Par le

Variations des températures à la surface de la terre (différence juin 2023 avec la moyenne des 15 années précédentes). Fourni par l'auteur

Pourquoi les températures vont battre des records au cours des prochains mois ?

Variations des températures à la surface de la terre (différence juin 2023 avec la moyenne des 15 années précédentes). Fourni par l'auteur
Cathy Clerbaux, Sorbonne Université

Comme dit l’adage bien connu des climatologues « Climate is what you expect, weather is what you get » (« Le climat c’est ce que l’on attend, le temps c’est ce que l’on obtient »).

Les phénomènes météorologiques locaux sont difficiles à prévoir car ils fluctuent rapidement sous l’influence de processus non linéaires et chaotiques, tandis que l’évolution du climat global sur le plus long terme repose sur des phénomènes physiques bien connus qui sont généralement prévisibles. Les prochains 12-18 mois devraient être assez exceptionnels en termes de températures, suite à un alignement de phénomènes locaux et globaux qui se combinent.

Visualisation simplifiée des variations météorologiques sur la tendance de fond climatique (Ole Christoffer Haga/NRK).

Avec mon équipe dont la spécialité est l’étude par satellites de l’évolution de l’atmosphère, j’analyse chaque jour des

pour surveiller les températures sur terre comme sur la mer, partout autour du globe terrestre, et pour mesurer les concentrations des gaz présents dans l’atmosphère. Ces dernières semaines à partir des cartes satellites, nous avons aussi pu observer les records de chaleur qui ont été battus dans de nombreux pays, comme rapportés par les agences météorologiques et les médias.

Un marqueur important a fait les gros titres : il s’agit de l’augmentation de la température moyenne globale de 1,5 °C par rapport à l’époque préindustrielle. Une valeur repère dans l’accord de Paris sur le climat, qui a été dépassée plusieurs jours cet été. Serait-il possible que cette valeur soit également dépassée quand il s’agira de calculer la moyenne annuelle des températures globales pour l’année 2023 ?

Forçages naturels et anthropiques

Pour comprendre l’évolution des températures, il faut tenir compte du fait que notre climat est complexe : il dépend des interactions entre les activités humaines, l’atmosphère, la surface terrestre et la végétation, la neige et la glace, et les océans. Le système climatique évolue sous l’influence de sa propre dynamique interne, mais dépend également de facteurs externes, qu’on appelle les « forçages radiatifs », et qui sont exprimés en watts par mètres carrés (W/m2).

Le terme forçage est utilisé pour indiquer que l’équilibre radiatif de la Terre est déstabilisé, et le terme radiatif est lui convoqué car ces facteurs modifient l’équilibre entre le rayonnement solaire entrant et le rayonnement infrarouge sortant de l’atmosphère. Cet équilibre radiatif contrôle la température à différentes altitudes. Un forçage positif implique une augmentation de la température à la surface de la Terre, et à l’inverse un forçage négatif implique une diminution.

Les quatre types de forçages radiatifs dont il faut tenir compte pour expliquer les variations du climat. Fourni par l'auteur

Les forçages externes sont à la fois causés par des phénomènes naturels tels que les éruptions volcaniques et les variations du rayonnement solaire, mais également par des modifications de la composition atmosphérique imputables à l’homme (les gaz à effet de serre et les particules liés aux activités humaines). Comprendre les changements climatiques observés depuis une trentaine d’années implique de pouvoir distinguer les modifications liées aux activités humaines de celles associées aux variations naturelles du climat. Les principaux forçages qui vont intervenir et s’additionner sont :

  • Le forçage lié aux variations de l’activité solaire, qui entraîne des changements du rayonnement solaire qui atteint la Terre. Lorsque le Soleil est plus actif (maximum solaire), il émet davantage de rayonnement. Ce forçage est faible (de + à -0,3 W/m2) mais dure assez longtemps. Son cycle principal est d’environ 11 ans. Il trouve son origine dans les changements du champ magnétique solaire qui se caractérisent par des variations dans le nombre de taches solaires et d’autres phénomènes solaires.

  • Le forçage lié aux éruptions volcaniques, qui peut être très intense et est en général négatif de -1 à -5 W/m2, mais de courte durée (un à deux ans). Les éruptions volcaniques peuvent avoir un impact significatif sur le climat en raison de l’injection de grandes quantités de cendres, de gaz et de particules dans l’atmosphère.
    Tous les volcans n’ont pas un impact sur le climat global, cela dépend de la taille et de la puissance de l’éruption, de l’altitude/de la latitude auxquelles les gaz et les cendres sont éjectés, ainsi que des conditions météorologiques locales. L’étude des éruptions volcaniques passées nous a appris que l’impact le plus significatif est associé à des éruptions proches de l’équateur qui injectent du SO2 haut dans l’atmosphère, par exemple le Mont Pinatubo (Philippines) en 1991. Ce gaz se transforme en gouttelettes d’acide sulfurique (H2SO4) qui constituent un écran pour la radiation solaire traversant l’atmosphère.

  • Le forçage lié à l’excès de gaz à effet de serre, en particulier le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4), le protoxyde d’azote (N2O) et les chlorofluorocarbures (CFC), qui sont transparents à la lumière solaire mais absorbent une partie du rayonnement thermique émis par la surface terrestre. Au fil du temps, les activités humaines, telles que la combustion de combustibles fossiles, la déforestation et l’agriculture, ont entraîné une augmentation significative des concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. L’accumulation de ces gaz à effet de serre, qui absorbent davantage de rayonnement thermique émis par la Terre et piègent plus de chaleur dans l’atmosphère, entraîne un forçage radiatif positif, estimé à +3 W/m2. Il s’agit donc du forçage le plus important car il n’est pas transitoire comme celui associé aux volcans.

  • Le forçage négatif lié aux aérosols d’origine anthropique et naturelle. Les aérosols sont de petites particules en suspension dans l’atmosphère qui absorbent, diffusent ou réfléchissent la lumière solaire. Elles proviennent des écosystèmes (embruns marins, sables, poussières, cendres volcaniques, aérosols biogéniques) et d’activités humaines comme la combustion de fiouls fossiles, le brûlage de la biomasse et les feux de forêt, l’élevage des animaux et l’usage d’engrais. Toutes ces particules font écran à l’insolation mais cette fois dans les basses couches de l’atmosphère. Même si les incertitudes sur le total du forçage radiatif lié à la présence d’aérosols restent élevées, les estimations actuelles indiquent un forçage radiatif total négatif de -0,5 W/m2. Sans la pollution par les aérosols, la Terre serait donc encore plus chaude qu’elle ne l’est déjà !

[Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. Abonnez-vous aujourd’hui]

L'influence d'El Niño sur les températures

En plus des forçages radiatifs, il faut aussi tenir compte de la variabilité naturelle du système couplé océan-atmosphère, et en particulier du phénomène ENSO (El Niño Southern Oscillation), avec sa composante chaude El Niño et sa composante froide La Niña. Ces phénomènes sont les principaux facteurs de variation d’une année sur l’autre, dont il faut tenir compte quand on analyse la tendance à long terme au réchauffement de la surface de la mer.

Ces événements climatiques périodiques sont des phénomènes naturels, qui se caractérisent par des fluctuations de température entre l’océan et l’atmosphère dans l’océan pacifique équatorial. En général, les vents alizés soufflent d’est en ouest le long de l’équateur, poussant les eaux chaudes de la surface de l’océan Pacifique vers l’ouest, où elles s’accumulent près de l’Indonésie et de l’Australie. L’eau froide remonte alors du fond de l’océan dans l’est du Pacifique, en remplaçant l’eau chaude, ce qui entraîne des eaux relativement fraîches à la surface des côtes sud-américaines.

Lorsque le phénomène El Niño survient, les alizés faiblissent ou s’inversent, ce qui réduit leur force ou les fait souffler d’ouest en est, ce qui permet à l’eau chaude accumulée dans l’ouest du Pacifique de se déplacer vers l’est en suivant l’équateur. Le réchauffement de la surface de la mer dans l’est du Pacifique provoque alors une augmentation de plusieurs degrés de la température de l’eau, avec de vastes répercussions sur les conditions météorologiques et climatiques à l’échelle mondiale.

Ces phénomènes peuvent durer plusieurs mois ou plusieurs années, et leur intensité est variable. Ils perturbent la météo localement (plus de pluies à certains endroits, plus de sécheresses à d’autres) et influencent le climat global, en particulier lors d’évènements El Niño intenses.

Evolution des phénomènes El Niño (en rouge) et La Niña (en bleu), en mesurant les températures de surface de la mer sur une zone rectangle définie dans le Pacifique. Author provided

Quelles températures pour les prochains mois ?

Reprenons un à un les différents éléments décrits ci-dessus, et regardons ce qu’il en est en ce moment :

  • L’activité solaire approche de son maximum, du coup l’effet de réchauffement causé par une augmentation du rayonnement solaire est plus prononcé. Ceci conduit à une légère augmentation des températures moyennes, estimée à +0,1 °C.

  • Au niveau de l’activité volcanique, il s’est passé un évènement complètement exceptionnel : le volcan sous-marin Hunga Tonga qui a

    a envoyé environ 150 millions de tonnes (soit l’équivalent de 60 000 piscines olympiques…) de vapeur d’eau directement dans la stratosphère, qui s’est depuis répartie tout autour de la terre. Les simulations numériques montrent que ceci contribuera à réchauffer légèrement la surface terrestre (l’eau étant un puissant gaz à effet de serre), bien qu’il soit encore difficile de dire de combien et sur quelle durée.

  • Les gaz à effet de serre ont continué à s’accumuler, c’est le forçage radiatif qui domine tous les autres et conduirait déjà à une augmentation moyenne de +1,5 °C s’il n’y avait pas les aérosols pour tempérer un peu (-0,3 °C).

  • Depuis quelques années le contenu total en aérosol a tendance à diminuer, principalement car les véhicules polluent moins (ce qui est une bonne nouvelle !), c’est particulièrement le cas en Chine, en Europe de l’Ouest et aux États-Unis. Cette année, on observe aussi un moindre transport du sable du Sahara sur l’océan, qui d’habitude fait écran à la radiation solaire, ce qui explique en partie les températures élevées mesurées dans l’atlantique nord au début de l’été.

  • Après trois années en régime La Niña un évènement El Niño est en train de s’installer. À ce stade on ne sait pas encore s’il sera intense (comme en 2015-2017) ou modéré, et combien de temps il durera, mais on prévoit que les températures océaniques devraient être plus élevées pendant les 12-18 prochains mois par rapport aux trois années précédentes.

Tous les paramètres réunis pour des records de chaleur

En conclusion, tous les paramètres sont réunis pour que nous battions des records de températures au cours des prochains 12-18 mois. Du coup, les 1,5 °C en moyenne globale, soit la limite la plus ambitieuse de l’accord de Paris sur le climat, pourrait être dépassés sans attendre 2030, avec les incidences sur les systèmes naturels et humains bien documentées dans le rapport spécial du GIEC 2019.

Une augmentation de 1,5 °C ne semble pas énorme, mais il faut se souvenir que 70 % de notre planète est couverte d’eau, qui a une inertie thermique supérieure à la terre et se réchauffe moins vite. De plus, le réchauffement est inégalement réparti et les hautes latitudes se réchauffent beaucoup plus vite que les tropiques, avec des pics de 4° attendus sur ces régions.

Est-on sûr que cela va se passer ? Non, mais la probabilité qu’on dépasse dès maintenant un seuil qu’on pensait atteindre entre 2025 et 2040 est importante. Comme les émissions de gaz à effet de serre ne diminuent pas, il faudrait que des phénomènes naturels soient à l’œuvre au cours des prochains mois pour contrecarrer la tendance prévue.

Par exemple si le phénomène El Niño s’avère moins puissant qu’envisagé, ou si un autre volcan envoyait du SO2 massivement dans toute l’atmosphère, alors seulement dans ce cas de figure les records de températures pourraient ne pas être battus dès maintenant. À plus long terme, l’avenir nous dira quand les fluctuations naturelles domineront les contributions anthropiques pour expliquer les variations de température, selon l’efficacité des mesures prises dans le cadre des accords internationaux pour réguler le climat.

Cathy Clerbaux, Directrice de recherche au CNRS (LATMOS/IPSL), professeure invitée Université libre de Bruxelles, Sorbonne Université

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Par le

Le centre de traitement des commandes d'Amazon, d'une superficie 93 000 m², à Fife, en Écosse. Gouvernement d'Écosse, photo de Christ Watt, CC BY

La face cachée des retours produit d’Amazon

Le centre de traitement des commandes d'Amazon, d'une superficie 93 000 m², à Fife, en Écosse. Gouvernement d'Écosse, photo de Christ Watt, CC BY
Simone Peinkofer, Michigan State University

Si le commerce électronique peut faciliter les achats, il possède également un côté obscur que la plupart des consommateurs ne voient jamais.

Supposons que vous profitiez d’une promotion pour commander une brosse à dents électrique et deux chemises sur Amazon. Vous déballez votre commande et découvrez que la brosse à dents électrique ne se recharge pas et qu’une seule des deux chemises vous convient. Vous décidez donc de renvoyer la chemise à la mauvaise taille et la brosse à dents électrique.

Les retours de ce type peuvent sembler simples, et ils sont souvent gratuits pour le consommateur. Mais leur gestion peut s’avérer si coûteuse pour les détaillants que de nombreux articles retournés sont tout simplement jetés.

En 2022, les retours ont représenté 743 milliards d’euros de ventes perdues aux revendeurs, rien qu’aux États-Unis. C’est presque autant que l’argent public alloué aux écoles et collèges publics et c’est quasi deux fois le coût des retours en 2020. Le processus de retour, avec le transport et l’emballage, a également généré en 2022 environ 24 millions de tonnes d’émissions de dioxyde de carbone réchauffant plus encore l’atmosphère.

Ces coûts comme ces émissions créent un problème de durabilité pour les détaillants et la planète.

En tant que chercheuse en gestion de la chaîne d’approvisionnement, je suis de près l’évolution de la logistique du commerce de détail. Voici ce que l’on trouve lorsqu’on ouvre la boîte de Pandore des retours de produits.

Les retours commencent par des kilomètres de transport

Vous avez donc remballé la chemise et la brosse à dents électrique dont vous ne voulez plus et vous les renvoyez gratuitement grâce aux accords passés entre Amazon et les transporteurs (UPS aux États-Unis). Et maintenant ?

Vos articles sont acheminés vers les entrepôts d’Amazon dédiés au traitement des retours. Cette seule étape du processus coûte de l’argent au détaillant – 66 % du coût d’un article de 50 dollars selon une estimation – et émet du dioxyde de carbone car les camions et les avions transportent les articles sur des centaines de kilomètres. Le plastique, le papier ou le carton de l’emballage de retour deviennent également des déchets.

Les colis renvoyés peuvent parcourir des centaines de kilomètres depuis les mains du client, vers un centre de retour, et parfois jusqu’au fabricant. Gorloff-KV/Shutterstock

Le traitement d’un retour prend deux à trois fois plus de temps que l’expédition initiale de l’article car celui-ci doit alors être déballé, inspecté, réemballé et réacheminé. Ces opérations augmentent encore plus le coût pour Amazon, en particulier dans un marché du travail tendu. Les employés doivent ouvrir manuellement les colis, les étudier et, en fonction de la raison du retour, décider de la suite des opérations.

Si un magasinier décide que la chemise trop grande pour vous peut être revendue, elle sera alors remballée et renvoyée dans un autre entrepôt.

Lorsqu’un autre consommateur commandera la chemise, celle-ci sera prête à être emballée et expédiée.

Les entrepôts de vente au détail sont souvent de vastes bâtiments équipés de tapis roulants et de piles de produits et de matériaux d’emballage. Shutterstock

Remise à neuf, si la réparation coûte moins cher que le produit

Si l’article est défectueux, comme la brosse à dents électrique de notre exemple, le magasinier peut la retourner au fabricant pour qu’il la répare et le remette à neuf. L’article est alors remballé et chargé dans un camion, voire un avion, pour être renvoyé au fabricant, ce qui entraîne davantage d’émissions de dioxyde de carbone.

Si la brosse à dents électrique peut être réparée, le produit remis à neuf est prêt à être vendu à nouveau sur le marché de la consommation, souvent à un prix inférieur

.

La remise à neuf des produits retournés permet de mettre en place une chaîne d’approvisionnement en boucle fermée dans laquelle les produits sont réutilisés au lieu d’être éliminés comme des déchets, ce qui rend le processus plus durable que l’achat d’un nouvel article.

Il arrive cependant que les réparations coûtent plus cher que le prix de revente du produit. Lorsqu’il est plus coûteux de réapprovisionner ou de remettre à neuf un produit, il peut être plus économique pour le détaillant de jeter l’article.

Les décharges : une destination courante des retours

Si l’entreprise ne peut pas revendre la chemise ou remettre à neuf la brosse à dents électrique de manière rentable, les perspectives s’amenuisent pour ces articles. Certains sont vendus en vrac à des magasins discount. Souvent, les produits renvoyés finissent tout simplement dans des décharges, parfois à l’étranger.

En 2019, plus de deux milliards de kilos de déchets provenant des retours ont ainsi atterri dans des décharges, selon une estimation de la plate-forme technologique de retour Optoro. En 2022, ces déchets estimés auraient presque doublé pour atteindre environ 4 milliards de kilos.

La fin de l’ère des retours gratuits ?

Il y a quelques années, les clients qui souhaitaient renvoyer des articles par la poste devaient souvent le faire à leurs propres frais. Cette situation a changé quand qu’Amazon a commencé à offrir des retours gratuits et à mettre à disposition des points de dépôt faciles à utiliser dans les magasins UPS ou Kohl’s. D’autres détaillants ont alors emboîté le pas pour faire face à la concurrence, en considérant que ces retours gratuits étaient un moyen de fidéliser les clients. Faire incomber au client la tâche de retourner lui-même un colis en se rendant dans un magasin physique permet certes de réduire les coûts de transport et d’entreposage, mais cette option n’est pas toujours considérée comme pratique pour le consommateur. De ce fait, seul un quart environ des achats en ligne sont retournés en personne au magasin.

La gestion des retours demande plus de travail que l’exécution de la commande initiale, en partie parce qu’elle implique l’inspection de l’article et son réemballage. Shutterstock

Mais ce temps est peut-être en passe d’être résolu, avec un pourcentage de détaillants facturant l’expédition des retours passé de 33 % à 41 % en 2022.

Les détaillants essaient plusieurs autres techniques pour réduire le taux de retour, les déchets et les pertes, qui reviennent finalement aux consommateurs sous la forme de prix plus élevés.

Certains détaillants ont raccourci la fenêtre de retour, limité les retours fréquents ou cessé d’offrir des retours gratuits. D’autres stratégies incluent des cabines d’essayage virtuelles et des guides d’essayage plus clairs, qui peuvent contribuer à réduire les retours de vêtements, tout comme des photos et des vidéos de haute qualité qui reflètent fidèlement la taille et la couleur. Si les consommateurs utilisent ces outils et font attention à la taille, ils peuvent contribuer à réduire l’empreinte climatique croissante du commerce de détail.

Simone Peinkofer, Assistant Professor of Supply Chain Management, Michigan State University

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Par le

Ed Connor / shutterstock

Des températures extrêmes « statistiquement impossibles », quelles sont les régions les plus à risque ?

Ed Connor / shutterstock
Nicholas Leach, University of Oxford

Au cours de l’été de 2021, le Canada a vu son record historique de chaleur être pulvérisé de près de 5 °C. Cette température maximale était alors de 49,6 °C. Plus chaud que celles jamais enregistrées en Espagne, en Turquie ou même n’importe où en Europe à l’époque.

Ce record canadien a été établi à Lytton, un petit village situé à quelques heures de route de Vancouver, dans une région où l’on ne s’attendait pas vraiment à subir de telles températures.

Plus chaud que n’importe où en Europe ou en Amérique du Sud, jamais : le fleuve Fraser près de Lytton, en Colombie-Britannique, au Canada. Harry Beugelink/Shutterstock

Lytton a pourtant connu le point culminant d’une vague de chaleur qui a frappé tout le littoral pacifique nord-ouest des États-Unis et du Canada cet été-là et qui a laissé de nombreux scientifiques sous le choc. D’un point de vue purement statistique, cela aurait dû être impossible.

Je fais partie d’une équipe de climatologues qui a cherché à savoir si cette invraisemblable vague de chaleur était unique, ou si d’autres régions avaient connu des événements aussi anormaux d’un point de vue statistique. Nous voulions également déterminer les régions les plus exposées à l’avenir et nos résultats viennent d’être publiés dans la revue Nature Communications.

[Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. Abonnez-vous aujourd’hui]

Suivre ces vagues de chaleur exceptionnelles est capital. D’abord parce qu’elles sont dangereuses en elles-mêmes, mais aussi parce que les pays ont tendance à ne se préparer qu’aux températures retenues comme les plus extrêmes dans la mémoire collective. Une vague de chaleur sans précédent génère donc souvent des réponses politiques visant à réduire les risques futurs de canicule.

On estime par exemple que la canicule européenne de 2003, pendant laquelle le thermomètre a atteint 47,4 °C à Alentejo au sud du Portugal et 44,1 °C dans le Gard, en France, a causé 50 000 à 70 000 décès. Bien qu’il y ait eu des vagues de chaleur plus intenses depuis en Europe, aucune n’a entraîné un nombre de décès aussi élevé, grâce aux plans de gestion mis en œuvre à la suite de l’année 2003.

L’une des questions les plus importantes à se poser lorsqu’on étudie ces vagues de chaleur extrême, comme celles qui sévit actuellement sur l’ensemble de la planète, est donc la suivante : combien de temps devrons-nous attendre avant de connaître un autre événement d’une intensité similaire ?

C’est une question difficile mais heureusement, il existe une branche des statistiques, appelée théorie des valeurs extrêmes, qui permet de répondre à cette question précise en utilisant les événements passés.

Pourtant, la canicule qu’a subie le Canada en 2021 fait partie des nombreux événements récents qui ont remis en question cette méthode car cette vague de chaleur n’aurait pas dû être possible selon la théorie des valeurs extrêmes.

Cette « rupture » des statistiques est due au fait que la théorie conventionnelle des valeurs extrêmes ne tient pas compte de la combinaison spécifique de mécanismes physiques inédits que nous subissons désormais et qui était absente des événements passés archivés.

La chaleur invraisemblable est omniprésente

En examinant les données historiques de 1959 à 2021, nous avons constaté que 31 % de la surface terrestre avait déjà connu de telles chaleurs, statistiquement invraisemblables (bien que la vague de chaleur de l’Amérique du Nord de 2021 soit exceptionnelle même parmi ces événements). Ces régions sont réparties sur l’ensemble du globe, sans schéma spatial clair.

Une vague de chaleur exceptionnelle en septembre 2022 a fondre les calottes glaciaires du Groenland pendant un mois de plus que d’habitude. muratart/Shutterstock

Nous avons également tiré des conclusions similaires en analysant les données des « grands ensemble » produites par les modèles climatiques, qui impliquent de nombreuses simulations par ordinateurs du climat à l’échelle mondiale. Ces modélisations nous sont extrêmement utiles, car la durée effective de ce « registre historique » simulé est beaucoup plus grande et produit donc beaucoup plus d’exemples d’événements rares.

Cependant, si cette analyse des événements les plus exceptionnels est intéressante et met en garde contre l’utilisation d’approches purement statistiques pour évaluer les vagues de chaleur extrêmes, les conclusions les plus importantes de notre travail proviennent de l’autre extrémité du spectre : les régions qui n’ont pas connu d’événements particulièrement extrêmes.

Certains endroits ont eu de la chance, jusqu’à présent

Nous avons identifié un certain nombre de régions, là encore réparties sur l’ensemble du globe, qui n’ont pas connu de chaleur particulièrement extrême au cours des six dernières décennies (par rapport à leur climat « attendu »). Par conséquent, ces régions sont plus susceptibles de connaître un événement record dans un avenir proche. Et comme elles n’ont pas l’expérience d’une telle anomalie et qu’elles sont moins incitées à s’y préparer, elles peuvent être particulièrement touchées par une vague de chaleur record.

Les facteurs socio-économiques, notamment la taille de la population, la croissance démographique et le niveau de développement, exacerberont ces impacts. C’est pourquoi nous tenons compte des projections démographiques et de développement économique dans notre évaluation des régions les plus exposées au niveau mondial.

L’Amérique centrale n’a pas encore été touchée par une vague de chaleur vraiment sévère. Streetflash/Shutterstock

Ces régions à risque comprennent notamment l’Afghanistan, plusieurs pays d’Amérique centrale et l’Extrême-Orient russe. Cette liste peut surprendre, car ce ne sont pas les pays auxquels on pense généralement lorsqu’on évoque les effets du dérèglement climatique sur la chaleur extrême, comme l’Inde ou le golfe Persique. Mais ces derniers pays ont récemment connu de graves vagues de chaleur et font donc déjà ce qu’ils peuvent pour se préparer.

L’Europe centrale et plusieurs provinces chinoises, y compris la région de Pékin, semblent également vulnérables si l’on tient compte du caractère extrême des données et de la taille de la population, mais en tant que régions plus développées, elles sont susceptibles d’avoir déjà mis en place des plans visant à atténuer les effets graves.

Dans l’ensemble, nos travaux soulèvent deux points importants :

Premièrement, des vagues de chaleur statistiquement invraisemblables peuvent se produire n’importe où sur la Terre, et nous devons être très prudents lorsque nous utilisons les seules données historiques pour estimer la vague de chaleur « maximale » possible. Les décideurs politiques du monde entier doivent donc se préparer à des vagues de chaleur exceptionnelles qui seraient jugées invraisemblables sur la base des relevés actuels.

La deuxième raison est qu’il existe un certain nombre de régions dont le record historique n’est pas exceptionnel et donc plus susceptible d’être battu. Ces régions ont eu de la chance jusqu’à présent, mais elles risquent d’être moins bien préparées à une vague de chaleur sans précédent dans un avenir proche. Il donc est particulièrement important que ces régions anticipent des températures anormalement chaudes.

Nicholas Leach, Postdoctoral Researcher, Climate Science, University of Oxford

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Par le

« La table à la montagne » dans une cascade de glace. Thibault Cattelain

Sardines à l’huile, fondue lyophilisée… ces rituels culinaires qui donnent le goût de l’aventure

« La table à la montagne » dans une cascade de glace. Thibault Cattelain
Hélène Michel, Grenoble École de Management (GEM) et Marielle Salvador

Les beaux jours sont là. Poussés par l’appel de la nature, vous préparez votre prochaine microaventure, cette aventure « courte, proche de chez soi et qui s’insère dans le quotidien ».

Vous avez vérifié vos chaussures de randonnée ou votre vélo. Vous avez repéré l’itinéraire et contacté vos compagnons. Vous prenez votre sac à dos, votre duvet… Mais qu’emportez-vous à manger ? Sardines à l’huile, nourriture lyophilisée, fromage local, grand vin pour un repas de roi ?

Cette question est tout sauf anodine car le repas contribue à forger des souvenirs. Chargé de symboles, il constitue un rituel dont la saveur se décuple en pleine nature. Au menu : lieux et temporalité, aliments, arts de la table, modes de préparation, choix des invités… et un ingrédient magique. À table !

Réenchanter un été pas comme les autres

Au regard des restrictions actuelles en matière de voyage, le tourisme en 2020 devrait faire la part belle au staycation, ce mode de vacances où l’on reste à proximité de chez soi. L’occasion de redécouvrir sa région, mais comment remettre du merveilleux dans un territoire qui nous semble si familier ? Par exemple en décalant le regard et en créant de nouveaux rites. C’est ce que propose la microaventure.

Par rite, on entend une pratique sociale de caractère sacré ou symbolique, qui rend le moment esthétique, le scénarise et marque la mémoire. Il est composé de rituels, c’est-à-dire de pratiques prescrites ou interdites, liées à des croyances magiques ou religieuses, à des cérémonies et à des fêtes, selon les dichotomies du sacré et du profane, du pur et de l’impur.

Le rituel du feu en randonnée. David Lebrun

Dans le contexte de la microaventure, les adeptes se retrouvent et se reconnaissent autour de pratiques susceptibles de devenir des rituels dès lors qu’elles se chargent de symboles. La microaventure requiert ainsi un engagement du corps, elle nécessite au moins que l’on sorte de sa zone de confort, par exemple en dormant à la belle étoile. Elle renvoie également à la façon de se nourrir durant l’expérience, or l’alimentation se pense traditionnellement à travers des rites.

Nous avons interrogé 10 personnes (5 hommes et 5 femmes) de 35 à 49 ans, vivant dans des Alpes ou à proximité (Savoie, Isère, Hautes-Alpes, Rhône). Cadres moyens, ils vivent pour la majorité en ville, en appartement, et s’échappent régulièrement pour des microaventures en pleine nature, généralement en couple ou entre amis. Nous leur avons demandé de choisir leurs photos favorites de repas et de nous en raconter l’histoire. L’analyse révèle cinq éléments-clés structurant le rituel culinaire de la microaventure.

Lieux et temporalité : un cadre magique

Une constante dans les réponses données est celle de la beauté du lieu : un cadre « magique », parfois un point de vue « exceptionnel » voire même un lieu « secret » et donc rare qui donnent à cette expérience certaines caractéristiques propres au luxe.

Premières neiges. Fabien Cartier-Moulin

Le cadre est toujours associé au repas, ce qui suggère une reconstruction de l’expérience culinaire par nos microaventuriers : l’assiette seule ne suffit pas, elle doit s’enrichir d’un environnement adéquat pour lui permettre de magnifier le moment et de s’inscrire durablement dans les mémoires, comme lors d’une expérience gastronomique.

« Ce qui prévaut c’est de se trouver un beau spot, avec une jolie vue. Pour magnifier le repas. Pour que ce soit impressionnant. » (Fabien)

« On est monté dans un endroit tenu secret. De là où on était, on avait une super vue sur les glaciers et les montagnes. » (Yoann)

L’ergonomie du lieu est minutieusement étudiée avant de s’installer. Une forme de confort est recherchée afin de prendre le temps et profiter de l’instant :

« On choisit en fonction du vent. Si c’est humide ou pas. En fonction de l’inclinaison pour être bien posée tranquille. » (Marianne)

« Tu trouves des pierres tapées par le soleil pour être bien. » (Fabien)

Tea time. Marianne brun

De même, le moment du repas n’est pas laissé au hasard. Il n’est pas fixé par un horaire mais par les éléments naturels. « Tu manges toujours au sommet. Ou à la redescente. Mais pas à la montée sinon tu n’as plus le jus. Quand il fait beau, selon le programme, tu peux même enchaîner avec une sieste derrière. » (Fabien)

Une fois la contrainte technique ou physique prise en compte, le choix est souvent lié au soleil qui dicte d’autres temporalités.

Des aliments chargés de sens

L’aliment est perçu comme récompense : pour de nombreux adeptes, il est synonyme d’effort accompli. Chacun a alors un aliment qui lui est propre, qu’il met souvent en scène sur les photos : bières pour certains, carottes pour d’autres !

« Parfois en montagne, nous sommes dans un environnement où on ne fume pas. Un copain a proposé de remplacer la clope par une carotte. Tu la mets dans ton sac et quand tu arrives en haut tu as envie de la croquer. C’est la carotte du sommet ! » (France)

La bière au sommet. Marianne Brun

Une distinction s’opère ensuite entre le cuit et le cru. Les aliments crus ou pouvant être ingérés dans l’instant sont réservés aux repas et encas de la journée alors que le cuit, nécessitant une phase de préparation, est souvent réservé au soir.

La nourriture lyophilisée est évoquée par les nouveaux initiés. Elle semble faire partie de leurs représentations mentales liées à la microaventure.

« Manger lyophilisé, c’était ma première fois. Et ça m’a plu. C’était rigolo, sympa et adapté à l’aventure. » (Delphine)

Certains se réapproprient cet aliment industriel en y ajoutant un ingrédient.

« On a emmené de la fondue lyophilisée. Ce n’est pas si mal mais on y a rajouté des morilles séchées pour améliorer cela. » (Hélène)

Pour les microaventuriers confirmés, les plats consommés sont généreux, revigorants (raclette, fondue, riz) et surtout partagés : un plat où chacun a mis la main à la pâte. Au centre, le feu sert à la cuisson mais fait aussi office de lieu de rassemblement, de partages et d’échanges. Enfin, le breuvage est une autre constante : si la bière, bue individuellement, est associée à la récompense, le vin est destiné à être partagé pour sublimer la magie de l’instant.

L’alimentation sert aussi à s’approprier le lieu. La boisson ou l’aliment est un facteur de lien avec l’histoire de l’endroit et ceux qui ont tracé la voie.

« Il y a du fromage et du saucisson, de la bière ou du rouge. Comme les anciens faisaient en montagne. » (Clément)

Une place centrale est faite aux produits locaux qui participent à une appropriation symbolique du lieu par leur ingestion. Cela va même jusqu’à boire l’eau des rivières (pour Marianne) ou n’utiliser que le bois du lieu pour faire cuire des aliments (pour Clément).

Les arts de la table en pleine nature

Mettre une bouteille de vin dans son sac à dos nécessite d’anticiper le transport et la dégustation. Certains le transvasent dans un contenant en plastique mais l’expérience s’avère décevante.

« J’avais mis du vin dans deux petites bouteilles en plastique pour le soir. Il aurait dû être pas mal mais une fois arrivé là-haut, bu dans la bouteille plastique, il n’avait pas le même goût. Je ne l’ai même pas fini. » (Delphine)

D’autres conservent la bouteille et emportent même un verre à pied. Quitte à s’encombrer, transformons le transport en défi !

« J’ai un verre à vin grand, gros, fragile. C’est un challenge de l’emmener ! Ça a un côté rigolo. Et ça valorise le breuvage. » (Yann)

À chaque couteau son aventure. Fabien Cartier-Moulin

Le couteau fétiche, l’Opinel, tient quant à lui une place à part. Il est évoqué comme élément déterminant, moins dans son usage que pour ce qu’il évoque pour ses propriétaires. Souvent reçu en cadeau, il rappelle non seulement la personne qui l’a offert mais également « l’esprit du lieu ».

À l’image des produits locaux, l’Opinel par sa filiation avec un terroir devient un élément d’incorporation symbolique du lieu pour son propriétaire. « Je suis en Savoie donc j’emmène un Opinel ! » nous explique Clément. Certains, comme Fabien, en ont même plusieurs, en fonction des aventures à vivre. Ils sont alors exposés tels des trophées.

Les modes de préparation et les ustensiles

Nous avons évoqué la place importante du feu dans le rituel culinaire de la microaventure. Certains parlent même de cérémonial, à l’image de la cérémonie du thé. Les interviews réalisées ont révélé l’utilisation d’ustensiles de préparation encombrants voire surprenants mais partie intégrante du rituel culinaire : plat à paëlla qui permettra le partage du repas du soir (David), marmite (Clément) ou encore… tronçonneuse (Yoann) !

« On a fait une bûche finlandaise. On creuse à l’intérieur d’une bûche à la tronçonneuse. On a pris des pommes de pin, des morceaux de sapin et épicéa pour allumer le feu. On a trouvé une ardoise pour mettre sur la bûche. Le temps de tout mettre en place, cela nous a pris une heure. » (Yoann)

Les chamallows grillés. David Lebrun

La commensalité désigne l’art de partager son repas. Le plaisir gustatif grandit dans le partage. Le feu apparaît comme un de ces éléments : cercle autour duquel on se rassemble, pour se réchauffer, pour échanger tout en cuisinant ensemble. C’est aussi une sorte de « retour aux sources », fait le soir et le matin au lever du soleil.

« Le feu prend une grande place là-dedans. Cela a un côté rassurant. C’est aussi la chaleur. Et le fait de cuisiner sur le feu, cela lui donne une autre fonction, une autre dimension. » (David)

« Cette commensalité s’obtient chez certains lorsque l’on « apporte un truc (à manger) qui a de l’affect. » (Fabien)

À la manière d’un hôte qui reçoit, chacun doit apporter un cadeau pour rentrer dans le cercle des autorisés à vivre pareil moment. On est là dans le don cérémoniel qu’ont développé des chercheurs à la suite de Mauss (1923) sur les marqueurs anthropologiques de l’échange.

Parfois même, le cadeau doit avoir été fait par la personne elle-même.

« Je dis aux copains : tu prends ce qui te fait plaisir et tu partages. Un truc qu’ils ont fait eux. Moi je fais des conserves. Des tomates séchées. » (Fabien)

« J’emmène du génépi, que j’ai fait moi-même en allant cueillir les fleurs près du Grand Paradis l’été précédent. » (Hélène)

Raclette sauvage sur bûche finlandaise. Yoann Genier

La commensalité de la microaventure s’exprime par des éléments de partage mais ne s’immortalise pas sur pellicule : presque aucune des photos données par nos répondants ne met en scène les participants.

L’expérience sensorielle suffit à satisfaire nos répondants dans la construction de souvenirs mémorables. D’autant plus que d’autres éléments favorisant la mise en scène du rituel culinaire sont parfois mobilisés pour ajouter une touche de magie à l’expérience.

La guirlande magique. Hélène Michel

Guirlande ou nappe blanche : la mise en scène du rituel

En microaventure, l’individu dirige sa propre mise en scène et mobilise pour cela tous les éléments qu’il a à sa disposition : aliments, ustensiles, éléments naturels (le bois, le feu, l’eau des rivières). Mais il arrive qu’un adepte apporte un élément supplémentaire qui participera, via la surprise que son introduction suscite, à enrichir l’expérience.

« Manger dehors, mais avec une guirlande. J’adore cette rupture. La surprise générée. Souvent j’apporte un aliment ou un accessoire surpris. Pour surprendre et faire plaisir. Et on se souvient ainsi encore plus fortement du moment. » (Hélène)

« Ce que j’adore faire en randonnée, et surtout avec les citadins, c’est juste avant de manger tu dis “oh… ça aurait été bien de prendre une bonne bouteille de rouge ! Puis au deux tiers du repas tu sors une bonne bouteille. Et tout le monde fait "Ahhhhh”. » (Fabien)

Cet élément, un objet banal de la vie quotidienne, devient incongru dans le contexte de la microaventure : guirlande d’Hélène, grand verre à pied de Yann ou bouteille de vin surprise de Fabien. L’objet se révèle source de satisfaction et de ravissement.

« La table à la montagne » à Saint Honoré. Nadia Probst

Dans une démarche poétique, Nadia pousse la théâtralisation encore plus loin en emmenant « la table à la montagne », avec nappe blanche et vaisselle pour recevoir son invité devant des mets locaux soigneusement cuisinés.

Peut-on mettre la microaventure en boîte ?

L’instauration de rituels culinaires magnifie l’expérience et donne une saveur nouvelle à la microaventure. Mais sommes-nous tous capables d’organiser une telle cérémonie quand il s’agit de détecter les produits typiques à emporter, porter sur son dos un wok ou une table en bois pliante, ou découper une « bûche finlandaise » ?

Insidentes : chaise grandeur nature. David Lebrun

Heureusement, la gamme de l’équipement outdoor s’élargit pour accompagner ce rituel en proposant des ustensiles permettant de cuisiner en pleine nature. Pour procéder aux rituels culinaires, des espaces sont scénarisés pour créer des lieux d’exception : ainsi David disposera sa chaise géante en bois en pleine nature tel un objet spectaculaire qui nous fait sentir encore plus petit devant un paysage. En ajoutant de l’incongru, en décalant les proportions, on accentue le côté dramaturgique du moment.

Mais ces pistes restent volontairement brouillées. Il ne s’agit pas ici de signaler les aires de pique-nique ou d’installer des barbecues. Une façon d’accompagner la microaventure pourrait être d’autoriser plus largement feux et bivouacs en responsabilisant ses adeptes. Car la magie du rite tient à son côté symbolique, libre et éphémère. Il n’est pas question de la formater pour la rendre totalement accessible. À l’idée de se rendre dans un lieu aménagé pour faire du feu, Clément rigole : « Je ne suis pas un Américain moi ! »

Hélène Michel, Enseignant-Chercheur - Gamification & Innovation, Grenoble École de Management (GEM) et Marielle Salvador, Enseignant chercheur, comportement du consommateur, marketing de l'alimentation

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.