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L’histoire peu connue du compost en France : de la chasse à l’engrais à la chasse au déchet

Maud Hetzel, École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS)

À compter du 1er janvier 2024, les collectivités territoriales sont dans l’obligation de fournir une solution de tri et de valorisation (par compostage ou méthanisation) à leurs populations. À en croire certains titres de presse, la mise en place du compostage relèverait de l’innovation. Pourtant, ce processus est tout sauf récent, comme le rappelle Émile Zola dans son roman La Terre, qui, dans une scène où Jean Macquart, ouvrier agricole, réalise son compost à partir des « ordures du pays entier », conclut que « tout ce qui vient de la terre est bon à renvoyer à la terre ».

Malgré la longue histoire du compostage, la loi du 1er janvier 2024 est toutefois loin de signer un retour à des traditions agricoles ancestrales. En effet, depuis le XIXe siècle, la pratique du compostage en France a connu un drôle de destin au gré de la gestion des déchets ménagers, des guerres, des chocs pétroliers et de la crise climatique.

Composter les restes urbains pour nourrir les sols.

Au XIXe siècle en France, les pratiques de compostage répondent à une préoccupation centrale : comment nourrir des populations urbaines qui ne cessent de croître ? On doit à la chercheuse Sabine Barles d’avoir mis en lumière les fortes relations qu’entretiennent la ville de Paris et sa campagne, que l’auteure désigne par l’expression de « métabolisme urbain ».

Tout au long du XIXe siècle, la capitale est nourrie grâce aux excédents alimentaires produits dans les campagnes environnantes, tandis que les restes urbains sont acheminés vers les zones agricoles afin de servir de fertilisants dans un contexte de « chasse à l’engrais », le fumier étant jugé insuffisant pour fertiliser les sols. Ces restes, loin de se limiter aux déchets alimentaires visés par la loi du 1er janvier 2024, rassemblent de multiples matières organiques – boues de rue, excréments ou encore carcasses d’animaux provenant des abattoirs parisiens.

Les politiques d’aménagement haussmanniennes de la fin du XIXe siècle conduisent à de profondes transformations de ce métabolisme urbain. L’arrêté d’Eugène Poubelle de 1883, par exemple, oblige les propriétaires à fournir à leurs locataires un récipient muni d’un couvercle. Cet arrêté, qui ne va pas sans résistance de la part de la population et des chiffonniers, s’inscrit plus généralement dans un mouvement de transformation de la ville qui conduit à l’ « invention des déchets urbains » : les matières auparavant réutilisées sont de plus en plus dépréciées au profit de matériaux chimiques, les transformations morphologiques des villes éloignent les zones agricoles et rendent plus difficile le transport des matières organiques vers les campagnes.


Malgré ces évolutions notables, le XXe siècle reste marqué par de profondes ambivalences en matière de compostage. D’un côté, certains épisodes historiques ravivent la demande rurale en engrais organiques : pendant la Seconde Guerre mondiale, une forte pénurie en engrais chimiques et en fumier favorise l’utilisation des restes organiques en agriculture. D’un autre côté, les engrais chimiques deviennent prédominants dans l’agriculture à partir de 1945, tandis que le recours à l’incinération des déchets ménagers s’impose progressivement au cours du XXe siècle, et de manière décisive après les années 1970 : les chocs pétroliers érigent l’incinération – et sa production de chaleur – comme la solution technique à privilégier.

Composter, un acte militant

À partir des années 1990, et encore plus des années 2000, le compostage revient au goût du jour sous une forme inédite, celle du compostage dit « de proximité ». Réalisé par des bénévoles à proximité de leur domicile, généralement dans des parcs et/ou jardins, le compostage de proximité est présenté comme un moyen de gérer écologiquement les restes alimentaires domestiques – seuls déchets concernés désormais – mais aussi de créer du lien social dans un quartier.

Loin de la chasse à l’engrais qui caractérise les époques précédentes, le compostage de proximité est investi par celles et ceux qui le pratiquent comme une modalité de lutte contre la surproduction de déchets, parfois qualifiée d’aberration – incinérer les déchets organiques reviendrait ainsi à « brûler de l’eau ». Il faut dire que les préoccupations du début du XXIe siècle diffèrent nettement de celles du XIXe siècle. C’est dans un contexte de crise climatique que se déploie le compostage de proximité, généralement porté par une population urbaine diplômée issue des classes moyennes et supérieures, qui cherche à verdir son mode de vie.

Le compostage de proximité, loin d’être un phénomène d’ampleur, est donc une pratique située socialement. Pour autant, plusieurs sociologues mettent en avant le caractère subversif du compostage domestique ou de proximité par opposition au recyclage du plastique qui favorise in fine la perpétuation d’un modèle productiviste et capitaliste. Gérer soi-même ses déchets, prendre conscience de leur volume, observer leur décomposition crée une rupture avec le système centralisé de gestion des déchets, et son incitation à se défaire de la responsabilité de leur gestion une fois les déchets déposés à la poubelle.

Un nouveau visage du compost ?

Au cours des années 2010, les pouvoirs publics se saisissent de la question des déchets organiques et rendent obligatoires pour les « gros producteurs » (à partir de 5 tonnes par an) le tri et la valorisation des déchets organiques. Ces obligations règlementaires croissantes favorisent l’émergence de petites entreprises spécialisées dans la collecte et le compostage des déchets alimentaires à l’échelle locale, telles que les Détritivores à Bordeaux. Les services de ces entreprises, dans un premier temps dédiés aux commerces alimentaires, ont été étendus aux habitations dans certaines métropoles.

On assiste ainsi à une modification en profondeur du modèle économique du compostage. Auparavant bénévole, autogéré et (presque) gratuit, le compostage devient une activité professionnelle, marchande et industrielle. Déployés par desex-cadres du secteur privé, les services de collecte et de compostage des déchets organiques réinstaurent un système où la gestion des déchets est déléguée à des industries spécialisées, dont l’ambition est de traiter une bonne partie des 40 millions de tonnes de déchets organiques produites par an en France.

Plus ou moins subversives, les pratiques contemporaines de compostages domestiques et professionnelles ont en commun d’être avant tout une réponse à la surproduction de déchets alimentaires, bien loin du retour à des relations complémentaires entre ville et campagnes que suggère le concept d’ « économie circulaire ». Les nouvelles entreprises spécialisées mettent cependant en avant leur volonté de produire un compost à même de nourrir les sols agricoles. Pourtant, l’enquête que j’ai menée auprès de plusieurs de ces entreprises permet de souligner la difficulté que ces dernières ont à développer une véritable filière pour ce fertilisant agricole. Dans l’entreprise nantaise de collecte et de compostage étudiée, la vente de compost représente un chiffre d’affaires de 900 euros en 2020, soit… 2 % du chiffre d’affaires, les 98 % restants provenant de la vente des services de collecte.

Valoriser les utilisations agricoles du compost reste encore difficile pour les nouveaux entrepreneurs du compost. Maud Hetzel, Fourni par l'auteur

Alors qu’une salariée avait été recrutée pour développer la vente de compost en 2019, cette mission passe finalement au second plan au vu des faibles ressources économiques que cela apporte à l’entreprise. Les entreprises sont alors financées avant tout en tant pour leur activité de gestion des déchets, tout comme les politiques d’économie circulaire sont elles aussi pensées en premier lieu comme un moyen de prendre en charge des quantités considérables de déchets. Tous ces éléments mettent en lumière à quel point la chasse à l’engrais du XIXe siècle a laissé place à une chasse au déchet, dont la production démesurée est au cœur des préoccupations contemporaines.

La nouvelle loi

La loi du 1er janvier 2024 suscite un fort enthousiasme dans le monde du compostage, aussi bien du côté de celles et ceux qui pratiquent le compostage partagé que des entreprises de collecte. Le relatif flou de l’obligation règlementaire qui s’applique désormais aux collectivités laisse présager une grande diversité de mises en pratique. Tandis que dans les zones rurales, on peut s’attendre à ce que le compostage domestique soit privilégié, les collectivités urbaines insistent sur la nécessité de proposer un « panel de solutions » à leurs populations, cumulant ainsi compostage de proximité et systèmes de collecte, ces derniers pouvant être gérés directement par la collectivité ou délégués à des prestataires.

L’enthousiasme que suscite la généralisation du tri et de la valorisation des déchets organiques ne doit pas faire oublier que, si toutes ces solutions de compostage ne sont pas aussi subversives les unes que les autres, la question du retour au sol du compost est la grande oubliée de ces politiques publiques, tant c’est la surproduction de déchets qui est au cœur de nos préoccupations.

Maud Hetzel, ATER (Attachée Temporaire d'Enseignement et de Recherche) en sociologie, Centre Georg Simmel, École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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Une forêt tropicale à Paris

Paris a déjà connu un climat tropical, il y a plusieurs dizaines de millions d’années. Attention aux marécages en allant au travail ! Sophie Fernandez, MNHN, Fourni par l'auteur
Cédric Del Rio, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)

Avec l’augmentation moyenne des températures à la surface de la Terre, Paris verra-t-elle un climat tropical et des jungles marécageuses s’installer ?

Si, dans l’histoire de la Terre, Paris a déjà été une zone tropicale, les causes du réchauffement étaient alors extrêmement différentes, et les changements climatiques beaucoup plus lents, étalés sur quelques milliers ou millions d’années.

Je vous propose de mieux comprendre comment des plantes tropicales en sont venues à dominer la végétation du Bassin parisien il y a des dizaines de millions d’années, pour comprendre comment la situation est différente aujourd’hui.

Un réchauffement brutal et sans précédent

À la fin du Paléocène, il y a 56 millions d’années, il faisait déjà plutôt chaud sur la Terre par rapport à aujourd’hui. La moyenne annuelle des températures avoisinait alors les 20 °C dans le nord de la France et la moyenne des précipitations annuelles était supérieure à 1200 millimètres, contre environ 10 °C et 630 millimètres en moyenne aujourd’hui.

Puis, un relargage massif de carbone dans l’atmosphère, probablement d’origine volcanique, a provoqué une instabilité du cycle du carbone. Il aurait été suivi de la fonte du permafrost (partie du sol qui reste gelée pendant plus de deux ans), provoquant un autre relargage massif de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, ce qui aurait provoqué un emballement.

L’augmentation de la quantité de dioxyde de carbone dans l’atmosphère a alors provoqué un réchauffement climatique sans précédent, global et « brutal » — brutal à l’échelle géologique, j’entends.

En quelques milliers d’années, au début de l’Éocène — époque géologique qui succède au Paléocène, et qui s’étend entre 56 et 47,8 millions d’années — on aurait enregistré jusqu’à 8 °C d’augmentation des températures continentales à l’échelle mondiale !

Les forêts parisiennes s’adaptent au réchauffement

À la fin du Paléocène, avant le réchauffement, la végétation autour de Paris était très différente de ce que l’on connaît actuellement : il s’agissait d’une mosaïque écologique fossile où les groupes tropicaux à subtropicaux dominent, tandis que les familles aujourd’hui dominantes des milieux tempérés (par exemple les Fagaceae, la famille du chêne) semblent être secondaires.

C’est le paléobotaniste Gaston de Saporta (1823-1895) qui l’a mis en évidence, à travers l’étude des feuilles fossilisées dans des travertins anciens, dits « de Sézanne », dans la Marne.

Un fossile de feuille de Quercites (famille du chêne) retrouvé dans les travertins de Sézanne dans la Marne, et un analogue, Quercus glauca, observé aujourd’hui au Japon. RECOLNAT (ANR-11-INBS-0004) — Jocelyn FALCONNET — 2017, MNHN (gauche) et renshuchu, iNaturalist (droite), CC BY-NC

De fait, la végétation et la faune ont réagi au bouleversement climatique. Mais celui-ci n’a pas représenté une crise de la biodiversité à proprement parler : certains groupes se sont réduits, tandis que d’autres se sont largement diversifiés. Côté animal, des groupes mammifères dits « modernes », comme les périssodactyles (l’ordre du zèbre ou du rhinocéros) et les primates, sont apparus et se sont diversifiés.

Chez les plantes, dans le Bassin parisien, les forêts subtropicales sont devenues plus riches en éléments tropicaux, avec en particulier la diversification des groupes lianescents — du style de celles que l’on trouve aujourd’hui dans les tropiques américains et les régions subtropicales africaines et asiatiques.

Une forêt subtropicale lianescente humide d’aujourd’hui, à Xishuangbanna dans le Yunnan, en Chine. Cédric Del Rio, Fourni par l'auteur

Une flore similaire au Sud-Est asiatique d’aujourd’hui

L’étude de l’Éocène, la période qui fait suite à ce réchauffement soudain, débute avec Adolphe Watelet (1839-1899). À partir de feuilles, de fruits et de graines, celui-ci a délimité 52 familles et 103 genres de végétaux, mais sans pour autant en déduire quoi que ce soit sur le climat et le type de flore présente à cette époque.

Puis, Paul-Honoré Fritel (1867-1927) a repris les études de Watelet en les critiquant sévèrement — les conflits scientifiques ne datent pas d’hier ! Il a ainsi pu réduire drastiquement le nombre d’espèces décrites par Watelet, mais a aussi augmenté son analyse avec les découvertes de feuilles de Sabal (palmiers) ainsi que d’inflorescences d’Aracées (la famille des arums).

Un fossile de palme retrouvé dans le Bassin parisien et provenant de l’Éocène (gauche). À droite, un palmier Sabal — un analogue actuel — pris en photo en 2023 en Floride. Cédric Del Rio (MNHN) et ryanhodnett, iNaturalist, Fourni par l'auteur

Paul-Honoré Fritel a exploité ces données ainsi que de nouvelles découvertes paléobotaniques pour obtenir une approximation du climat de l’époque et de sa paléobiogéographie à l’aide d’une « approche actualiste » : il compare les tolérances climatiques des proches parents actuels des groupes éteints qu’il décrit.

Il en conclut que les analogues des fossiles présents durant l’Éocène sont à chercher dans les flores actuelles tropicales et subtropicales d’Amérique (Sabal, Taxodium, Sequoia) ainsi qu’Africaines et Asiatiques (Asplenium, Salvinia).

Avec les études suivantes, autant en botanique qu’en paléobotanique, les chercheurs contemporains ont conclu que les flores Éocène du bassin de Paris étaient finalement plutôt similaires aux flores actuelles du Sud-Est asiatique.

En somme, le réchauffement Paléocène-Éocène a vu la transition d’une végétation mosaïque qui incluait déjà des espèces tropicales et subtropicales, vers une végétation plus strictement tropicale.

L’apport des pollens

Si les premiers paléobotanistes nous ont appris ainsi quelles plantes étaient présentes à cette époque à partir de sites isolés, c’est l’avènement dans les années 1950 des études des grains de pollen et des spores, ou « palynologie », qui a permis d’avoir une vue régionale des écosystèmes présents au niveau du Bassin de Paris.

Au niveau du Bassin parisien, l’étude des grains de pollen a montré qu’on retrouvait essentiellement des forêts subtropicales à tropicales marécageuses et humides durant l’Éocène à l’issue du réchauffement.

Une fleur retrouvée dans de l’ambre, de l’espèce Icacinanthium tainiaphorum (gauche). Si cette fleur appartient à un groupe éteint, on retrouve aujourd’hui des plantes de la même famille en Asie du Sud Est — ici une plante du genre Iodes. Cédric Del Rio, MNHN (gauche) et inaturalist (droite), Fourni par l'auteur

En particulier, le site de Le Quesnoy, découvert en 1999 dans l’Oise, contient du pollen, ainsi que des fruits, graines, bois et même de l’ambre (résine fossile produite par des conifères ou plantes à fleurs). Ce site, daté du début de l’Éocène, enregistre une palynoflore (flore décrite à partir du pollen) associée à des prairies et forêts marécageuses (par exemple Gyptostrobus, Restionaceae, Sabal) ainsi qu’à des forêts denses humides (par exemple Icacinaceae, Sapotaceae, Myricaceae).

Réaction des flores au changement climatique

Après le réchauffement, la forêt locale ne semble pas avoir de différences majeures dans sa composition. L’étude récente des noyaux de fruits d’Icacinaceae et d’Anacardiaceae (la famille du manguier) a mis en évidence, au regard d’autres gisements plus anciens, une continuité des flores au niveau du bassin de Paris avant et après la limite Paléocène-Éocène/le réchauffement : l’évolution de la biodiversité dans le temps s’est faite sans rupture majeure.

Fossile de fruit d’Anacardiaceae du genre _Cyrtocarpa_, à droite. La lame mince présentée à gauche permet de distinguer la graine en blanc au centre, le noyau qui l’entoure en noir, et, sur la périphérie, les cellules blanches et allongées montrent la pulpe du fruit. Un représentant de la famille moderne est la mangue. Cédric Del Rio, MNHN, Fourni par l'auteur

Ainsi, les flores tropicales et subtropicales parisiennes, déjà adaptées à des climats tropicaux durant le Paléocène, n’ont pas particulièrement souffert du réchauffement brutal du début de l’Éocène. On observe même une légère tendance — à confirmer quantitativement par des études plus nombreuses — à l’accroissement de la diversité spécifique locale.

Aujourd’hui, des impacts climatiques très différents

Ce constat n’est pas transposable à la situation actuelle. Le réchauffement brutal du climat arrive dans un tout autre contexte floristique, où Paris et sa région sont dominés par une flore tempérée, adaptée aux périodes froides.

Notre flore est donc plus fragile aux chaleurs excessives. C’est alors bien une perte et non un gain de biodiversité qu’attendent nos flores dans les années à venir, comme le montre déjà le dépérissement des arbres dans nos forêts.

De nos jours, la végétation du Bassin parisien ne comprend pas d’espèces tropicales — pas à l’état sauvage du moins. La flore d’aujourd’hui est le résultat d’une histoire évolutive longue, marquée par une sélection positive des groupes tempérés au cours des refroidissements durant la fin du Paléogène, du Néogène (entre 23,03 et 2,58 millions d’années) et du Quaternaire (de 2,58 millions d’années à nos jours). Les températures excessives, ce n’est pas leur fort !

De plus, le réchauffement observé actuellement est bien plus brusque que le réchauffement considéré comme « brutal » par les géologues. Les changements climatiques de la limite Paléocène-Eocène, quoique rapides, permettent la mise en place de dynamiques de transitions au sein des écosystèmes à travers les générations. Le changement climatique actuel s’effectue, lui, à l’échelle d’une seule génération pour un arbre commun tel que le chêne ou le hêtre.


Le dessin illustrant la tête de cet article est de Sophie Fernandez, illustratrice scientifique au Centre de recherche en Paléontologie-Paris, MNHN. L’auteur souhaite saluer le travail de ses collègues illustrateurs, qui permettent de donner vie à des données scientifiques parfois un peu brutes.

Cédric Del Rio, Maître de conférences en Paléobotanique, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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Les oiseaux migrent-ils vraiment à cause du froid ? Et font-ils le même trajet à l’aller et au retour ?

Connaissez-vous bien les habitudes des oiseaux migrateurs ? Certaines restent mal connues. Thomas Landgren / Flickr, CC BY-NC-ND
Frédéric Archaux, Inrae

Pour la plupart d’entre nous, l’oiseau symbolise la part de « sauvage » acceptable ou idéale de notre environnement. Mais connaît-on bien ce voisin qui peuple nos forêts, nos bords de mer ou nos jardins ?

Dans « 50 idées fausses sur les oiseaux », paru le 26 octobre aux éditions Quae, Frédéric Archaux, ingénieur chercheur à l’INRAE, dresse un état des connaissances les plus récentes sur des oiseaux bien plus mystérieux qu’on ne le pense, en cinquante fiches couvrant tous les aspects de l’évolution, de la biologie et de l’écologie.

The Conversation France dévoile deux d’entre elles, qui reviennent sur des aspects méconnus de la migration.


Le froid les pousse à partir en migration

FAUX. Le manque de nourriture en hiver oblige certains oiseaux à migrer vers des climats plus doux.

C’est une évidence : les animaux qui passent l’hiver sous nos latitudes doivent être capables d’endurer des températures qui peuvent descendre largement en dessous de zéro. Il est donc légitime de penser que c’est l’arrivée du froid que fuient les migrateurs.

Ce merle noir ne craint pas la neige et le froid mordant : en gonflant ses plumes, il emprisonne une couche d’air parfaitement isolante. En revanche, s’il ne trouve pas de quoi s’alimenter et s’abreuver, la situation devient vite critique. Shaun Astbury, CC BY-NC-ND

En réalité, le plumage est un excellent isolant chez les oiseaux. Les plumes de surface, dites « plumes de contour », et le duvet en dessous piègent l’air : à l’exemple du rougegorge familier, en gonflant leur plumage, les oiseaux emprisonnent une plus grande quantité d’air et repoussent ainsi un peu plus le froid tout en conservant leur chaleur corporelle.

Lorsque des programmes de réintroduction de la cigogne blanche ont vu le jour dans les années 1970, les responsables ont constaté que l’instinct migratoire disparaissait si les oiseaux de l’année étaient retenus en cage durant leur premier hiver. Relâchés, ces individus demeuraient alors sur place en hiver et survivaient sans encombre pour peu qu’on leur procure de quoi manger.

La résistance au froid n’est pas si surprenante. Après tout, au printemps, quand les migrateurs africains sont fraîchement arrivés, les mâtinées peuvent être froides et les gelées encore intenses. En revanche, certaines ressources alimentaires s’épuisent à la fin de l’automne, en particulier les invertébrés dont se nourrissent de nombreux passereaux et limicoles (petits échassiers de bord de mer et de marais).

Par ailleurs, en hiver, les jours sont courts, et ce d’autant plus qu’on se rapproche du pôle, ce qui signifie que les oiseaux disposent de moins de temps pour s’alimenter. Demeurer sur les sites de reproduction, c’est courir le risque de mourir de faim.

De nombreux migrateurs partent ainsi dès l’été, comme les coucous, quand il fait encore chaud et qu’abondent les ressources. Des mortalités massives sont connues lors des épisodes de grands froids et réduisent parfois dramatiquement les populations de certaines espèces hivernantes.

La fauvette pitchou, au régime insectivore, demeure toute l’année sur son territoire et paye un lourd tribut lors des vagues de froid. Le changement climatique, avec ses hivers plus cléments, lui est favorable sous nos latitudes, mais réduit plus encore son aire de distribution au Sud. Eugene Archer, CC BY-NC-ND

C’est le cas notamment de deux petits passereaux, la fauvette pitchou, qui habite les landes basses, et la bouscarle de Cetti, qui apprécie les zones de marais, qui ont toutes deux disparu d’Auvergne durant l’hiver 1985, où la température est descendue en dessous de – 20 °C sur une moitié nord de la France.

Des observations plus récentes lors des frimas de février 2012 ont montré qu’avaient succombé avant tout des espèces se nourrissant de proies animales, comme les vanneaux huppés, les bécasses ou les grives. Les oiseaux morts avaient en moyenne une masse réduite d’un tiers par rapport à la normale à cette période de l’année, confirmant bien le rôle majeur de l’accès à la nourriture dans la survie hivernale.

Une autre espèce emblématique connaît de lourdes pertes lors de ces vagues de froid : celle de 1985 a décimé près du tiers de la population hivernante de flamants roses dans le sud de la France ; celle de 2012 en a tué 1 500 (contre 3 000 en 1985).

Le taux de mortalité du martin-pêcheur augmente avec le nombre de jours de gel. Plus que le froid, le gel l’empêche de pêcher les petits poissons dont il a un besoin vital. L’espèce ne fait pas de vieux os dans la nature : moins de 2 % des oiseaux dépassent les 3 ans… Ott Rebane, CC BY

La mesure du taux de lipides et de protéines a conclu que les victimes étaient au dernier stade de la famine : presque totalement dépourvus de graisse, ces oiseaux étaient à court de leur carburant essentiel. En effet, les vagues de froid gèlent les étangs et autres lagunes saumâtres dans lesquels se nourrissent les flamants roses, mais également les martins-pêcheurs, qui paient eux aussi un lourd tribut.

Avec le réchauffement climatique, ces épisodes de froid extrême se font plus rares sous nos latitudes et permettent à ces espèces sédentaires de gagner du terrain. On constate également une tendance à l’hivernage d’un nombre croissant d’individus d’espèces migratrices au long cours. Ainsi, chaque année, des hirondelles rustiques et de fenêtre hivernent dans le sud de l’Europe, notamment dans la péninsule Ibérique. L’étude isotopique des plumes trouvées sur un site au Portugal, où plus de 150 hirondelles rustiques ont été comptées en décembre et en janvier, atteste bien que les oiseaux étaient restés dans le secteur toute l’année.

Les migrateurs font le même trajet à l’aller et au retour

FAUX. De nombreuses espèces empruntent des routes différentes au printemps et en automne.

Les ornithologues connaissent depuis longtemps certaines routes migratoires longeant des côtes maritimes et traversant certains cols de montagne. Le développement du suivi par satellite au tout début des années 1990 a révolutionné notre vision des migrations.

Le record de vol sans escale pour un oiseau est détenu par une barge rousse partie d’Alaska et arrivée en Tasmanie, au sud de l’Australie : rien de moins que 13 560 km parcourus en onze jours de vol ininterrompu, dépensant seulement 0,41 % de sa masse par heure de vol ! Pete Richman, CC BY-SA

On estime que, pour ne pas entraver les déplacements des oiseaux, il faut que les capteurs représentent moins de 3 % du poids de l’oiseau, soit l’équivalent d’un sac à dos de 2 kg pour un humain de 70 kg. Malgré la miniaturisation des balises Argos (passant de 180 g à 25 g aujourd’hui), la seule technologie de communication en continu par satellite, celles-ci demeurent limitées aux oiseaux pesant au moins 800 g, le poids d’un goéland. Des capteurs GPS font aujourd’hui moins de 5 g, mais leur signal ne porte pas au-delà de 30 km.

Des ingénieurs ont eu la lumineuse idée de développer des capteurs de lumière de moins de 0,5 g qui documentent simplement l’heure de lever et de coucher du soleil. Or ces informations permettent de déterminer avec une relative précision la latitude (grâce à la durée du jour) et la longitude (grâce à l’heure moyenne entre le lever et le coucher du soleil).

Pour la petite histoire, les formules mathématiques utilisées pour ces calculs sont connues depuis 1530, attendant patiemment l’invention des capteurs ! Limite forte de cette technologie, il faut recapturer l’oiseau pour récupérer les précieuses informations enregistrées par le capteur.

Les cigognes blanches changent d’une année à l’autre leurs trajectoires migratoires en fonction de la disponibilité des ressources alimentaires, quitte à interrompre précocement leur migration. Par exemple, dans le sud de la France, des décharges à ciel ouvert leur fournissent une nourriture abondante tout l’hiver. Yapaphotos/Flickr, CC BY-NC-SA

Toutes ces technologies ont montré la grande diversité des routes migratoires. En Europe de l’Ouest, les cigognes traversent les Pyrénées sur les côtes atlantiques et méditerranéennes, puis se dirigent vers Gibraltar. En Europe centrale, les routes des cigognes convergent vers Istanbul pour éviter de passer au-dessus de la mer Noire et de la Méditerranée, longent ensuite la côte de la Syrie à l’Égypte pour se disperser finalement en passant au-dessus du Soudan.

Ces routes étant partagées avec de très nombreux migrateurs, on peut parler d’autoroutes migratoires ! Il semble y avoir des bons et des mauvais migrateurs : les cigognes qui vont le moins loin sont celles qui, dès le départ en migration, volent en battant des ailes plutôt qu’en planant : cette seconde stratégie, moins coûteuse en énergie, impose cependant de savoir repérer et utiliser les courants thermiques ascendants.

Généralement et de manière contre-intuitive, au sein d’une même espèce, les oiseaux qui occupent le nord de leur distribution (par exemple en Arctique) hivernent plus au sud (par exemple dans le sud de l’Afrique) que les oiseaux qui nichent plus au sud (par exemple en Angleterre) : on parle de migration à saute-mouton, car les oiseaux nordiques dépassent leurs congénères plus méridionaux à la saison de reproduction aux deux migrations.

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Très souvent, les oiseaux n’empruntent pas le même trajet en automne et au printemps, avec des écarts plus ou moins forts selon les espèces et selon les individus d’une même espèce. On parle de migration en boucle. Certaines espèces font une boucle dans le sens des aiguilles d’une montre (comme le coucou), d’autres dans l’autre sens.

Chez les passereaux, ce changement de route serait dicté par le fait que les sites riches en nourriture, où faire les réserves énergétiques nécessaires à la migration, ne sont pas localisés aux mêmes endroits quand ils arrivent et lorsqu’ils repartent. Chez les espèces planeuses, les voies de migrations semblent surtout dictées par les conditions météorologiques : les oiseaux adaptent leur route en fonction des courants thermiques qui leur sont favorables.

Plutôt que de voyager d’une traite, les pies-grièches écorcheurs de Scandinavie font des haltes prolongées sur leur route vers l’Afrique du Sud. Elles s’arrêtent ainsi près de deux semaines dans le sud-est de l’Europe, puis près de deux mois en Afrique centrale avant d’atteindre leur destination finale. CC BY-ND

Certaines routes migratoires interrogent : par exemple, les pies-grièches écorcheurs d’Espagne, plutôt que de passer en Afrique par Gibraltar, migrent comme toutes leurs congénères d’Europe de l’Ouest vers la Grèce avant de descendre jusqu’au sud de l’Afrique, et remontent par la péninsule Arabique et la Turquie.

Des chercheurs estiment que cette stratégie pourrait être un héritage devenu sous-optimal au cours du temps que la sélection naturelle n’a pas (encore) fait disparaître.

Frédéric Archaux, Chercheur, Inrae

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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Si aérer son domicile le matin est une pratique bien ancrée, la seconde aération quotidienne l’est beaucoup moins. Alistair MacRobert / Unsplash, CC BY-NC-SA

La pollution de l’air intérieur, un danger négligé ? Voici comment améliorer la qualité de l’air chez soi

Si aérer son domicile le matin est une pratique bien ancrée, la seconde aération quotidienne l’est beaucoup moins. Alistair MacRobert / Unsplash, CC BY-NC-SA
Gaëtan Brisepierre, École des Ponts ParisTech (ENPC)

Au cours de la pandémie de Covid-19, l’aération de nos espaces intérieurs a conquis le statut de

et des appareils comme les détecteurs de CO2 et les purificateurs d’air ont fait une entrée polémique dans les salles de classe.

Depuis une vingtaine d’années, la recherche scientifique a avancé sur le sujet de la qualité de l’air intérieur en cernant mieux les différentes sources de pollution. Elles se cumulent à celles de la pollution atmosphérique et se concentrent à l’intérieur des bâtiments, dans lesquels nous passons 80 % de notre temps.

Mais la qualité de l’air intérieur reste aujourd’hui un sujet d’experts, qui ne fait pas encore l’objet d’une appropriation citoyenne. Pourtant, chacun dispose chez lui de marges de manœuvre pour respirer un sain plus sain.

Une recherche pour mobiliser le public

Une recherche à laquelle j’ai participé, soutenue par l’Ademe et Leroy Merlin Source, a souhaité approcher la qualité de l’air intérieur des logements du point de vue des habitants, pour comprendre comment mobiliser le grand public sur ce sujet. Associant une équipe de sociologues (cabinet GBS) et d’expertes techniques (Médiéco), cette recherche a adopté une approche inédite mêlant ethnographie et accompagnement des habitants.

Douze familles ont ainsi participé en ouvrant la porte de leur domicile aux chercheurs pour une demi-journée, partagée entre un temps d’observation (entretien, visite commentée) et une séquence de conseils personnalisée, ludique et engageante.

Durant les trois mois suivants, ces familles ont expérimenté la mise en place des conseils d’amélioration de la qualité de l’air, encouragées par leur participation à un groupe WhatsApp animé par les expertes.

Un entretien final a permis d’évaluer la démarche et les changements mis en œuvre grâce à cet accompagnement.

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Déni autour de la pollution intérieure

Nous avons qualifié de déni ordinaire le rapport que les Français entretiennent à la qualité de l’air intérieur de leur logement. Elle ne fait pas partie de leurs préoccupations, contrairement aux économies d’énergie par exemple.

Les habitants se focalisent sur la pollution atmosphérique qui bénéficie d’une forte exposition médiatique depuis plusieurs années maintenant.

Surtout, reconnaître que l’air chez soi est plus pollué que l’air du dehors revient à mettre en danger l’une des principales fonctions anthropologiques du chez soi – la protection : s’il est contaminé, il ne peut plus être un « cocon ».

La perception de la qualité de l’air intérieur au quotidien passe par des signes sensibles rarement cohérents avec la détection des polluants. « L’odeur de propre », par exemple, est en fait celle de polluants chimiques dans l’air.

L’aération, une pratique bien ancrée

Du côté des pratiques, la situation paraît plus encourageante au premier abord car le rituel d’aération matinale est une routine bien intégrée, même en hiver.

En revanche, la seconde aération quotidienne recommandée est beaucoup plus aléatoire, elle entre en tension avec la préoccupation pour le confort et les économies d’énergie.

Le constat le plus frappant de l’étude est la distance que les ménages entretiennent avec leur système de ventilation. Ils n’ont souvent même pas les mots pour le décrire et n’en comprennent pas le fonctionnement : plusieurs habitants ont ainsi découvert l’existence d’entrées d’air dans leurs fenêtres.

Il n’est pas étonnant alors que son entretien – par le dépoussiérage – soit irrégulier voire inexistant, et que les habitants mettent en œuvre des pratiques contre-productives – comme l’obstruction des bouches – quand ils sont gênés par le bruit ou le froid.

Changer ses habitudes de consommation

L’accompagnement proposé a permis d’élargir le champ de vision et d’action des ménages sur la qualité de l’air de leur logement.

En plus de la discipline d’aération et le maintien d’une ventilation en bon fonctionnement, l’amélioration de l’air chez soi implique une révolution des habitudes de consommation courante, afin de réduire à la base les émissions de polluants : choisir des produits ménagers et cosmétiques sains, se détacher des parfums d’ambiance (bougies, diffuseur…), bannir le tabac en intérieur, limiter l’utilisation de la cheminée, adapter ses choix d’aménagements (éviter les tapis, privilégier les meubles en bois brut)…

Si une partie des habitants avaient déjà entamé ces changements, de fortes marges de progression existent afin d’adopter ces réflexes préventifs. Même les plus renseignés jugent ainsi la javel comme un produit inoffensif, ce qui est loin d’être le cas.

Gare aux solutions technologiques

Au-delà de ces habitudes quotidiennes, que faire pour améliorer durablement la qualité de l’air de son logement ? En premier lieu, ne pas tomber dans le piège des baguettes magiques technologiques que représentent les purificateurs d’air et les capteurs.

La pression marketing suscite la tentation d’achat de purificateur, alors que leurs effets assainissants en situation réelle sont limités, et dans certains cas, controversés.

Quant aux capteurs de qualité de l’air, leur possession n’est pas suffisante pour enclencher une posture réflexive chez la plupart des ménages.

Plantes dépolluantes, purificateurs… le marketing nous pousse parfois à adopter de fausses solutions en matière d’amélioration de l’air intérieur. Diana Polekhina/Unsplash, CC BY-ND

Tout comme le suivi des consommations d’énergie, ces outils de mesure ont un effet dans le cadre de dispositifs d’accompagnement. Or ceux-ci n’existent que de manière très marginale sur la qualité de l’air ou s’adressent à des populations spécifiques (malades, précaires énergétiques).

Des rénovations nécessaires

Les stratégies d’amélioration de la qualité de l’air les plus efficaces s’inscrivent en réalité dans le cadre de travaux. Elles paraissent néanmoins encore bien laborieuses aux habitants et leurs résultats assez incertains.

Utiliser une peinture non toxique (« naturelle », bio, écolabellisée…), par exemple, est une aspiration de plus en plus courante : mais la choisir reste difficile et son coût plus élevé aboutit à une utilisation partielle – souvent les chambres.

L’amélioration de la ventilation devrait être intégrée à toute rénovation, mais elle est trop souvent repoussée. En maison, son installation est hasardeuse : de nombreux dysfonctionnements sont constatés, y compris quand elle est réalisée par un professionnel.

En immeuble, les efforts requièrent des décisions collectives trop difficiles à obtenir, par exemple lors de l’assemblée générale de copropriété.

Accompagner la prise de conscience

La démarche d’accompagnement expérimenté fait la preuve que des changements sont possibles du côté des habitants, à condition de dépasser une approche normative des comportements (comme les guides de bonnes pratiques) et de s’adapter à leur situation et à leurs préoccupations (propreté, cohabitation, copropriété, travaux…).

Chez les plus novices, l’accompagnement a produit une prise de conscience, « un choc » conduisant à l’abandon immédiat de nombreux produits nocifs. Chez les mieux renseignés, il a renforcé les dynamiques d’amélioration déjà à l’œuvre, et les a légitimés dans une position de porte-parole au sein de leur foyer, auprès de leur entourage voire au travail, conduisant à une diffusion des conseils.

Gageons que cette expérience, dont les outils sont librement accessibles, inspirera de nouvelles démarches portées par des professionnels au contact des habitants, qui n’identifient pour le moment aucun interlocuteur légitime sur le sujet.

Outiller les professionnels

La lutte pour un air plus sain dans les logements ne peut toutefois pas reposer exclusivement sur les habitants.

L’état de l’art dressé au démarrage du projet a révélé qu’elle requiert une approche globale associant des politiques publiques plus ambitieuses, une offre de produits sains mieux développée et davantage de prescriptions par les professionnels.

Il serait utile de mettre en situation de conseil les professionnels présents tout au long du parcours des ménages : artisans, agents immobiliers, conseillers France Renov’, magasins de bricolage, travailleurs sociaux, sages-femmes…

Des projets travaillent déjà sur la posture des professionnels et tentent de mieux les outiller (ECRAINS, Just’Air, FLARE).

Ces changements deviennent urgents à l’heure de l’intensification de la politique de rénovation énergétique des logements, si l’on ne veut pas transformer un progrès dans la lutte contre le réchauffement climatique en scandale sanitaire de l’air intérieur.

Gaëtan Brisepierre, Sociologue indépendant, École des Ponts ParisTech (ENPC)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.