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Bob Dylan, ou le parcours d’un entrepreneur-né

La carrière de Dylan repose sur son génie créatif, mais aussi sur des choix courageux et intuitifs. Sharon Mollerus
Marc Bidan, Auteurs historiques The Conversation France

Auteur, compositeur, musicien, écrivain, peintre : la légende de Dylan, qui vient de fêter ses 81 ans, est liée à la génération des baby-boomers qui le place parmi les cinq plus grands artistes du XX? siècle.

Sa longue carrière repose certes sur son génie créatif, mais aussi sur quelques choix courageux et intuitifs qui font de lui un entrepreneur au sens effectual – et non pas causal – du terme.

La théorie de l’effectuation appliquée à Bob Dylan

La théorie de l’effectuation casse le mythe de l’entrepreneur héroïque et montre son humanité, voire sa banalité.

La théorie libérale de l’effectuation et ses 5 principes, pensés par la chercheuse Saras Sarasvathy au terme d’une longue enquête de terrain auprès de 27 entrepreneurs à succès, a vu le jour en 2001.

Désormais, nombreux sont les articles académiques ou grand public qui s’y rapportent. Cette théorie a gagné de l’importance en sciences de gestion et dans l’entrepreneuriat grâce à son approche pragmatique.

Elle repose sur une inversion totale de l’approche causale et du modèle rationnel prédictif selon lequel les entrepreneurs seraient des super-héros, des êtres à part. On peut y voir un parallèle avec Dylan, tant les médias ont voulu en faire le héros de son temps. En 2016, dans une rare interview à CBS rapportée par Le Monde, il déclarait : « Si vous examinez les chansons, je ne pense pas que vous trouverez quoi que ce soit qui fasse de moi un porte-parole de qui que ce soit ».

Le malentendu est ancré dans l’histoire des années 1960 : un des titres phares de son 3e album fut enregistré en octobre 1963 – quelques jours avant l’assassinat à Dallas du président Kennedy – et l’album sortit en janvier 1964 – quelques semaines après la fameuse Marche sur Washington pour l’emploi et la liberté d’août 1963 – avec un hymne prémonitoire et mystérieux, « The times They Are A-Changin ».

Premier principe : « Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras »

En 1962, Dylan enregistre son premier album à New York et le sort sans qu’il soit vraiment « terminé ».

Selon la théorie de l’effectuation, l’entrepreneur qui essaie de résoudre un problème dans un environnement incertain – ici, sortir un premier album alors qu’il est inconnu – s’appuie sur 3 questionnements. Qui est-il ? Quels sont ses compétences et son savoir ? Et enfin : qui connaît-il ? (son réseau). Il exploite donc les seules ressources qui sont à sa disposition pour déterminer un but atteignable.

Ce principe, Bob Dylan l’illustre de façon assez fulgurante, enregistrant à New York en seulement trois sessions, en novembre 1961, ce qui sera son premier album – sans lui donner de titre – et qui sortira en mars 1962.

Il n’est sûr que de lui-même et de son talent pour reprendre les chansons folk traditionnelles. Il ne connaît personne, il n’a pas d’argent. La légende raconte que le disque – qui compte deux chansons originales et 11 reprises – a été enregistré pour 402 dollars. Il y glisse des adaptations – dont certaines sont largement inspirées de folksingers comme Dave Van Ronk sur

– et connaît un succès d’estime.

Mais qu’importe, un artiste-entrepreneur nommé Bob Dylan existe à partir de 1962. Il s’est fait connaître, il s’est trouvé un premier style vocal fondé sur l’expressivité brute et ses deux premières compositions l’installent comme un auteur original. L’album est publié et la carrière du « Zim errant » est lancée.

Second principe : « La perte acceptable »

Dans un environnement complexe, les entrepreneurs raisonneraient en

plutôt qu’en termes de retour sur investissement. Autrement dit, ils estiment la perte envisageable pour avancer plutôt que d’évaluer ce qu’ils sont en mesure (si tout se passe bien !) de gagner.

Bob Dylan va clairement illustrer ce principe au travers de la chanson

», sortie en 1965 dans son second album.

Figurant sur l’album Highway 61 Revisited, elle déroute par sa longueur inhabituelle (plus de 6 minutes) loin des standards des passages radio. Musicalement, elle peut se rapprocher d’une valse, son introduction « tape » fort, le volume de l’orgue est volontairement saturé, la guitare est outrageusement électrique. Son texte est issu d’un long poème de dix pages qui ne parle pas d’amour mais plutôt d’une vengeance, d’une déchéance et d’un mépris – une femme nommée Miss Lonely qui finalement se révélera libre et riche de sa légèreté retrouvée.

En 1965-1966 alors que Bob Dylan doutait de sa carrière et semblait déçu des attentes routinières de son public, cette chanson lui fait perdre bon nombre de fans de la première heure et prend le risque de choquer son auditoire. Mais cette perte qu’il est prêt à accepter relance une carrière qu’il était prêt à mettre entre parenthèses. Nous apprenons au travers du documentaire de Martin Scorsese No Direction Home que Dylan a été très affecté par l’accueil plus que timoré que lui faisait le public – habitué à ses morceaux plus folks et acoustiques – à l’époque où il lançait cette chanson. Là encore, peu importe, la chanson est propulsée et la perte est largement acceptable !

Troisième principe : « le patchwork fou »

Ce principe s’illustre au travers du rôle d’Alias joué par Dylan dans le western

en 1973. Ce personnage secondaire et mystérieux est assez peu mobilisé dans l’iconographie de l’artiste. Il va pourtant lui offrir l’opportunité de rencontrer une foule de talents nouveaux, d’artistes complémentaires, de se réinventer et même de composer une

En effet, l’effectuation – paradigme pragmatiste – montre que les entrepreneurs coopèrent entre eux. Ils vont même jusqu’à négocier avec les parties prenantes de leur écosystème dans l’espoir de faire avancer leur aventure entrepreneuriale. Ce principe du « patchwork fou » renvoie à une activité à forte dimension sociale, a priori loin d’un artiste décrit comme isolé et autocentré – voire insupportable.

Dans le cadre du tournage de ce western morose Dylan collecte, trie, classe et coud ensemble des éléments apportés par chacune des parties prenantes. Il ne cherche pas à devenir acteur de cinéma mais à rencontrer des personnalités artistiques nouvelles (Wurlitzer, Coburn et Peckinpah) à s’en inspirer. Cela lui permet ausside changer d’atmosphère et de se ressourcer après de longues tournées.

Sous le soleil du nouveau Mexique auprès d’autres talents, il retrouve une inspiration qui semblait alors le fuir : un patchwork fou !

Quatrième principe : « Tirer parti des surprises »

En 2016, Dylan reçoit le Prix Nobel de littérature. Dylan feint d’abord de snober la récompense puis prétexte « de précédents engagements » pour envoyer son amie Patti Smith le recevoir en son nom des mains du roi de Suède.

Dans ses travaux Saras Sarasvathy a noté que, bien souvent, les entrepreneurs qui ont déjà un peu d’expérience – c’est bien le cas de Dylan en 2016 – font

.

C’est particulièrement frappant dans le cas du Prix Nobel de littérature, surprenant pour le grand public, et même controversé chez les lettrés. Ce prix le propulse au firmament mais non sans quelques atermoiements. Peu importe là encore, la prestigieuse académie a bien récompensé un certain Robert Allen Zimmerman « pour avoir créé dans le cadre de la grande tradition de la musique américaine de nouveaux modes d’expression poétique. »

L’artiste est donc nobélisé pour sa contribution à dimension poétique. Il laisse passer l’orage et la controverse pendant deux longues semaines de silence puisinforme l’Académie qu’il accepte le prix. S’en suivent une série de malentendus. Son « prix Nobel de la muflerie » est néanmoins reçu en son nom et en chantant par son amie Patti Smith – émue et balbutiante – le 10 décembre 2016 : « J’ai choisi A Hard Rain’s A-Gonna Fall parce que c’est l’un de ses plus beaux morceaux. À sa maîtrise très rimbaldienne de la langue américaine, elle mêle une profonde compréhension des causes de la souffrance humaine, et au final de sa résilience », déclara-t-elle.

Cinquième principe : « Le pilote dans l’avion »

Pour illustrer ce dernier principe, citons le coup de maître que fut la parution du tout premier double album de l’histoire du rock. Son 7e album studio, Blonde On Blonde, sort le 16 mai 1966. Son ambition créatrice est en totale cohérence avec la grille de lecture effectuale de son aventure entrepreneuriale.

Saras Sarasvathy souligne avec ce 5e principe que les causaux mobilisent la plus grande partie de leur énergie lorsqu’ils tentent de définir à la fois l’objectif et le chemin pour arriver à leurs fins alors que les effectuaux vont mobiliser leur créativité pour accompagner l’incertitude et ouvrir l’univers des possibles de façon à ce que le projet se clarifie à mesure qu’il avance. Ce double album illustre cet « univers des possibles » et ouvre la voie à Exile on main street des Rolling Stones en 1972, à Physical Graffiti de Led Zepellin en 1975 ou à The Wall des Pink Floyd en 1979.

Bob Dylan, en 1966, fut « le pilote dans l’avion » en choisissant de conserver – malgré le coût annoncé – tous les enregistrements et de ne pas les couper ou les supprimer.

Il apparaît alors comme l’un des leaders d’une nouvelle identité musicale – blues rock – avec un positionnement encore plus éclectique, des guitares encore plus électriques et des textes encore plus poétiques. Il sait qu’il va perdre quelques fans de la première heure mais il a compris qu’il en gagnerait d’autres en s’éloignant d’un rôle de porte-parole qu’il réfute. Tout dans cet album est créatif et volontariste, à commencer par la pochette qui le montre légèrement flou et peu avenant. Peu importe là encore, c’est lui le pilote et même la pochette intérieure qui montre sans permission l’actrice Claudia Cardinale est de son fait.

Le pilotage assumé de ce double album se niche aussi dans les titres. Ils durent de 4 à 7 minutes excepté un titre unique et de longue durée « Sad Eyed Lady of the Lowlands » ce qui était rarissime à l’époque dans ce secteur musical. Bizarrement, il n’y a quasiment pas d’image de la genèse de Blonde on Blonde qui sera classé parmi les 10 plus grands album de tous les temps. Le pilote d’un avion sans trace !

Marc Bidan, Directeur du laboratoire LEMNA - Professeur en Management des systèmes d’information - Polytech Nantes, Auteurs historiques The Conversation France

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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Louis Maurice Boutet de Monvel, avec accompagnements. de Ch. M. Widor, Vieilles Chansons. et danses pour les petits enfants, Paris, Plon, 1931 – (inv. 1978.07083) Musée national de l'Education, exposition Eh bien chantez maintenant

Chansons pour enfants : histoire d’un répertoire

Louis Maurice Boutet de Monvel, avec accompagnements. de Ch. M. Widor, Vieilles Chansons. et danses pour les petits enfants, Paris, Plon, 1931 – (inv. 1978.07083) Musée national de l'Education, exposition Eh bien chantez maintenant
Michel Manson, Université Sorbonne Paris Nord

Les chansons, comme les contes, appartiennent à une tradition orale caractéristique d’une culture dite « populaire », désignant en fait le mode de vie et de pensée des sociétés traditionnelles, essentiellement rurales. La transmission orale des contes et des chansons permet leur perpétuelle transformation. En les fixant par écrit, on les fige. S’adressant à tous les âges et aux deux sexes, les contes ont fini par s’intégrer dans une culture enfantine qui les a remodelés à son usage et transformés en livres pour enfants, avec des illustrations et des mises en scène éditoriales.

La même chose se produit pour les chansons, mais avec un décalage chronologique. Alors que le processus s’est amorcé dès la fin du XVIIe siècle pour les contes, il ne se met en marche qu’au XIXe siècle pour les chansons. Examiner ce patrimoine vivant depuis deux siècles, tel est le but de l’exposition Eh bien, chantez maintenant ! qui ouvre le 4 juin 2022 au Musée national de l’Éducation (Munaé) à Rouen.

Une histoire complexe

L’histoire de cette « acculturation » qui fait entrer certaines chansons populaires dans la culture enfantine et dans les livres pour enfants au prix d’un certain nombre de transformations, est une histoire complexe, en partie parce que le mot « chanson » désigne des textes accompagnés de musique, de natures très différentes, de la berceuse à la comptine, de la formulette rythmée à la ronde et à la chanson proprement dite.

Berceuses et formulettes existent depuis l’Antiquité, mais l’histoire qui nous intéresse devient perceptible au XVIIIe siècle par l’appropriation de certaines chansons par les enfants eux-mêmes. Ainsi, arrivant à Avignon en 1761, le compagnon vitrier Ménétra entonne, sur le pont lui-même, Sur le Pont d’Avignon que son parrain lui chantait lorsqu’il était enfant.

Sur le pont d’Avignon, n° 1513, vers 1920. Frise imprimée (27,5 cm x 69,7 cm) – (inv. 2010.05952.1). Exposition sur les chansons au Musée national de l’Éducation

Un répertoire privilégié, constitué dès l’Ancien Régime, va se compléter par des chansons nouvelles, comme La mère Michèle, apparue vers 1810, comme nous avons pu le montrer. L’existence de ce répertoire est connue des éducateurs et en particulier de ceux qui s’intéressent à la culture ludique enfantine et publient des recueils de jeux d’enfants, avec les rondes enfantines.

C’est ainsi que la tradition orale commence à se figer par la publication. Mais tout un travail d’adaptation à l’enfance va s’effectuer jusqu’aux années 1870 sur les textes, les musiques, leur accompagnement et les illustrations.

Les premières éditions de chansons enfantines

Des recueils de jeux d’enfants publient des chansons de rondes : en 1827 celui de Mme Celnart, Manuel complet des jeux de société, en donne 24, son édition de 1867, 44. Mme de Chabreul, dans ses Jeux et exercices des jeunes filles (1856) en fait connaître 28. On y reconnaît Nous n’irons plus au bois, Il était une bergère, Compagnons de la marjolaine, Le furet du bois joli, mais les plus connues ont été publiées en 1846 par Dumersan, dans le premier recueil français de Chansons et rondes enfantines. Sur les 29 chansons qu’il donne, la moitié était encore chantée après la Deuxième Guerre mondiale.

À son époque, on commence aussi à publier des chants pour les salles d’asile (Chevreau-Lemercier, 1845 ; Pape-Carpentier, 1849) qui accueillent les jeunes enfants, mais les emprunts à la culture populaire sont peu nombreux : il s’agit de forger une culture scolaire. Au même moment, des professeurs de musique publient aussi des recueils pour les enfants (de Haller, 1844), mais l’un d’eux, Lebouc, fait en 1860 des arrangements faciles pour un répertoire de chansons enfantines qui s’est transmis jusqu’à nous.

Dans l’imagerie populaire, par exemple chez Pellerin à Épinal, des chansons de ce répertoire sont publiées, avec une image par chanson ou en planches de douze cases. Dans toutes ces premières éditions de chansons de 1820 à 1860, il ne s’agissait pas encore de « vrais » livres pour enfants, édités par les professionnels de la littérature enfantine, imagés par des illustrateurs pour enfants.

Adolph Tidemand (attribué à), Grand-mère et petit-fils ou Ronde au son du violon, vers 1840. Huile sur toile (36 cm x 45 cm) – (inv. 2019.11.1). Musée national de l’éducation, Eh bien, chantez maintenant

Les premières tentatives s’effectuent dans les périodiques pour la jeunesse. Ainsi, Hachette, dans La Semaine des Enfants publie, de 1857 à 1873, des chansons illustrées par Castelli. Elles sont rassemblées en un volume publié en 1876, avec la musique arrangée par Verrimst, mais toutes ne sont pas adaptées pour les enfants.

La seconde tentative est celle de Hetzel qui publie une collection, Rondes et chansons de l’enfance, de 14 albums illustrés par Froelich, de 1875 à 1883, un par chanson. Mais l’entreprise est gâchée par de Gramont, qui réécrit les chansons traditionnelles d’une façon peu crédible, souvent ridicule, et même les images de Froelich, transformant l’univers adulte populaire en personnages enfantins (le roi Dagobert en petit garçon en chemise !), ne réussissent pas toujours à convaincre.

Cependant, il faut noter cette volonté de faire pénétrer les chansons dans la culture enfantine en les transformant en album, où l’image prend la place principale, et en retravaillant le texte. La musique n’est pas imprimée, ce qui implique qu’on se repose sur les airs traditionnels connus de tous, et qu’on ne cherche pas à faire l’éducation musicale des enfants lecteurs.

Le bouleversement de l’illustration

Boutet de Monvel a bouleversé l’illustration de livres pour enfants, utilisant la ligne claire et le symbolisme des couleurs. Il va travailler la mise en page des chansons enfantines, « créant une ambiance et un monde dans lequel les enfants pénètrent sans difficulté » (Cousin, 1988).

Il s’exerce dès 1881 dans le périodique Saint Nicolas, Journal illustré pour garçons et filles, où il pressent l’intérêt de la double page, avant de publier deux albums : Vieilles chansons et rondes pour les petits enfants (1883) avec Widor pour la musique, puis Chansons de France pour les petits Français (1884) avec Weckerlin pour la musique.

Travail d’élève, À la volette, cahier de poésies, école primaire de filles de Frouard (Meurthe-et-Moselle), 1936 – (inv. 1979.37315.1). Musée national de l’Éducation, exposition Eh bien, chantez maintenant

Mettre en image musique et textes qui appartiennent à des genres différents (récits, additions de séquences similaires, formes dialoguées) nécessite de varier les dimensions de l’image (page simple ou double page), d’unir graphiquement texte encadré et image, de construire des lignes répondant à celles des portées de musique. Il utilise souvent le cadre de l’espace-texte comme sol-surface, ce qui unit non seulement les espaces texte et image, mais aussi fait comprendre que les personnages sont nés des paroles de la chanson.

Ces personnages sont des enfants spectateurs, auditeurs ou acteurs des chansons, parfois déguisés en adultes. Son travail d’aplat permet d’évacuer le réel dont il supprime la violence et la guerre.

Il met la musique en images, en représentant des situations musicales ou en la transposant graphiquement avec « des rythmes et des variations plastiques homologues aux rythmes et aux variations musicales » (Nières-Chevrel, 1997). Ainsi, Boutet de Monvel répond pleinement au défi de faire passer les chansons enfantines de la forme orale au livre pour enfants.

L’essor des chansons scolaires

Sous la IIIe République, les chansons scolaires vont prendre un important essor, en particulier avec les recueils de Bouchor (quatre volumes de 1895 à 1911, un après la guerre), qui firent bientôt partie de la culture scolaire. Elles transmettent des leçons de morale, font l’éloge des grandes vertus et font peu appel à l’imaginaire enfantin.

Par contre, les folkloristes multiplient les enquêtes et les collectes (Rolland, 1883), et même le musicien Weckerlin, qui avait publié l’album avec Boutet de Monvel, dit avoir collecté à Paris et dans toutes les provinces la centaine de chansons qu’il publie en deux volumes, en 1886 et 1889, illustrées par plusieurs artistes renommés.

Pour les albums, il faut attendre les années 1930 pour que des illustrateurs nouveaux s’attaquent à renouveler l’univers graphique des chansons enfantines : Franc-Nohain, Minost, Ivanovsky illustrant les chansons de Vérité.

Tous sont réédités dans les années 1940 et 1950, suivis par les albums de comptines pour les plus petits, initiés par le recueil de Roy en 1926, qui vont marquer une étape nouvelle dans la construction d’un répertoire de livres chantés pour les enfants.

Michel Manson, Historien, professeur émérite en sciences de l'éducation, Université Sorbonne Paris Nord

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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Les musiciens ont-ils un meilleur accent quand ils parlent une langue étrangère ?

Grégory Miras, Université de Rouen Normandie

Trois cent soixante morceaux de trois minutes (soit 18,4 heures), c’est le temps d'écoute hebdomadaire de musique des 16-64 ans révélé, en 2021, par un rapport de l’IFPI (International Federation of the Phonographic Industry). L’humain est un être sensible, mélomane, et l’apparition de la musique, tout autant que celle de la parole, a été déterminante dans la construction des sociétés. La proximité de la musique et de la parole incitent à penser qu’être musicien aide à l’apprentissage des langues étrangères ou à la maîtrise des accents.

Mais qu’en est-il réellement ?

Ce que l’on sait sur les liens entre musique et parole

Considérer les liens entre musique et parole, c’est partir du principe que ce sont deux activités humaines partiellement interconnectées (le chant ou les langues sifflées, par exemple) qui mobilisent l’ensemble des organes nécessaires à la production et la perception des vibrations sonores et à leur traitement cognitif.

La compréhension des interactions entre musique et parole s’est accrue, depuis plusieurs années, avec le développement de l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) qui a permis de mesurer les activités cérébrales en temps réel et dans l’action. Des chercheurs comme Aniruddh D. Patel, ont largement étudié ces interactions à différents niveaux.

Un consensus de chercheurs, suivant les travaux d’Isabelle Peretz et ses collègues, tend à démontrer un chevauchement neuronal et une réparabilité dans le traitement de la musique et de la parole qui n’impliquent pas nécessairement un partage neuronal. Cela signifie qu’il existe des zones cérébrales activées par les processus de traitement dédiés à la musique et à la parole sans pouvoir déterminer de manière définitive si des zones traitent de façon indifférenciée ces deux activités. Certains auteurs avancent que ce partage neuronal pourrait se faire au niveau de la syntaxe – un réseau de neurones dédié à la gestion du traitement temporel des unités sonores qui ont du sens (musical ou discursif).

Plus concrètement, des chercheurs de l’Institut de neurosciences cognitives de la Méditerranée ont mis en évidence le fait qu’un entraînement musical peut avoir des répercussions positives sur le traitement de certaines unités sonores sur la langue première des individus. D’autres ont pu témoigner d’effets similaires dans le cas des autres langues apprises.

Aussi, la littérature scientifique sur le sujet semble confirmer l’hypothèse selon laquelle l’entraînement musical a des effets sur la capacité auditive non-exclusivement dédiée à la musique.

Qu’est-ce qu’un musicien ?

Le portail lexical du Centre national de ressources textuelles et lexicales définit le musicien comme « celui qui s’adonne à la musique, dont la profession est d’exécuter ou de composer de la musique » voire toute personne « qui a des dispositions pour la musique ». Ces dispositions pourront concerner le chant – mobilisant les mêmes organes de la phonation que la parole ; ou la pratique instrumentale. Sur la question des liens entre musique et parole, définir ce qu’est un musicien revient à se demander comment son expertise peut influencer le traitement des unités de la parole.

On reconnaît que tout expert, dans une pratique donnée, développe des compétences spécifiques soutenues par des activations cérébrales spécialisées. Ces spécialisations se retrouvent, par exemple, au niveau des aires motrices dédiées à la gestion des mouvements particuliers liés à la pratique d’un instrument.

Le journaliste Malcolm Gladwell avance que ces changements ne seraient effectifs qu’après 10 000 heures de pratique. Cette hypothèse reste largement contestée par les spécialistes du domaine au regard de la complexité des phénomènes mis en jeu.

Dans leur Symphonie neurale, deux chercheurs – Emmanuel Bigand et Barbara Tillmann, précisent que les experts musiciens ont de meilleures capacités à traiter l’information acoustique élémentaire du son musical (la hauteur, l’intensité, etc.) mais lorsqu’il s’agit de comparer des structures musicales plus complexes, la perception des experts et non-experts est proche.

À ce titre, il semble important de noter que la grande majorité des non-experts sont des auditeurs experts puisqu’ils sont de très grands consommateurs de musique. Emmanuel Bigand, professeur en psychologie cognitive, considère que les changements cérébraux opérés par l’expertise musicale sont réduits. En effet, l’écoute régulière et implicite de la musique réduit d’autant la distance qu’il existe entre les musiciens experts et les auditeurs experts (qui ne pratiquent pas d’un instrument). Toutefois, les auditeurs experts ont des ressources moins sophistiquées pour expliciter leurs analyses musicales et les musiciens possèdent des capacités métacognitives supplémentaires pour soutenir cette analyse.

Les musiciens ont-ils un avantage pour l’accent en langues étrangères ?

Considérant qu’il existe des liens entre musique et parole mais également que l’écoute ou la pratique de la musique influencent la capacité de traitement des unités sonores, les musiciens ont-ils des facilités quand il s’agit de l’accent en langues étrangères ?

Les études menées sur le sujet montrent que les musiciens ont bel et bien des capacités accrues de traitement des unités primaires des sons ; ils sont capables de mieux traiter des informations de bas niveau (être capable de discriminer la différence de durée entre deux sons) mais cet avantage se voit réduit quand il s’agit de traitements de plus haut niveau (identifier une mélodie, catégoriser un son). Sur les liens musique-parole, c’est ce qu’ont montré deux chercheuses en considérant que les locuteurs sinophones (mandarin) discriminent mieux les mélodies musicales mais les identifient moins bien que des locuteurs anglophones malgré le fait que ces premiers maîtrisent une langue à tons. Toutefois, la pratique musicale semble donner un avantage sur la capacité à imiter un accent - l'imitation étant une activité spécifique.

Parler en langue étrangère demande, de la part des individus, de gérer toute la complexité du langage humain (production de sons, adaptation interactionnelle, gestion des émotions, etc.). Aussi, si les musiciens peuvent avoir un certain avantage sur le traitement processuel de bas niveau des unités de la parole, cet avantage est largement réduit au regard des compétences des auditeurs experts de la musique mais aussi d’autres éléments langagiers qui rentrent en jeu dans la performance orale (insécurité linguistique, légitimité, etc.).

On signalera cependant que la pratique musicale peut permettre de développer de nombreuses compétences transférables à l’apprentissage des langues étrangères : l’oralité, la gestion du souffle et des émotions, l’expression d’intention, l’hygiène vocale, la mémorisation – comme autant d’outils au profit de l’interprétation.

Si les musiciens ne tirent pas directement profit pour leur accent de leur expertise musicale, on peut toujours leur recommander de chanter pour en limiter la perception (s’ils le souhaitent !). C’est ce que montrent plusieurs études sur le sujet. En effet, certains marqueurs de l’accent sont moins perceptibles en chanson puisqu’ils entrent en confrontation avec certaines contraintes de la mélodie. À vos karaokés !

Grégory Miras, Maitre de conférences en didactique des langues et prononciation, Université de Rouen Normandie

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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