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FNAC Liam Gallagher & John Squire Édition Limitée Exclusivité Fnac Vinyle Blanc





Liam Gallagher & John Squire Édition Limitée Exclusivité Fnac Vinyle Blanc prix Album Vinyle Fnac 25.99 € TTC - Liam Gallagher & John Squire: parler d'une collaboration au sommet est presque un euphémisme. Déjà liés par une amitié et une admiration mutuelle depuis des années, les retrouvailles sur scène entre le légendaire frontman solo et chanteur d'Oasis et le guitariste des Stone Roses, au mythique Knebworth House devant 170.000 fans en 2022, ravivent l'envie persistante de faire de la musique ensemble. Le résultat, issu d'une session d'enregistrement à Los Angeles avec le producteur Greg Kurstin, réside dans ces 10 titres disponibles dès le 1e mars 2024, dont les épiques premiers extraits 'Just Another Rainbow' et 'Mars To Liverpool'

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Liam Gallagher et John Squire : une collaboration au sommet



Liam Gallagher et John Squire sont deux figures emblématiques du rock britannique, respectivement connus pour avoir été le chanteur d’Oasis et le guitariste des Stone Roses. Après s’être retrouvés sur scène en 2022 au mythique Knebworth House devant 170.000 fans, ils ont décidé de concrétiser leur amitié et leur admiration mutuelle en enregistrant un album ensemble. Le résultat, intitulé simplement Liam Gallagher & John Squire, est disponible dès le 1er mars 2024, en édition limitée exclusivité Fnac vinyle blanc.

Un album aux influences variées

Liam Gallagher et John Squire ont travaillé avec le producteur Greg Kurstin, qui a déjà collaboré avec des artistes comme Foo Fighters, Paul McCartney ou Adele. Ensemble, ils ont composé 10 titres qui mêlent les influences rock, pop et psychédéliques des deux musiciens. On retrouve ainsi la voix puissante et reconnaissable de Liam Gallagher, qui chante avec conviction et émotion, et la guitare virtuose et inventive de John Squire, qui crée des mélodies accrocheuses et des solos éblouissants.

L’album s’ouvre sur le morceau Raise Your Hands, un hymne rock qui invite à célébrer la vie et la musique. Le titre suivant, Mars To Liverpool, est un hommage à la ville natale de Liam Gallagher, qu’il compare à la planète rouge pour son côté rebelle et indomptable. Le troisième titre, One Day At A Time, est une ballade acoustique qui évoque la difficulté de vivre dans le présent et de surmonter les épreuves. Le quatrième titre, I’m A Wheel, est un rock énergique qui exprime la liberté et le plaisir de rouler sur la route. Le cinquième titre, Just Another Rainbow, est le premier extrait de l’album, sorti en novembre 2023. C’est un morceau pop aux accents psychédéliques, qui parle de la quête du bonheur et de l’amour.

La face B de l’album commence avec le titre Love You Forever, une chanson d’amour sincère et touchante, qui montre le côté romantique de Liam Gallagher. Le titre suivant, Make It Up As You Go Along, est un rock alternatif qui encourage à improviser et à prendre des risques. Le huitième titre, You’re Not The Only One, est un morceau plus sombre et plus introspectif, qui aborde le thème de la solitude et de la dépression. Le neuvième titre, I’m So Bored, est un rock sarcastique et ironique, qui critique la société de consommation et la superficialité. L’album se termine sur le titre Mother Nature’s Song, une ode à la nature et à la beauté du monde, qui appelle à la préservation de l’environnement.

Une édition limitée à ne pas manquer

L’album Liam Gallagher & John Squire est disponible en édition limitée exclusivité Fnac vinyle blanc, limitée à 10.000 exemplaires et numérotée à la main. Ce format collector est idéal pour les fans de vinyle, qui apprécieront la qualité sonore et le design de l’objet. L’album est également disponible en vinyle standard, en CD et en streaming.

L’album Liam Gallagher & John Squire est un événement musical à ne pas manquer, qui réunit deux légendes du rock britannique. Il témoigne de la complicité et du talent de ces deux artistes, qui ont su créer un album varié, original et captivant. Si vous aimez le rock, la pop et la musique psychédélique, vous serez conquis par cet album.

Les avis des fans

Voici quelques avis de fans qui ont écouté l’album Liam Gallagher & John Squire :

  • "Un album génial, qui mélange parfaitement les univers de Liam et de John. J’adore les chansons, les mélodies, les paroles, la voix, la guitare, tout ! C’est un album qui donne la pêche et qui fait du bien. Bravo !" - Julien, 28 ans
  • "J’étais sceptique au début, je me demandais ce que ça allait donner, mais je dois dire que je suis agréablement surprise. L’album est très réussi, il y a de la diversité, de l’émotion, de l’énergie. Liam et John ont su se compléter et se renouveler. C’est un album qui va tourner en boucle chez moi." - Léa, 24 ans
  • "Je suis fan de Liam Gallagher depuis Oasis, et de John Squire depuis les Stone Roses. Je n’aurais jamais imaginé qu’ils fassent un album ensemble, mais je suis ravi du résultat. L’album est un régal pour les oreilles, il y a des tubes, des ballades, des morceaux plus expérimentaux. C’est un album qui fait honneur au rock britannique." - Thomas, 32 ans

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Photo de Bill Fairs sur Unsplash

Bob Marley, chantre de l’émancipation

L'acteur Kingsley Ben-Adir se glisse dans la peau de l'idole. Allocine.fr
Thomas Vendryes, École Normale Supérieure Paris-Saclay – Université Paris-Saclay

Bob Marley : One Love. Nombreux seront sans doute celles et ceux à se rendre dans les salles de cinéma pour découvrir comment la vie de cet artiste iconique a été portée à l’écran par Reinaldo Marcus Green, et sous la supervision de son propre fils, Ziggy. Les fans pourront être sensibles aux nombreuses références et clins d’œil qui le parsèment, tandis que d’autres qui ne connaissent Bob Marley qu’à travers quelques titres comme

,
ou
découvriront probablement l’ampleur et la complexité du personnage.

Bob Marley en concert au Dalymount Park, le 6 juillet 1980. Eddie Mallin/Wikimedia, CC BY-SA

Né en 1945 en Jamaïque, petit pays de l’archipel des Caraïbes, Robert Nesta Marley appartient, par son succès, au panthéon de la musique populaire internationale. Ses albums se sont vendus par centaines de milliers – 700 000 ventes pour Exodus, sorti le 3 juin 1977, opus que l’on retrouve au cœur du film et désigné en 1998 « meilleur album du XXe siècle » par le Time Magazine ; 25 millions pour la compilation posthume Legend, album à la longévité exceptionnelle dans le classement de ventes d’albums du magazine Billboard, dont il atteint régulièrement le sommet, de sa sortie en 1984 jusqu’à aujourd’hui. Seul le Dark side of the moon de Pink Floyd fait mieux. Le New York Times a même considéré Bob Marley comme l’« artiste le plus influent de la deuxième moitié du XX? siècle ». Près de 20 ans après la mort de l’artiste, c’est avec son titre « One Love », « hymne pour le millénaire » que la BBC fête le passage à l’an 2000.

Et cet immense succès n’a été construit qu’en sept petites années sur la scène internationale (après dix ans sur la scène jamaïcaine), entre 1973 quand les Wailers (Bob Marley, Peter Tosh et Bunny Wailer)

, et 1980 quand un cancer agressif interrompt brutalement la carrière de Bob, avant de l’emporter le 11 mai 1981. Sept ans durant lesquels il a parcouru les quatre coins du monde : l’Europe où il rassemblera par exemple 110 000 personnes dans le stade de San Siro à Milan (plus que le pape une semaine auparavant !) et près de 50 000 en France au Bourget, un record alors dans l’hexagone pour un concert payant, mais aussi les États-Unis, l’Australie, le Japon, l’Afrique – une tournée en Amérique latine était projetée, avant que la maladie ne se révèle.

Bob Marley est la première star de ce calibre à venir d’un pays du tiers monde, sans doute la seule jusqu’à ce que décolle dans les années 2000 la carrière de Rihanna, artiste native elle aussi des Caraïbes, de l’île de la Barbade. Mais Bob incarne une autre figure, déjà par son histoire : en 1945, à sa naissance, la Jamaïque est un pays extrêmement pauvre, toujours sous la domination britannique,

. Il en vient des tréfonds : vrai « country bwoy », gamin de la campagne, né d’une mère noire âgée de 18 ans et d’un père blanc de 65 ans qui ne l’a jamais considéré. Dans son village, il conduit les mules. Quand il arrive à Kingston, encore tout enfant, c’est à Trenchtown, quartier plus que populaire de la capitale, et on l’envoie apprendre la soudure plutôt qu’à l’école.

Bob Marley, c’est surtout – pour reprendre le slogan du biopic – une « icône », un « rebelle », une « légende ». Linton Kwesi Johnson, dub poet militant, le qualifie de « Che Guevara de la culture populaire ». Le titre

, sur l’album Survival était l’hymne officieux des guerilleros de ce pays en lutte contre un régime blanc de type apartheid, et dont l’artiste est venu fêter la victoire en 1980.

Bob Marley & The Wailers célèbrent l’indépendance du Zimbabwe en 1980

Ses morceaux ont également été repris lors de la chute du mur de Berlin. On a même entendu

et vu porter son portrait lors des manifestations de la place Tiananmen, en Chine, en 1989.

Comment ce petit garçon aux origines si modestes a-t-il pu atteindre le pinacle de la musique populaire internationale, et y incarner un chantre de l’émancipation ?

Être une rock star rebelle… en parlant de la Bible ?

Il y a certes d’abord la personnalité même de Bob Marley – qui a tout de l’étoffe des rock stars : beau, charismatique, d’une énergie apparemment inépuisable, un travailleur acharné derrière le fumeur de pétards, avec une volonté de fer, celle du « Tuff Gong », comme s’appelait son label, une expression bien difficile à traduire en français, mais qui dénote un « dur à cuire ». Il excelle comme auteur, comme compositeur, comme interprète. Il aime – trait général et caractéristique de la musique populaire jamaïcaine d’ailleurs – découvrir, expérimenter, maintenir sa musique en perpétuelle évolution. Il sera ainsi parfaitement à l’aise dans le

, le
, les
, comme dans ses variations plus tardives comme le
. Mais il est aussi capable de grandes ballades romantiques à la
, ou d’hymne guitare-voix à la
. Rares sont les artistes à avoir traversé et développé une telle richesse et diversité musicales.

Ce qui est probablement le plus déterminant dans la carrure, l’aura et l’écho de Bob Marley, c’est la source de son inspiration, et le cœur de son message. Bob vient du plus profond d’une île, d’une société marquée par des siècles de colonisation et de racisme, par les intenses souffrances de l’histoire de la déportation et de l’esclavage, et leurs conséquences contemporaines. Il a grandi dans un monde empreint du message de Marcus Garvey, héros national jamaïcain, immense figure de la revendication et de l’affirmation de la fierté des Noirs descendants d’esclavisés, africains déportés aux Amériques. Puis Marley se convertit au rastafarisme dans les années 1960, un mouvement religieux qui reprend à son compte l’Ancien Testament, l’histoire d’un peuple élu, que Dieu ramène à la Terre promise après un exode de souffrance : ce peuple en exode ce sont les descendants d’esclavisés ; Dieu et sa figure messianique c’est Jah, Rastafari, l’empereur d’Éthiopie Hailé Sélassié ; la Terre promise c’est l’Afrique.

L’intensité et la profondeur – politiques, religieuses, mystiques – de cet héritage et de ce message donnent sans aucun doute à la voix de Bob Marley son souffle si puissant. Il semble lui-même porter quelque chose de prophétique, une aura

, lui qui avait annoncé tout jeune qu’il mourrait trois ans plus vieux que le Christ. Kingsley Ben-Adir, qui l’interprète dans le film, caractérise comme
.

Londres, Rainbow theatre en 1977 : sur son titre « Lively Up Yourself », Marley pose sa guitare et entame une danse « otherworldly ».

Tout jeune enfant, le petit Nesta Marley était déjà réputé dans sa campagne pour son don de chiromancie. Une scène du film y fait un clin d’œil, lorsqu’on le voit regarder dans le creux de la main de sa femme Rita. C’est là un petit anachronisme : enfant, au retour d’un premier séjour à Kingston, il avait annoncé ne plus vouloir prédire l’avenir, mais jouer de la musique – comme si c’était dans la musique qu’il avait décidé de déployer dorénavant ses dons.

Exodus, désigné en 1998 « meilleur album du XX? siècle » par le magazine Time.

Il pourrait sembler paradoxal qu’un tel message touche un si large public : l’« album du siècle », selon le Times, le premier immense succès de Bob Marley, c’est Exodus, le livre de l’Exode, l’Ancien Testament appliqué aux descendants d’esclavisés. Dans le film de Reinaldo Marcus Green, un publiciste d’Island Records, qui produit et distribue l’album, pose explicitement la question : comment espérer vendre un album qui a pour titre un livre de l’Ancien Testament, qui plus est avec une pochette sans image, constitué juste d’un titre écrit avec des lettres étranges, en calligraphie amharique, l’écriture éthiopienne ? Comment penser que des jeunes s’intéresseront à des chansons qui évoquent la Bible ?

Et pourtant avec Bob Marley, ça marche, ça touche très largement : les 110 000 personnes qui viennent l’applaudir à Milan, ce ne sont pas 110 000 rastas. Même les guérilleros qui prennent « Zimbabwe » pour hymne ne connaissent pas le mouvement rastafari. Et plus fort encore : un des premiers publics non jamaïcains à écouter les Wailers et Bob Marley, à porter des T-shirts

, ce sont les premiers skinheads et punks britanniques, qui ne sont pas vraiment réputés pour leur sensibilité religieuse.

Une vibration universelle : l’émancipation

Si Bob Marley parvient à donner toute sa puissance à cette voix, c’est qu’il sait en faire vibrer l’écho universel. Depuis son histoire particulière, il donne une voix à tous les « sufferers », tous ceux qui souffrent. Son message parle largement, parce qu’il est militant, mais pas partisan, parce qu’il est mystique, mais ni prosélyte ni sectaire.

Militant mais pas partisan, Bob Marley l’est parce que son expérience de la politique c’est celle de la Jamaïque des années 1960 et 1970, la corruption et la violence. Aucun parti ne semble avoir authentiquement à cœur les intérêts du peuple. Et le niveau de violence est tel que d’obscures motivations politiques pourraient être derrière la tentative d’assassinat dont Bob Marley a été victime en décembre 1976, scène qui ouvre son biopic. Quand, en 1978, après un long exil londonien pendant lequel il compose notamment l’album Exodus, il revient en Jamaïque pour le « One Love Peace Concert », ce n’est pas pour prendre parti : c’est pour réunir son île déchirée par les partis. Sur scène, face à une foule immense parsemée d’hommes armés, dans un moment historique, il joint les mains des deux adversaires politiques, Michael Manley et Edward Seaga.

Si Jah est omniprésent dans ses chansons, Bob ne cherche pas véritablement à convertir ni à détailler les principes et doctrines du mouvement rastafari. Il veut diffuser ce qu’il considère en être l’essence, le cœur du message :

(« One Love » !), la
, la
– pour que d’autres le reprennent.

Ziggy Marley, à l’avant-première du biopic qu’il produit : « Porter la vie de mon père sur le grand écran, c’est pour nous un moyen de plus de répandre au monde son message d’amour », Paris, Grand Rex, 1er février 2024.

C’est probablement « Redemption Song », dernière piste de son dernier album, un hymne guitare-voix dont le dépouillement et l’intimité sont uniques dans le répertoire de Bob, qui le résume le mieux :

« Emancipate yourself from mental slavery
None but ourselves can free our minds […]
Won’t you help to sing these songs of freedom
‘Cause all I ever have : Redemption songs, Redemption songs
(« Emancipez-vous de l’esclavage mental
Personne d’autre que nous-mêmes ne peut libérer nos esprits […]
Ne m’aiderez-vous pas à chanter ces chants de liberté ?
Parce que c’est tout ce que j’ai jamais eu : des chants de rédemption, des chants de rédemption »)

Le reggae, une musique de liberté

Le vecteur du message, c’est un style musical spécifique, le reggae, une musique dont le premier objectif est de saisir le corps, de littéralement faire vibrer physiquement – comme Marley vibre de son histoire et du message qu’il veut transmettre. Dans les sound systems jamaïcains, on dit que si le son est bon, une bouteille de bière ne peut tenir debout.

Le reggae, c’est une musique profonde avec des basses lourdes, fondamentales dans le mix, des basses qui semblent manifester l’enracinement, les « roots ». Le reggae, c’est aussi ce côté syncopé, ce contretemps qui prend à contrepied, qui entraîne et qui déstabilise. Et c’est ce côté « raw », un peu rude, « brut de décoffrage », qui accroche et peut-être grince un peu – comme la voix si singulière de Bob Marley. Dans le film, on voit les Wailers présenter au producteur Coxsone Dodd ce qui sera leur tout premier tube,

, en 1964. Plusieurs prises du morceau ont été réalisées, et dans celle choisie par Coxsone pour être pressée et diffusée, il y a une erreur, un petit truc qui déraille : l’un des acolytes de Bob, Peter Tosh, se trompe et entame un refrain au mauvais moment. C’est probablement ce côté rugueux qui a séduit les skinheads et punks britanniques dans les années 60 et début 70.

La forme musicale même constitue ainsi un véhicule idéal pour ce message. D’ailleurs, partout où le reggae a porté, ceux qui l’ont entendu se le sont approprié, pour y poser leur propre volonté d’émancipation.

Bob Marley, trop universel ?

Mais Bob Marley aurait-il perdu en authenticité en cherchant à toucher le plus large possible, aux quatre coins du monde, avec un message plus universel et une forme de reggae « international » nourri d’influences extérieures ? Le film montre par exemple l’arrivée de Junior Marvin, un guitariste rock qui avait collaboré avec Stevie Wonder, aux cheveux lissés – loin des canons du reggae rasta jamaïcain ! – sur la suggestion du producteur Chris Blackwell, du label Island, celui qui propulse Bob Marley et les Wailers sur la scène internationale.

En 1974, pour la sortie du premier album international solo de Bob, il y a débat sur le titre : Knotty Dread ou Natty Dread, des dreadlocks « noueuses » ou « élégantes » ? Pour un Jamaïcain, cela se prononce pratiquement de la même manière, mais une fois porté à l’écrit, la connotation n’est pas la même… Dans les deux cas, Bob Marley tranche : oui pour Junior Marvin, pour accrocher un public qui vient du rock, et ce sera « Natty Dread » – des dreadlocks élégantes, certes, mais qui chantent

.

« Survival » ou « Black Survival » ?

Une des meilleures illustrations de cette ouverture de Bob Marley à un large public sans compromission du message originel est probablement l’histoire du titre et de la pochette de l’album Survival. Celui-ci devait originellement s’intituler Black Survival, mais Bob Marley a préféré lui donner une dimension plus universelle en omettant le « Black ». Cependant la pochette de l’album montre ce Survival écrit sur la représentation d’un navire négrier, encadré des drapeaux de tous les pays africains. Un message universel, oui, mais dont l’origine et la puissance proviennent d’une histoire et d’une souffrance particulières – celles des descendants des Noirs esclavisés déportés d’Afrique.


Thomas Vendryes tient à remercier Audrey Bangou pour sa précieuse contribution à la conception et à la relecture de ce texte.

Thomas Vendryes, Maître de conférence au Département de Sciences Humaines et Sociales de l'ENS Paris-Saclay, Centre for Economics at Paris-Saclay (CEPS), École Normale Supérieure Paris-Saclay – Université Paris-Saclay

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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Elvis Presley à travers ses biographes : la malédiction de la rock star

Statue d’Elvis à Liverpool. pjxhere, CC BY-SA
Gabriel Segré, Université Paris Nanterre – Université Paris Lumières

Le film Priscilla, de Sofia Coppola, sorti tout récemment, s’appuie sur l’autobiographie de celle qui fut l’épouse du « King » pendant six ans, et dresse un portrait en creux du chanteur. Depuis sa disparition, en 1977, un récit notamment livresque a été élaboré et massivement diffusé, qui raconte la vie et l’œuvre d’Elvis.

Nathalie Heinich a rendu compte de l’« hagiographisation de la biographie » du peintre Vincent Van Gogh. On observe un traitement très semblable de la vie de Presley.

Ce récit emprunte à la fois au récit héroïque, au récit légendaire et épique, au récit hagiographique, et le raconte en héros mythique et civilisateur, en saint, mais aussi – en dépit de sa gloire et de son succès – en artiste maudit, martyr et sacrifié.

Ce récit a pour auteurs des journalistes, des fans, des musiciens, des proches du chanteur (collaborateurs, coiffeur, cuisinière, gardes du corps, membres du cercle familial ou de la « cour » du chanteur, la fameuse Memphis Mafia…). L’étude de 55 biographies d’Elvis Presley m’a permis d’aller à sa rencontre, sans préjuger de sa réalité ou des libertés prises avec la réalité.

Incompréhension et rejet

Le malheur de Presley débute avec les persécutions, les rejets et les condamnations qui accompagnent les premiers pas du chanteur sur scène. Le rocker paie un lourd tribut au fait de rompre avec les canons esthétiques de l’époque, incarnés par les crooners. Leurs chansons sont douces, mélodieuses, romantiques, quand celles de Presley sont rythmées, agressives, voire violentes. La diction du jeune chanteur, à l’accent sudiste, qui avale certains mots, ahane, contraste avec celle, claire et nette des crooners. Son comportement sur scène – il se déhanche, se « tortille » – est aux antipodes de celui des chanteurs de l’époque, autrement plus sobre. La tenue de scène de Presley, avec ses vestes voyantes aux couleurs vives, rompt également avec le style vestimentaire strict et soigné des hommes de spectacle de l’époque, tout comme sa coupe de cheveux, qui fera des émules, mais occasionnera bien des sarcasmes.

Presley voit se dresser sur sa route, avec une extrême véhémence, une série de juges et de contempteurs, parmi lesquels les critiques (journalistes, critiques spécialisés), les marchands (disc-jockeys, programmateurs radio, présentateurs TV) et une partie du public, ou encore les institutions politique, religieuse, judiciaire, scolaire.

Les plus virulents sont sans conteste les « critiques », dont les articles sont abondamment cités par les biographes. Ils dénoncent à la fois l’absence de sens musical, la diction défaillante, le style vocal de Presley, réduisant ses performances de chanteur à d’« horribles hurlements humains », des « reniflements », des « harangues de bas étage », et déplorant une « agression pour les oreilles américaines ».

Les journalistes soulignent de surcroît le caractère « obscène »,« monstrueux », « pornographique », « exhibitionniste », « scandaleux » des performances du chanteur, et érigent la non-conformité aux canons esthétiques de l’époque en perversion, en monstruosité obscène et scandaleuse.

Marginaux, Elvis et sa musique deviennent menace dangereuse. La critique fustige le « délinquant », s’alarme du succès grandissant de cet « ennemi du peuple », « maniaque sexuel » et « antiaméricain », qui corrompt la jeunesse.

La condamnation s’étend à l’industrie musicale, elle aussi corrompue et corruptrice, coupable d’une « exploitation artificielle et malsaine » de la jeunesse, et surtout aux premiers admirateurs de Presley, obscènes, crédules, naïfs, médiocres, aliénés et incultes, à l’image de cet « auditeur moyen [qui] commence à se tortiller comme les petites créatures grouillantes qu’on observe au microscope dans un jambon pourri ».

L’ensemble du cercle des marchands (membres de l’industrie du disque, programmateurs de salles de concert, présentateurs d’émissions de radio et de télévision) rejette et dénonce le chanteur. Les termes de péché, de honte, d’indécence, d’obscénité, de pornographie, de bêtise, de perversion, de monstruosité, de scandale, d’exhibition témoignent de la virulence de la condamnation.

Certains animateurs de radio brûlent les disques d’Elvis, d’autres refusent de les programmer, d’autres encore lui conseillent d’abandonner toute velléité de poursuivre une carrière musicale. Il en est qui tentent de « créer une organisation destinée à éliminer les artistes de la décadence et du malheur ». Dénonciations et condamnations s’accompagnent en effet de mesures restrictives et préventives, mais aussi de censures, d’interdictions, d’autodafés.

Les institutions, garantes de l’ordre moral et des règles établies, censurent le chanteur et engagent une vaste campagne de prévention contre les méfaits de son œuvre. Des municipalités interdisent à Presley de se produire dans leur enceinte. Des personnalités politiques, des sénateurs, des maires dénoncent publiquement et officiellement le caractère obscène, immoral, et dangereux du chanteur.

Les représentants de la sphère juridique et policière entrent en action. La brigade des mineurs menace Elvis et lui intime l’ordre de modifier son jeu de scène. Un juge déclare à propos de l’un des disques de Presley, qu’il « portait jusque dans les foyers sa charge de crime, de violence et de sexe ». Un concert d’Elvis est filmé par des policiers cherchant à réunir les preuves de son exhibitionnisme afin de le mettre en état d’arrestation. D’autres sont annulés.

L’institution scolaire condamne à son tour le chanteur. Certains directeurs d’établissement interdisent à leurs élèves de se rendre aux concerts de Presley et renvoient les récalcitrants. Des professeurs dénoncent publiquement le rocker et son influence néfaste sur les jeunes générations.

L’institution religieuse n’est pas en reste et développe dans sa condamnation les thèmes de l’immoralité, l’obscénité, la dangerosité[9]. Les déclarations véhémentes du corps clérical se multiplient ; elles vilipendent la « décadence spirituelle », la « pourriture morale », la « foi en la malhonnêteté, la violence, le vice et la dégénérescence » incarnés par Elvis Presley.

La singularité du chanteur est ainsi constituée en perversité, obscénité, pornographie, anti-américanisme, vice, folie, dégénérescence. Ses concerts sont comparés à « ces abominables réunions sans frein que les nazis organisaient pour Hitler »… son œuvre, « musique de Nègre » et musique « communiste », est accusée de conduire la jeunesse américaine « sur le chemin de la dépravation, de la délinquance, du crime. La « déviance » du King le rend victime d’une véritable persécution, d’une campagne nationale de diabolisation et de dénigrement particulièrement agressive : « […] À Nashville, on pendit Elvis en effigie. À Saint Louis, on le brûla in abstentia […] ».

Si les débuts sont difficiles, la suite ne l’est pas moins.

Martyr et figure sacrificielle

Les biographes de Presley racontent son existence comme un long calvaire et font état de son martyr, de sa souffrance, de son dévouement à autrui. La dimension pathétique, christique, qui caractérise la figure de la sainteté, apparaît clairement dans les récits consacrés à la vedette. La vie d’Elvis comme celle du Saint est tout entière transformée en autosacrifice : « À la fin, Elvis avait tellement donné qu’il n’avait plus rien à donner ».

Il sacrifie sa santé physique. Tournées incessantes, séances répétées d’enregistrement de disques, de tournage de films, Elvis mène « une vie absolument folle, grisante, harassante. Pas le temps de dormir, pas le temps de manger, pas le temps d’aimer sérieusement. La route, les trains, les avions, les foules, l’hystérie ». La vie sur la route, lors des tournées, est une vie dure, « exténuante », sans répit ni repos, avec trop de « pression », et trop peu de sommeil. La traversée des États-Unis, de ville en ville, de salle de concert en salle de concert, est décrite comme un véritable chemin de croix. Ni la fièvre, ni la grippe, ni les déchirures musculaires, ni les maux de gorge ne parviennent à le détourner de sa « mission ». Ni les médecins, ni son père ne peuvent s’opposer à son sacrifice pour des fans, éperdument reconnaissants. Épuisé, malade, le chanteur souffre d’hypertension, de problèmes digestifs, d’un glaucome, de maux de dos, présentés comme autant de symptômes d’un véritable martyr, d’une existence infernale, d’une vie de « bagnard » au service de son manager, de l’« entertainment business », mais surtout de ses fans.

Presley sacrifie également sa santé morale. Tournées et concerts répétés le condamnent aux dépressions et à la consommation de médicaments. Dévoué corps et âme à son public, consacré à son œuvre, il devient dépendant de produits toujours plus nombreux, « esclave de la drogue », au bord de l’épuisement moral, voire de la folie.

Il fait aussi le sacrifice d’une forme de normalité, de son aspiration à un bonheur tranquille : il ne peut assister aux offices religieux, ni emmener sa fille se promener dans un parc, ni flâner avec un ami, ni même simplement développer avec ses contemporains des rapports normaux. Il sacrifie son mariage qui ne résistera pas aux tournées et aux succès et sa vie privée, découvrant « que le prix à payer pour la gloire [est] une absence totale et brutale de vie privée. Où qu’elle aille, la star se [fait] assaillir par ses fans ». Presley ne peut plus être ni un époux, ni un père, ni un ami, ni un homme « normal », destiné à consacrer sa vie à ses fans et au rock’n’roll, comme le Saint dédiant son existence à Dieu.

Les succès et gloire d’Elvis Presley le condamnent au retrait du monde. Ce motif de l’isolement est omniprésent dans la vie du chanteur sous la plume de ses biographes. Dépeint comme un enfant solitaire, marginal, Elvis apparaît ensuite comme souffrant d’une profonde solitude. Entouré pourtant d’une immense cour, composée de proches, d’amis, de membres de sa famille, de collaborateurs, de personnels, la « Memphis Mafia », il affirme lui-même : « Parfois je suis très seul. Je suis seul en plein milieu de la foule ». Personne ne parvient à combler cette solitude, ni sa femme, ni celle qui lui succédera, pas davantage ses « millions de fans » ni tous ceux qui l’aiment.

La célébrité et la gloire de Presley sont évidemment responsables de son isolement, de « son existence de prisonnier ». L’immense amour dont il est l’objet le condamne à une vie d’ermite. Les fans à qui il a voué son existence sont les propres bourreaux malheureux du King. Cette solitude, rançon de la gloire, participe de la vocation d’Elvis, et est responsable, selon certains biographes, de la fin tragique du chanteur, « mort d’une overdose de solitude », comme le soulignent plusieurs de ses biographes[36].

Elvis Presley est également présenté comme un être parfaitement inadapté à un monde auquel il n’appartient pas réellement. Irresponsable, incapable d’autonomie, trop sensible, trop fragile, trop hors du commun, trop génial, trop extraordinaire, il ne peut évoluer normalement dans un monde ordinaire. Tour à tour enfant immature, infirme impotent, fou pathologique, il est pris en charge par une succession de tuteurs et tutrices, sa mère, son manager le « Colonel Parker », les membres de la Memphis Mafia, les femmes de sa vie… Cette inaptitude à la vie sociale apparaît notamment dans le portrait d’Elvis en enfant vulnérable et immature : « il a un besoin éperdu d’amour. Très souvent, il la cherche (sa maîtresse) dans le noir. Il lui demande d’agir comme sa mère. Il l’appelle maman, et elle le traite comme un enfant, presque comme un bébé. Elle l’aide à s’habiller et elle le fait manger. Comme sa mère l’aurait fait s’il était malade ».

Le mal-être, l’inaptitude au bonheur et l’incapacité à mener une vie sociale normale se traduisent par les nombreux accès de rage destructrice. Presley détruit voitures, postes de télévision, bijoux, guitares, chambres d’hôtel. Il constitue, armé de l’une de ses nombreuses armes, un véritable danger pour lui-même et pour ses proches. Ses colères sont indescriptibles et particulièrement spectaculaires. Elvis est alors parfaitement incontrôlable : « Il entrait dans des rages folles quand les choses ne marchaient pas comme il voulait. Il démolissait un plafond. Il tirait dans tous les coins ». Cette folie destructrice se retourne contre lui. Le thème de l’autodestruction est récurrent et largement développé dans le récit biographique. Les auteurs dressent le bilan dramatique d’une vie tout entière consacrée aux autres et véritablement sacrifiée. Ils évoquent « l’échec d’une vie personnelle » ou encore « une vie gâchée avant d’être vécue », « un long et douloureux suicide ».

L’archétype de la rock star

La légende de Van Gogh est devenue, explique N. Heinich, le mythe fondateur de l’artiste maudit, dont « la déchéance présente atteste la grandeur future en même temps qu’elle témoigne de la petitesse du monde (la société) coupable de ne pas le reconnaître ». On relit l’histoire de l’art à travers les motifs de l’incompréhension et du martyr et on découvre que l’œuvre d’art naît au prix de terribles souffrances, qu’il existe « une rupture fatale entre le génie et la société », responsable des malédictions qui s’abattent sur les artistes, de Van Gogh à Rembrandt, de Goya à Delacroix, de Toulouse-Lautrec, à Utrillo… Ce paradigme s’applique à l’histoire du rock dont Elvis Presley est le premier grand « maudit » (même si son « destin tragique » intervient après celui d’autres figures du rock). On retrouve, dans sa biographie, les motifs propres aux artistes maudits, incompréhension, persécution et rejet, sacrifice, isolement, mal-être, autodestruction, qui donnent corps aux dimensions tragique, pathétique, sacrificielle de l’existence, comme aux topiques (mélancolie, pauvreté, persécution) constitutives du malheur.

Les biographes transforment la vie de loisir de la star, dominée par la réussite, le succès, la gloire et la fortune (par ailleurs largement soulignés, documentés et illustrés), en une vie de souffrances et en un long calvaire parsemé d’épreuves.

Après le rejet et l’incompréhension coupable (injures, railleries, persécutions multiples, condamnations, autodafés, censures) d’une société injuste et aveugle, c’est le succès, la réussite, la fortune, l’adulation et la gloire qui sont causes du malheur et signes de la malédiction : « Il y a un vieux cliché qui parle du piège du succès, et il est possible qu’Elvis ne puisse y échapper. Artiste accompli, il est rongé par sa propre image, par l’étendue de son public, par la dimension de sa gloire, par la mystique de sa propre présence ».

C’est là une modernisation du motif du martyr opéré par le traitement biographique de Presley, qui meurt du trop-plein d’amour, de succès et de réussite, de gloire et de richesse. La bohème et le chemin de croix subissent également un changement significatif, avec pour décors les hôtels de luxe, les villas de millionnaires, renfermant pourtant la même souffrance. Le motif de l’isolement, propre au saint et à l’artiste maudit est lui aussi modernisé. La prison dorée, la cage de verre, le palais-prison (la demeure d’Elvis à Graceland) remplacent le lieu exigu, la grotte de l’ermite, la cellule de l’ascète. On y retrouve les mêmes souffrances, la même solitude tragique, les mêmes frustrations et dépressions. Les lunettes noires, les limousines aux vitres teintées, les gardes du corps sont autant de déclinaisons de cet exil forcé.

Avec la mise en récit de la vie de Presley s’élabore l’image archétypale et fondatrice de la rock star et plus globalement de la star « maudite ». Le « paradigme Presleyen » est appliqué à de nombreuses stars. En témoigne l’étude des biographies de Dalida, Edith Piaf, Claude François, Michael Jackson, James Dean, Marilyn Monroe, Diana Spencer…

L’« enfance sacrifiée » est un motif récurrent. Le jeune âge est présenté comme une période de souffrance, marqué par la misère affective, économique, sociale, psychique, comme si le destin fabuleux, le talent et les qualités exceptionnelles trouvaient leur source dans les blessures de l’enfance (solitude, abandon, perte d’un parent, mauvais traitement, pauvreté, misère…). De cette enfance misérable et malheureuse, les vedettes conservent blessures et séquelles qui ne cicatriseront jamais, et expliqueront vulnérabilité et complexes, désespoir et mal-être, quête effrénée d’amour et vocation.

Puis le martyr se poursuit, succès et misère affective, gloire et épreuves font de ces stars des héros et héroïnes de tragédie et de leur vie un long calvaire, un chemin de croix sans fin. Les drames et les tragédies, les épreuves et malheurs, les pertes et abandons se succèdent dans ces existences pathétiques, ponctuées de nombreux sacrifices et marquées par l’inaptitude au bonheur et à la vie sociale, par les addictions, les dépressions, les accidents, les conduites autodestructrices, les tentatives de suicide, ou les suicides, la combinaison d’un récit ascensionnel et d’une tragédie avec le sacrifice, l’autodestruction et la mort pour résolution… On retrouve, de façon presque systématique, les rejets, persécutions et condamnations d’un corps social coupable, le drame de l’isolement nécessaire et de la profonde solitude.

Depuis le suicide de Marilyn Monroe, en 1962, on sait la star insatisfaite et dépressive, habitée par un « tourment intérieur. Sa vie est une quête inassouvie, une errance dramatique. Avec James Dean, Marlon Brando, Marilyn ou Elvis, apparaissent les héros adolescents qui, devenus adultes, demeurent des « héros problématiques ». C’est dans la réussite sociale, mais dans « l’échec du vivre » qu’ils se détruisent ou se suicident, nous révélant la vanité de tout succès, la solitude que cache la gloire, le gouffre qui sépare le bonheur d’une vie de divertissements et de loisirs, nous invitant à relire les destins de stars comme autant de tragédies et de malédictions.

Après Presley, le motif du rejet et de l’incompréhension combiné au succès précoce et spectaculaire domine les récits de vie des vedettes de rock, de Little Richard aux États-Unis ou de Johnny Hallyday en France, des Rolling Stones aux sages Beatles, de Bowie aux punks, de Madonna à Prince, des groupes de hard rock, de « grunge », de rap, aux groupes de techno…

La malédiction résume les existences de ces stars, comme semblent l’attester les morts prématurées de tant d’entre elles. Je citerais, à titre d’exemple, entre de nombreux autres, Buddy Holly, Eddy Cochran à la fin des années 1950, plusieurs des représentants du triste club 27 qui rassemble ces rock stars mortes à l’âge de 27 ans (parmi lesquelles Robert Johnson, Brian Jones, Jim Morrison, Jimi Hendrix, Janis Joplin, puis Kurt Cobain, Amy Winehouse…) dans les années 1970, John Lennon, Sid Vicious (Sex Pistols), Bon Scott (AC/DC), Bob Marley, Ian Curtis (Joy Division), dans les années 1980, Michael Hutchence (INXS), Jeff Buckley, Tupac Shakur, Notorious Big, Freddie Mercury (Queen) ou Stevie Ray Vaughan dans les années 1990, ou plus récemment Michael Jackson et prince, jusqu’aux rappeurs des dernières années, qui incarnent le mieux à présent ces disparitions aussi tragiques que précoces (Marc Miller, Lil Peep, Aka, Juice Wrld, XXXTentacion, DMX, Prodigy, Nate Dogg…)

Plus que les disparitions précoces, ce sont les causes directes de nombre de ces décès qui paraissent témoigner de la malédiction dont souffrent les stars comme de leur martyr. Il s’agit en effet bien souvent d’actes d’autodestruction (excès d’alcool ou de drogue), ou de suicides, ou de plus en plus, avec les rappeurs, d’assassinats…


Ce texte est une synthèse remaniée d’un chapitre d’un ouvrage « Le culte Presley » publié aux PUF en 2003

Gabriel Segré, Maître de Conférences HDR, Sociologie de l'art, culture et médias, Université Paris Nanterre – Université Paris Lumières

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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Génération désenchantée : qui sont les fans de Mylène Farmer ?

Mylène Farmer en concert en septembre 2013. Flickr/Isabelle B., CC BY-ND
Marielle Toulze, Université Jean Monnet, Saint-Étienne et Arnaud Alessandrin, Université de Bordeaux

Qui sont les fans de Mylène Farmer ? Que traduisent leurs pratiques de fans ? Et que révèlent les grands succès de la chanteuse, comme « Désenchantée » ?

Notre ouvrage, Sociologie de Mylène Farmer (éditions Double Ponctuation), consacre une étude fouillée portant non seulement sur la chanteuse mais aussi sur ses fans. À travers des témoignages, une enquête statistique ainsi qu’une immersion lors de sa tournée « Nevermore », débutée à l’été 2023, nous pouvons aujourd’hui porter un regard sensible autant que scientifique sur 40 ans de carrière de la chanteuse la plus appréciée des français·e·s.

Génération X vs « Désenchantée »

Mylène Farmer sort « Désenchantée » en 1991. Les années 1990 imposent une nouvelle réalité : de la libre concurrence aux marchés financiers et à la libéralisation des biens et des cultures, des différentes crises économiques au chômage, du déclin du communisme et ses illusions perdues…

Ce single, « Désenchantée », pourtant, apparaît comme une bouffée de liberté plus qu’un fatalisme ; quelque chose qui parle à chacun d’entre nous. Plus de 800 000 exemplaires sont vendus. La chanson devient l’hymne de toute une génération : la génération X. Ce fameux X qu’elle reprendra sur des costumes dessinés par son ami Jean-Paul Gaultier.

Mylène et Jean Paul Gaultier.

Dans la chorégraphie de « Désenchantée », ce X – écarlate – sera brodé dans le dos des costumes de ses danseurs et danseuses. Le clip quasi monochrome s’inspire du ghetto de Varsovie. Il est tourné à Budapest. Comment ne pas songer à cet autre signe, l’étoile jaune, que tout un peuple a été obligé de porter pendant la Seconde Guerre mondiale ?

Un sentiment de colère partagé

Cette génération désenchantée entend aussi le pape Jean-Paul II déclarer que le VIH/sida est une punition divine en réponse à tous les péchés soi-disant commis par les minorités sexuelles. Sinead O’Connor décide alors de déchirer sa photo sur scène en signe de protestation.

Sinead O’Connor, 1992.

Palpite alors dans cette génération un sentiment de colère, une envie de crier, de tout envoyer en l’air comme elle le fait dans le clip « Désenchantée ». Renverser les tables, les chaises, l’ordre établi. Un effet miroir s’établit entre ce public pris dans la tourmente des années 90 et de ses multiples crises et ce clip qui revendique l’universalisme de la rébellion quand tout semble pourtant perdu.

C’est la génération Act-Up (association pour qui Mylène Farmer dessinera un tee-shirt en 2023), partagée entre l’engagement et la tentation du repli. Dans un monde où tout semble sens dessus dessous, est-ce que cela vaut vraiment la peine de se battre ? Et pour qui ? Pour quel prétendu gourou ou sauveur ? À cela elle répondra :

« Quand la raison s’effondre/À quel sein se vouer/Qui peut prétendre nous bercer dans son ventre ? »

Alors, s’enfuir… Mais pour aller où ? Mylène Farmer ne donne jamais à une réponse simpliste. L’horizon à la fin de du clip de la chanson n’est pas une ligne de fuite. Ciel et terre glacée s’emmêlent dans un gris neigeux.

Désenchantée, 18 mars 1991.

La neige est-elle vraiment un symbole de pureté (pas plus que les enfants qui l’entourent !) ou évoque-t-elle plutôt un monde stérile ? Elle le dit :

« Pourtant, je voudrais retrouver l’innocence/Mais rien n’a de sens, et rien ne va. »

L’innocence n’est pas permise pour toutes et tous. Elle est un luxe dans un monde où ne cessent de pleuvoir les désillusions.

Se construire comme fan

Dans son article intitulé « La France désirable », la journaliste Cécile Peltier écrit :

« Les chanteurs préférés des 18-24 ans s’appellent Aya Nakamura ou Gims quand leurs parents continuent de plébisciter Mylène Farmer. »

Ce constat n’est pas sans rappeler le profil d’âge de nos répondants et répondantes qui, massivement, sont entrés dans une « carrière » de fans dans les années 1980 et 1990. Les expériences des fans sont ainsi situées à la fois dans des contextes de vie subjectives et d’apprentissage des prescriptions faites à cette communauté (savoir reconnaître les chansons, les paroles, se renseigner sur l’artiste…).

Incontestablement, on ne se construit pas de la même façon en tant que fan de Mylène Farmer aujourd’hui et dans les années 1980.

Les témoignages recueillis dans le questionnaire attestent de ces parcours de fans à travers chaque décennie, comme en témoignent nos répondants :

« Dans les années 1980 ou 90, tu disais que tu étais fan de Mylène c’était directement être considéré comme “bizarre”, surtout pour un garçon. »

« Avant l’arrivée d’Internet, y’avait des magazines sur Mylène. J’étais abonné à L’"instant Mag" et à “Mylène Farmer Magazine”. C’était comme avant les sites et les applications de rencontre, on y passait des annonces pour échanger des objets ou pour rencontrer des fans. »

Selon les chiffres de notre enquête, les fans de Mylène Farmer appartiennent plus à des minorités de sexualité (50 % dans notre étude) que la moyenne des Français·e·s. On parle aussi d’un public certes paritaire en genre mais d’un public qui a vieilli avec l’artiste, et cela se retrouve dans ses modes de consommations musicales, bien plus portées sur des supports physiques, dans une période ou le streaming domine le marché de l’industrie musical.

Nostalgie, adolescence et communauté de fans

Mais Mylène est-elle présente pour tous les fans de la même façon, et de façon aussi centrale ?

Si, très massivement, les fans répondent que la chanteuse a été importante pour elles et eux (89 %), 11 % disent qu’elle n’est ou n’a pas été importante dans leur vie. Ces personnes sont d’ailleurs plus nombreuses à ne pas s’autoqualifier de « fans ». Elles sont aussi plus nettement hétérosexuelles que le reste des répondant·e·s et appartiennent quasi exclusivement à la catégorie des « cadres » ou des « professions intellectuelles supérieures ».

Quant aux fans qui témoignent de l’importance de Mylène Farmer dans leurs vies, ils ont très largement mis en avant la chanteuse en termes de « soutien » dans « des moments difficiles », à l’adolescence ou en référence à des souvenirs adolescents.

On lit dans ces témoignages que les chansons de Mylène Farmer sont des refuges émotionnels, en écho avec des instants de tristesse et qu’elles offrent des bulles de cognition (« En l’écoutant, je me retrouve »). Mais les instants de joie sont aussi mentionnés :

« J’ai fait mon coming-out et après je n’écoutais plus que du Mylène Farmer. »

« Ce sera la chanson d’ouverture de mon mariage en avril prochain. »

« Tu me mets “Sans contrefaçon” ou “Désenchantée” et je suis en transe. Depuis peu ça me fait ça avec “Oui mais non” aussi. »

Transmissions familiales

À parler de « génération », un dernier élément nous interpelle : quelques-uns des témoignages relatent l’importance des transmissions intergénérationnelles, des émotions partagées avec les enfants et les parents. La pratique des fans se communique :

« J’ai toujours écouté Mylène et ma mère n’en pouvait plus. Maintenant, je l’amène avec moi en concert et elle adore. Je suis tellement content de partager ça avec elle. »

Enfin, dans notre enquête, cette dimension sensible du rapport à la chanteuse s’est traduite sous forme de questions en lien avec les souvenirs ou les émotions qui connectent à Mylène Farmer.

Nous demandions d’abord quels mots décrivent le mieux la chanteuse selon ses fans. Des tendances nettes apparaissent. D’une part, des superlatifs : « majestueuse », « magnétique », « exceptionnelle », « incroyable ». On s’attendait à ce que ce champ lexical apparaisse. Mais loin des préjugés attribuant aux fans une série de comportements irrationnels, on observe que ces qualificatifs sont marginaux statistiquement. Majoritairement, on assiste à la constitution de deux ensembles de mots : ceux relatifs à l’attraction, au charisme ; et ceux relatifs au secret, au mystère et à la timidité.

Deux champs lexicaux supposément incompatibles mais qui nous donnent à voir des façons d’interpréter l’univers de la chanteuse d’une part, et le monde intime des fans d’autre part.

Sociologie de Mylène Farmer est sorti le 11 janvier 2024 aux éditions (Double ponctuation).

Puis, au centre des mots qui reviennent le plus souvent, le terme de « mystérieuse », qui revient non seulement sous la plume des journalistes mais également dans les qualificatifs des fans, aussi bien des hommes que des femmes, des homosexuel·le·s que des hétérosexuel·le·s.

Ce mystère fait l’artiste, qui joue littéralement de toutes les facettes possibles sans jamais chercher à en donner une lecture lisse et complètement cohérente. Son univers est multiple, il montre autant qu’il dissimule. Il réunit ce qui semble incompatible sans jamais les confondre. En somme, il est l’expression d’un rapport poïétique au monde : une énigme dont la réponse est sa propre énigme.

Marielle Toulze, Chercheuse en communication, Université Jean Monnet, Saint-Étienne et Arnaud Alessandrin, Sociologue, Université de Bordeaux

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.