir de ci et là sur certaines quêtes de sens priorisées sans grande considération matérielle.

Une ambiguïté face aux médias

Parce qu'ils trouvent leurs repères dans cet environnement de proximité, les jeunes interrogés apparaissent très ambigus face au monde renvoyé par les médias.

Quand ils décident de s'informer, la priorité n'est pas donnée à la politique ou à l'économie. Ils préfèrent se tourner vers de l’actualité culturelle (note d’intérêt déclaré de 7,05/10), liée à l’environnement, la santé ou la science (6,63) ou au sport (6,21). Sans surprise par rapport à notre constat sur l'engagement, l’intérêt déclaré est beaucoup plus faible pour la politique nationale (5,54) ou internationale (5,38).

Face à l'actualité, ils se disent à la fois inquiets (41%) et curieux (36%), fatigués (33%) et optimistes (24%). Mais l’angoisse (25%) et la méfiance (29%) n'aboutissent pas forcément à de l’indignation (14%) ou de la mobilisation (10%).

Un point à souligner : les jeunes femmes se déclarent en moyenne plus inquiètes que les hommes (48% vs 33%), plus fatiguées (39,5% vs 26%), angoissées (31,8% vs 18%) ou dépassées ( 29,6% vs 19,5%).

Fabrice Rousselot, Directeur de la rédaction, The Conversation France

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.