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Il arrive à tous les enfants, même aux mieux élevés, de se comporter mal de temps en temps. Xavi Cabrera/Unsplash, CC BY-SA

Pourquoi mon enfant est-il sage chez les autres mais fait-il des colères à la maison ?

Il arrive à tous les enfants, même aux mieux élevés, de se comporter mal de temps en temps. Xavi Cabrera/Unsplash, CC BY-SA
Trevor Mazzucchelli, Curtin University

Peut-être en tant que parents connaissez-vous ce scénario : votre enfant se comporte bien à l’école, il est poli avec ses professeurs, mais, une fois rentré à la maison, il fait une crise l’après-midi.

Chez son ami, il dit « s’il vous plaît » et « merci » chez un ami, mais en famille, il se montre grossier. Il respecte les règles lorsqu’il rend visite à un voisin mais, à la maison, il faut constamment lui rappeler de ne pas claquer les portes et de ne pas se servir librement dans la cuisine.

Comment expliquer ce décalage d’attitudes ? Que faire pour y remédier ?

Les enfants prennent très tôt conscience des effets de leur comportement

Il arrive à tous les enfants, même aux mieux élevés, de se comporter mal de temps en temps.

Lorsque les jeunes enfants sont fatigués, par exemple après une séance de jeu ou une longue journée à la crèche ou à l’école, ils peuvent devenir irritables et turbulents. Les enfants sont aussi naturellement curieux et peuvent parfois mal se comporter juste pour tester les effets de leur comportement.

Les enfants peuvent mal se comporter juste pour tester leur entourage et voir ce qui se passe. Ksenia Chernaya/Pexels, CC BY-SA

Cependant, certains enfants semblent se comporter systématiquement plus mal quand ils sont chez eux. Pour comprendre ce phénomène, il est nécessaire de s’arrêter sur ce qui les motive à réagir de cette façon.

Dès tout-petits, les enfants s’aperçoivent que chacun de leurs comportements peut avoir des effets sur leur environnement. Par exemple, les bébés réalisent vite que les pleurs sont un moyen très efficace de signaler leur détresse. Les parents apprennent rapidement à changer une couche mouillée ou à nourrir leur enfant lorsqu’il pleure. Lorsqu’un bébé sourit, l’adulte lui rend en général son sourire et le cajole.

Les enfants comprennent donc sans tarder que leur comportement peut être un moyen efficace de contrôler les actions des autres.

Les récompenses des mauvais comportements

Le comportement des enfants, qu’il soit souhaitable ou indésirable, est influencé par les conséquences qu’il entraîne.

Parfois, les réactions des parents ou des frères et sœurs peuvent accidentellement récompenser un mauvais comportement, et les enfants en déduisent que cette façon d’agir est payante.

Ainsi, les enfants peuvent prendre conscience que, lorsqu’ils ne font pas ce qu’on leur demande, ils reçoivent une attention particulière de la part de leurs parents. Celle-ci peut prendre la forme d’une discussion, d’une dispute ou d’une répétition répétée des instructions. Les adultes ne considèrent peut-être pas cela comme une « récompense », mais les enfants voient de leur côté que leur père ou leur mère leur consacre du temps.

Les enfants peuvent également réaliser qu’ils ont plus de chances d’obtenir un appareil électronique quand ils se plaignent et pleurnichent. Dans ce scénario, l’enfant arrive à ses fins et le parent est soulagé de lui avoir cédé l’iPad parce qu’il met fin à un bruit très irritant (du moins à court terme). Comme l’enfant et le parent tirent tous deux un avantage de la situation, cette interaction est susceptible de se reproduire.

Pourquoi les enfants sont-ils plus sages à l’école ?

Lorsque les enfants se trouvent en présence de personnes qui leur sont moins familières, ils ne savent pas comment celles-ci vont réagir ni quel comportement serait récompensé. Dans ces circonstances, il est courant que les comportements indésirables soient moins fréquents, du moins temporairement.

L’école a l’avantage de proposer des routines fixes et des modèles de comportement positifs. Arthur Krijgsman/Pexels, CC BY-SA

Les enfants peuvent également mieux se comporter à l’école qu’à la maison du fait de la bonne organisation mise en place par les enseignants. Les enfants y sont occupés par une variété d’activités intéressantes, les attentes en matière de comportement sont bien formalisées et les bonnes attitudes sont clairement récompensées par de l’attention, des félicitations, de petites gratifications matérielles comme des jetons.

Les enfants ont également tendance à imiter le comportement de leurs pairs, en particulier s’ils voient que cela donne des résultats, comme le fait d’obtenir l’attention de l’enseignant ou d’accéder à des activités prisées.

Comment les parents peuvent-ils inciter leurs enfants à mieux se comporter à la maison ?

La bonne nouvelle, c’est que si les enfants se comportent bien dans un contexte, nous savons qu’ils sont capables de faire de même à la maison.

Les parents peuvent évaluer dans quelle mesure les enfants ont besoin de se détendre à la maison tout en attendant d’eux qu’ils soient polis et respectent les règles. Avec quelques ajustements, il est généralement possible d’observer une nette amélioration du comportement.

Voici quelques mesures pratiques que peuvent prendre les parents :

  • Instaurez des routines : Il peut s’agir de permettre à votre enfant de se détendre et de se relaxer, de lui donner une collation saine, puis de lui proposer une activité attrayante lorsqu’il rentre de l’école ou d’une sortie. La routine facilite le passage d’un environnement à l’autre pour tout le monde. C’est encore mieux si la routine inclut des activités – comme le coloriage ou une course à l’extérieur – qui sont apaisantes ou qui permettent de brûler de l’énergie.

  • Établissez des règles de vie simples : Il s’agit d’indiquer clairement à votre enfant comment vous attendez de lui qu’il se comporte, comme « ranger ses jouets ».

  • Prenez acte des efforts de bonne conduite : Faites savoir à votre enfant qu’il a fait ce qu’il fallait, en décrivant ce qui vous satisfait (« vous partagez si gentiment le jouet tous les deux »). Il y a ainsi plus de chances que le comportement se reproduise.

  • Passez régulièrement de petits moments avec votre enfant : Cela montre que vous êtes là pour lui et qu’il n’a pas besoin d’être plus bruyant ou de faire des bêtises pour attirer votre attention. Le fait de passer souvent de petits moments avec votre enfant – ne serait-ce qu’une ou deux minutes – au cours de la journée est un moyen efficace de renforcer votre relation et de prévenir les problèmes de comportement.

  • Avoir des attentes réalistes : Le changement est plus facile si vous vous concentrez sur un ou deux objectifs à la fois. En outre, lorsque vous vous efforcez d’améliorer le comportement de votre enfant, attendez-vous à des revers occasionnels. Aucun enfant (ou parent) n’est parfait !

Trevor Mazzucchelli, Associate professor, Curtin University

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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Réussite étudiante : en quoi les premières semaines à l’université sont-elles décisives ?

Gilles Pinte, Université Bretagne Sud

La réussite ou l’échec dans l’enseignement supérieur sont souvent mesurés de manière quantitative, en pourcentages par filières et types de baccalauréat obtenus, ou encore selon l’origine socioprofessionnelle des parents sans prendre suffisamment en compte d’autres facteurs plus qualitatifs. Ainsi la réussite est mesurée selon le taux de réussite de la L1 à la L2 ou encore selon l’obtention en trois ou quatre ans de la licence.

Est-ce un échec d’avoir une licence en quatre ans, mais en ayant mieux approfondi ses connaissances ou en ayant précisé son projet professionnel ? Est-ce une réussite d’obtenir un master 2 en 5 ans à l’issue duquel on se rend compte que l’on s’est trompé d’orientation ? De même, si les étudiants qui ont déjà connu un redoublement ou un échec au baccalauréat antérieur ont une tendance à décrocher plus vite que les autres, peu d’études montrent ce qu’ils sont devenus quelques années plus tard.

Pour Bernard Charlot, même si des facteurs sociaux existent, ils n’expliquent pas tout. Pour essayer de comprendre à partir de quel moment l’expérience étudiante se transforme en réussite ou en échec, il est intéressant de se pencher sur l’histoire personnelle de l’étudiant, sur son expérience.

Dans cette logique dont nous avons tenté, dans une recherche ethnographique, à partir de journaux d’étudiants inscrits dans une vingtaine d’universités plus ou moins grandes et d’entretiens formels et informels de mieux comprendre les enjeux des premières semaines à l’université : comment les étudiants vivent-ils cette entrée dans un nouveau monde éducatif ? Quelles stratégies de travail développent-ils ? Quels sont leurs projets professionnels et personnels ?

Alain Coulon avait déjà évoqué que la réussite universitaire était liée à la capacité d’insertion active des étudiants dans le milieu universitaire et l’hypothèse pourrait être formulée que tout se joue dans les 100 premiers jours de l’étudiant à l’université et que cette capacité à s’insérer dépend de facteurs qui ne sont pas seulement liés au rapport au savoir académique et à ses prérequis.

Une population étudiante hétérogène

L’université depuis les années soixante a connu l’explosion de ses effectifs. Selon Hugrée et Poullaouec, de 2008 à 2021, le nombre d’étudiants a augmenté de 25 %, pendant que dans le même temps le budget chutait de 12 %. Les effectifs dans l’enseignement supérieur français ont été multipliés par 8 en 50 ans pour des raisons à la fois démographiques et académiques. En effet, selon les mêmes auteurs, plus de 80 % d’une génération obtient un baccalauréat contre 10 % au début des années 60. Les trois quarts d’entre eux s’inscrivent à l’université.

Le terme d’étudiant correspond à une facilité de définition pour constituer une notion commune. Pourtant l’étudiant type n’existe pas. François Dubet a proposé la construction d’une typologie de l’expérience étudiante à travers la combinaison de trois dimensions élémentaires : la nature du projet poursuivi, le degré d’intégration dans la vie universitaire et l’engagement dans une « vocation » intellectuelle.

Poitiers : rentrée universitaire à la fac d’histoire (France 3 Nouvelle-Aquitaine, 2020).

Les objectifs pour lesquels les lycéens s’inscrivent dans l’enseignement supérieur sont très variés : la connaissance pour la connaissance, la volonté de préparer un métier, être étudiant pour être étudiant, la volonté de se tester dans des études considérées difficiles, la possibilité de réfléchir à des projets variés… Pour prendre une métaphore sportive, on distingue également plusieurs catégories d’étudiants arrivant à l’université :

  • les sprinters : on essaie d’aller vite sur deux ou trois ans et de ne pas perdre de temps pour intégrer en admission parallèle une école d’ingénieur, de gestion ou de commerce ;

  • les marathoniens : on sait que l’université va être un long parcours et on pense que l’on a le temps de s’y habituer. Même s’il y a un échec en première année, cela ne présage pas de problèmes futurs ;

  • les battus d’avance : on sait ou l’on pense que l’on n’a pas le niveau. On est là pour participer mais sans en avoir l’entraînement et sans trop connaître les règles du jeu.

Certains étudiants sont encore dans une phase de recherche et de découverte personnelle, d’autres sont dans une logique d’apprentissage de l’autonomie à la fois scolaire et personnelle. Cet apprentissage de l’indépendance est plus ou moins progressif et se vit différemment selon les étudiants. Parfois, les champs des possibles se transforment en impasses.

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Isoler des facteurs de réussite ou d’échec comme certaines études l’ont fait en mettant en avant la nature du baccalauréat obtenu est pertinent sur le plan de la rationalité, mais ne rend pas compte de l’intrication et de la complexité de chaque facteur les uns avec les autres. L’échec ou la réussite correspond bien à une nébuleuse d’interactions qui dépasse l’analyse causale et statistique. La socialisation des premières semaines est bien un indicateur de l’affiliation universitaire comme en témoigne une étudiante en économie-gestion qui explique cette montée en puissance de doutes sur l’utilité de son entrée dans l’enseignement supérieur :

« Au fil des premières semaines, j’ai vécu beaucoup de choses. J’ai commencé un travail le soir après les cours et les week-ends qui m’a fait rencontrer d’autres personnes. J’ai aussi rencontré un garçon un peu plus âgé que moi qui travaille depuis deux ans comme commercial après un BTS. Son travail a l’air de le passionner et je me demande si des études courtes n’auraient pas été plus intéressantes. Je me sens en plus assez isolée à la fac. J’ai quitté mes parents et mes amis du lycée en septembre et puis, depuis presque trois mois à la fac, j’ai le sentiment qu’on n’apprend pas la vie à l’université. Donc aujourd’hui, j’ai plein de doutes, même si je pense avoir réussi mes partiels. »

Un accueil qui compte dans le sentiment d’affiliation à l’établissement

Plusieurs raisons d’affiliation ou de mise à distance apparaissent dans les témoignages des étudiants et qui correspondent à des moments vécus lors des premières semaines de l’enseignement supérieur. La découverte des locaux, d’abord, est souvent une surprise plus ou moins bonne pour les étudiants, comme l’exprime un participant de l’enquête :

« Déjà, j’étais dans un lycée qui n’était pas terrible, mais là, c’est pas une université, c’est un HLM. Ce sont des bâtiments construits dans les années soixante-dix. La plupart des TD sont dans des préfabriqués qui datent des années quatre-vingt. Les toilettes sont dans un état lamentable. On amène son papier toilette, parce qu’il n’y en a pas toujours. J’entendais à la radio la ministre parler d’excellence de l’université. Faudrait qu’elle vienne chez nous… »

D’autres étudiants sont plus satisfaits :

« On a l’impression d’être dans une famille, on a un local avec des fauteuils, on peut se connecter au WIFI et les profs viennent souvent dans ce local. C’est très sympa de discuter aussi avec les étudiants de L2 ou de L3. »

L’accueil lors des premiers jours est particulièrement important. Il va ensuite être un facteur plus ou moins fort d’intégration :

« La responsable de filière est venue nous parler dix minutes, ensuite on a eu notre premier cours. Elle ne nous a pas donné d’horaires pour nous recevoir et l’accueil était un peu froid. J’ai l’impression que c’était une corvée pour elle. »

Dans d’autres cas, l’impact paraît plus fort pour l’intégration :

« On a eu une demi-journée d’intégration super ; la majeure partie des profs est venue se présenter pu, par groupe de 15, des étudiants de L2 nous ont fait visiter les locaux, les salles infos. Ils nous ont montré où étaient les bureaux des secrétariats, de l’association sportive, du BDE. On s’est senti très pris en charge. C’était bien et en plus, cela nous fait avoir des contacts avec des étudiants de 2e année. »

Étudier et changer de cadre de vie

L’entrée à l’université correspond à la période où on l’on va quitter ses parents pour la première fois de manière durable. C’est un moment qui est assez peu évoqué lorsque l’on parle d’échec ou de réussite à l’université et pourtant ce moment est crucial pour les primo-étudiants qui expérimentent cette nouvelle vie. L’un dit :

« C’est impossible de dormir dans ma résidence universitaire. Tous les soirs, c’est la fête dans un studio. J’ai essayé de me plaindre, mais on me fait passer pour une rabat-joie. Mais au bout d’un moment c’est intenable de ne dormir que quatre heures par nuit. »

Une autre ajoute :

« Les premiers temps, c’est un peu débile à avouer, mais j’avais un peu peur le soir… on se rend compte que les parents, ils sont peut-être souvent chiants, mais c’est rassurant d’être chez eux. »

La mobilité géographique, notamment le passage d’une petite ville à une grande ville (ou d’un bourg à une ville moyenne) est un élément encore marquant pour beaucoup d’étudiants. Quelques étudiants se brûlent encore aux lumières de la ville.

Aller à l’université représente une suite de ruptures : quitter son lycée, sa famille, sa ville, sa province. Plus ces ruptures sont nombreuses et plus le risque d’isolement est réel :

« C’est pas évident lorsque je me retrouve dans ma chambre du CROUS le soir devant mon ordinateur. Les autres résidents de mon palier sont plus âgés, donc le contact ne se fait pas facilement. »

À ces nouvelles configurations s’ajoutent aussi les temps des nouvelles socialisations, de constitution d’un réseau d’amis, d’adaptation à la prise de notes notamment en amphithéâtre, d’organisation des tâches domestiques dont les témoignages montrent leurs effets sur la réussite ou l’échec lors du premier semestre à l’université.

Gilles Pinte, Maître de conférences en sciences de l'éducation, Université Bretagne Sud

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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Suivre un scénario de jeu aide les enfants à se concentrer. Ron Lach/Pexels

Pourquoi les jeunes enfants veulent-ils tant jouer avec leurs parents ?

Suivre un scénario de jeu aide les enfants à se concentrer. Ron Lach/Pexels
Victoria Whitington, University of South Australia

Les plus jeunes enfants adorent solliciter leurs parents pour jouer. Mais quand on est très occupés, c’est souvent difficile d’arriver à se rendre disponible.

Entre la gestion du foyer, le travail et la recherche d’un peu de temps pour soi, les parents n’ont pas beaucoup de marge de manœuvre ni d’énergie pour jouer aux princesses et aux dragons ou aux ninjas footballeurs.

Pourtant, ces moments de jeux en famille sont très importants, voici comment les aborder et laisser les enfants prendre l’initiative.

Comment le jeu contribue au développement des enfants

Les enfants adorent jouer. Pour eux, ce n’est pas seulement un moyen de s’amuser, c’est aussi leur principal moyen de découverte du monde.

Il existe de nombreux types de jeux. Par exemple, il peut s’agir de manipuler des objets, comme de la pâte à modeler. Il peut aussi s’agir d’un jeu imaginaire, où les enfants font semblant d’être des mamans, des papas ou des bébés.

Dans le jeu, les enfants utilisent leur environnement pour imaginer et créer un autre monde. Un bloc devient un téléphone, une table une maison et un jardin la demeure d’un dragon.

Garder à l’esprit un thème imaginaire et créer une séquence d’actions et un langage approprié pour le mettre en œuvre demande un effort intellectuel considérable. Les enfants sont alors plus performants que lorsqu’ils sont engagés dans d’autres activités qu’ils ne dirigent pas.

Les enfants apprennent en jouant. Barbara Olsen/Pexels

Par le jeu, les enfants apprennent à vérifier leurs hypothèses et à résoudre les problèmes qu’ils rencontrent. Les parents remarqueront que les scénarios des enfants concernent généralement le monde dans lequel ils vivent. C’est pourquoi ils font semblant d’être des familles, des animaux de compagnie ou encore d’autres figures du quotidien comme les commerçants, les médecins ou les infirmières.

Ces thèmes peuvent sembler banals aux parents (voire ennuyeux). Pourtant, pour les enfants, ce sont des occasions passionnantes d’explorer leur monde, de découvrir les différents rôles qu’ils voient autour d’eux et de rassembler dans le jeu des idées apprises dans des contextes variés.

Un atout pour la concentration et les compétences émotionnelles

Les enfants sont souvent considérés comme ayant une courte durée d’attention. Pourtant, dans le jeu ils peuvent suivre une idée qu’ils ont choisie pendant plus longtemps que lorsqu’ils participent à des activités menées par des adultes.

Le développement de la capacité à maintenir l’attention sur cette idée dans le jeu et à ignorer les autres stimuli renforce la capacité d’autorégulation de l’enfant.

L’autorégulation – la capacité à contrôler ses émotions et ses actions – est importante dans l’apprentissage, à l’école et sur le plan social et émotionnel.

Le jeu est également au cœur du développement du langage. Il permet aux enfants d’utiliser les mots et les idées qu’ils entendent dans leur vie quotidienne et de les expérimenter dans des environnements imaginaires. En jouant, ils peuvent se parler à eux-mêmes pour guider leur réflexion.

Le rôle des adultes dans le jeu

Les enfants âgés de 18 mois à 8 ans environ veulent jouer avec leurs parents. Ces derniers sont le centre de leur univers, jusqu’à ce que leur attention se porte de plus en plus sur leurs camarades.

Ils veulent le faire parce que cela contribue à leur apprentissage et à leur développement. Les parents peuvent anticiper la pensée de leur enfant et créer un sens commun d’une manière dont ses camardes du même âge ne sont pas capables. Le sens qui est partagé permet de poursuivre le jeu et le rend plus intéressant.

Le rôle d’un parent est d’aider son enfant à jouer. Cela signifie qu’il est important que les adultes laissent les enfants prendre les décisions. Les parents peuvent initier le jeu, faire des suggestions ou fournir des accessoires. Mais pour que l’activité soit considérée comme un « jeu », ce sont les enfants qui doivent prendre les décisions et donner la direction.

Les recherches montrent que lorsqu’un adulte tente de contrôler le jeu, les enfants sont distraits et s’en désintéressent rapidement.

Le jeu n’est pas une instruction (il ne s’agit pas d’enseigner à votre enfant comment faire quelque chose). Nous avons tous connu des situations où l’on nous parlait, où l’on ne discutait pas avec nous et où nous avions probablement beaucoup plus de mal à nous concentrer.

Les enfants ont besoin de ce contrôle parce qu’en jouant, ils opèrent exactement au niveau auquel ils sont le mieux à même d’apprendre. Les suggestions d’un adulte ou d’un enfant plus âgé peuvent toutefois amener le jeu de l’enfant à un niveau supérieur. Celui-ci devient alors plus stimulant intellectuellement que si l’enfant jouait seul ou avec ses pairs.

À quelle fréquence jouer avec son enfant ?

Jouer régulièrement avec votre enfant peut lui donner un sentiment d’autonomie. Tatiana Syrikova/Pexels

Sur presque tous les aspects de leur journée – quand se lever, quand s’endormir, quoi manger – les enfants doivent suivre les instructions des adultes. Le fait d’avoir un temps de jeu régulier pendant lequel ils dirigent, décident d’une activité et de son déroulement, leur donne du pouvoir et un sentiment de contrôle sur leur vie.

Mon travail d’enseignante professionnelle et d’universitaire spécialisée dans la petite enfance m’a montré que lorsque les parents – en particulier ceux qui sont préoccupés par le comportement de leur enfant – consacrent plus de 30 minutes par jour (ou tous les deux jours) à ces échanges sous forme de jeu, ils constatent que leur enfant est plus heureux et se laisse plus facilement guider dans d’autres aspects de leur vie. Leur relation s’en trouve également renforcée.

Tous les parents ne peuvent y parvenir. Mais trouver un temps de jeu régulier quand vous le pouvez en vaut la peine.

Les parents qui jouent avec leurs enfants peuvent constater que cela leur ouvre une fenêtre précieuse sur la pensée, les intérêts et le monde de leurs enfants.

Si vous voulez prendre part au jeu, faites-le pleinement. Rangez votre téléphone – et asseyez-vous par terre ou suivez votre enfant là où il joue. Vous montrerez ainsi à votre enfant que vous voulez vraiment participer. Et peut-être qu’après ces moments privilégiés, les enfants accepteront plus facilement que leurs parents s’accordent aussi du temps à eux-mêmes.

Victoria Whitington, Associate Professor in Education Futures (Adjunct), University of South Australia

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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La lecture, un loisir qui fait du bien aux enfants

Frédéric Bernard, Université de Strasbourg

Apprendre à lire demande un investissement sur plusieurs années, qui va bien au-delà du CP, pour que les enfants soient en mesure de réussir à identifier dans un premier temps les mots individuels, ce que l’on appelle le décodage, puis comprendre le sens de phrases et de textes. Cependant, ces efforts sont largement récompensés si l’on en croit les résultats de nombreuses études publiées ces dernières décennies et qui ont établi les bienfaits de la pratique régulière de la lecture sur le développement des facultés cognitives (par exemple le langage, l’attention ou la mémoire) et des capacités socio-émotionnelles (permettant par exemple de reconnaître les émotions exprimées par autrui et de faire preuve d’empathie).

Signe de l’importance de ce sujet, celui-ci est l’objet du nouveau livre du chercheur en neurosciences Michel Desmurget, qui, après avoir publié en 2019 La fabrique du crétin digital, un ouvrage critiquant les effets d’un usage excessif des écrans et ayant reçu beaucoup d’attention, a publié en septembre 2023 Faites les lire ! Pour en finir avec le crétin digital.

Dans ce nouvel ouvrage, l’auteur fait le constat de la baisse du temps alloué à la lecture ces dernières décennies chez les enfants, notamment les adolescents, sous l’effet probable d’un usage de plus en plus important des écrans à visée principalement récréative. Il rappelle, références à l’appui, les bienfaits de la lecture pour le plaisir sur le développement des enfants et propose d’inciter les plus jeunes à intensifier cette pratique.

Le livre, seul « antidote » face aux écrans, selon le neuroscientifique Michel Desmurget (France Inter, septembre 2023).

Au-delà du livre de Michel Desmurget, une étude récente publiée par Yun-Jun Sun et ses collègues dans le journal Psychological Medicine vient apporter un nouvel éclairage sur les mécanismes complexes impliqués dans les bienfaits de la lecture chez l’enfant en s’arrêtant notamment sur ses effets sur le cerveau.

Des données auprès de 10000 jeunes lecteurs

Les données obtenues auprès de plus de 10 000 enfants américains d’âges compris entre 9 et 13 ans dans le cadre du projet ABCD (pour Adolescent Brain and Cognitive Development) ont été analysées. Il s’agit d’une cohorte très importante qui a été constituée dans le cadre d’un consortium regroupant 21 centres de recherche aux États-Unis et qui met à disposition les données obtenues à des chercheurs qui ne font pas forcément partie de ce consortium, comme c’est le cas pour Yun-Jun Sun et ses collègues.

L’avantage de cette approche est de permettre l’analyse de données très nombreuses et plus facilement généralisables à la population. L’inconvénient, c’est que le protocole ne sera pas aussi fin ou spécifique en termes de tests utilisés qu’avec une étude monocentrique associée à un échantillon plus limité.

Des mesures reflétant le niveau de lecture pour le plaisir des enfants ont été obtenues à partir d’un questionnaire rempli par leurs parents et comprenant les deux questions spécifiques suivantes : « Pendant combien d’années votre enfant a-t-il lu pour le plaisir ? » et « Environ combien d’heures par semaine votre enfant pratique-t-il la lecture pour le plaisir ? »

Il est important de préciser que ces mesures ne sont pas exemptes de biais, comme celui de « désirabilité sociale », qui amène à avoir tendance à répondre de manière potentiellement biaisée pour donner l’impression de correspondre aux meilleurs « standards » par rapport à des normes éducatives. Ainsi, les auteurs de l’étude n’ont pas pu contrôler correctement ce genre de biais en utilisant, en complément, un test de reconnaissance d’auteurs (qui consiste à présenter une liste de noms d’auteurs à reconnaître parmi d’autres noms pour évaluer le niveau de connaissance de l’univers de la lecture).

Une évaluation neurocognitive a été faite pour obtenir des scores reflétant le niveau cognitif ou intellectuel des enfants (langage, mémoire, raisonnement, etc.). En outre, une échelle spécifique (Child Behaviour Checklist ou CBCL) a été administrée aux parents pour évaluer la présence éventuelle de signes ou de symptômes psychopathologiques et/ou de troubles du comportement chez leur enfant (trouble de l’attention, non-respect des règles, agressivité, stress, dépression, etc.).

Enfin, une image du cerveau de chaque enfant a été obtenue par IRM (imagerie par résonance magnétique) pour mesurer entre autres choses le volume des différentes régions ou parties du cerveau.

Les effets de la lecture sur le bien-être et le développement du langage via le cerveau

L’analyse des résultats montre, entre autres choses, des corrélations positives entre le niveau de lecture pour le plaisir et deux scores cognitifs : un score cognitif global, et un autre de mémoire verbale. Le niveau de lecture pour le plaisir était aussi positivement corrélé au niveau de développement du langage et à la réussite scolaire des enfants. À côté de cela, des corrélations négatives ont été mises en évidence entre le niveau de lecture pour le plaisir et des scores reflétant l’état mental des adolescents. Par ailleurs, le niveau de lecture pour le plaisir était aussi corrélé négativement avec le temps total d’écran des enfants.

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L’analyse des données obtenues par IRM montre que le niveau de lecture pour le plaisir était positivement corrélé au volume de plusieurs régions appartenant à un réseau connu pour sous-tendre le langage (notamment des régions fronto-temporales) ou à un réseau sous-tendant plutôt le système visuel et comprenant notamment les régions occipitales.

En outre, le volume de la plupart de ces régions était aussi positivement corrélé avec les scores cognitifs et négativement corrélé avec les troubles attentionnels et psychopathologiques et une analyse de médiation mettait en évidence le rôle médiateur qu’aurait le cerveau entre la lecture pour le plaisir et la cognition et le bien-être des adolescents. Ainsi, la lecture pour le plaisir aurait un effet sur le développement de certains réseaux de régions cérébrales qui aurait lui-même pour conséquence l’amélioration de la cognition et du bien-être des adolescents.

Dans cette étude, les enfants qui ont les meilleurs résultats (cognition plus élevée et moins de troubles de l’attention et du comportement) sont ceux qui lisent de façon régulière et intensive (environ 12 heures par semaine). Dès lors, lire toujours plus serait-il bénéfique ? Non, selon les résultats de l’étude puisqu’une durée de lecture hebdomadaire plus importante s’accompagne non seulement d’une absence d’amélioration des fonctions cognitives mais d’un léger déclin de celles-ci. Cela confirme le fait que le développement de la cognition ne dépend pas uniquement de la lecture, mais aussi d’autres activités, par exemple le sport ou les interactions sociales.

Les atouts à long terme de la lecture

L’ensemble des résultats que nous venons de décrire sommairement confirment les effets positifs de la lecture pour le plaisir sur la cognition, le bien-être et le cerveau des adolescents. Cela ouvre de nouvelles perspectives de recherche. Par exemple, nous pouvons nous demander si ces bienfaits sont seulement ponctuels, sur quelques années, ou s’ils sont durables – et peuvent avoir des répercussions sur plusieurs décennies, voire la vie entière.

L’étude de la persistance éventuelle de ces effets nous permettra de déterminer la meilleure façon de pratiquer la lecture afin de contribuer à l’optimisation du développement neurocognitif des individus tout au long de leur vie en les aidant par exemple à mieux résister face à certains effets du vieillissement. Il s’agirait ainsi d’envisager d’intégrer la mesure de la lecture pour le plaisir à celle de ce que l’on appelle la réserve cognitive, un facteur bien connu pour contribuer à l’optimisation du développement des individus et les aider à mieux faire face lorsque des atteintes cérébrales se manifestent.

Frédéric Bernard, Maître de conférences en neuropsychologie, Université de Strasbourg

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.