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L’avenir des médias et de l’influence repose-t-il sur les newsletters ?

Les newsletters, une stratégie payante pour les médias?
Ali Ahmadi, Université de Tours

Faites-vous partie des abonnés aux newsletters proposées par Le Monde, Les Echos, ou The Conversation ? Ces envois réguliers par mail – quotidiens, hebdomadaires ou mensuels – ne se limitent pas à une simple transmission périodique d’informations, mais correspondent à une stratégie de diffusion de l’information, dans un contexte où il est de plus en plus difficile de capter et de retenir l’attention.

Sur les réseaux sociaux, les préférences des utilisateurs sont en constante évolution. Sursollicités, ils expriment une forme de lassitude. Au fil du temps, l’attention du public se fait de plus en plus rare et précieuse, en raison de la concurrence permanente des réseaux sociaux, qui contribuent à brouiller la frontière entre les journalistes et les influenceurs. Les algorithmes orchestrent les préférences et régulent l’accès aux articles produits par les médias et aux autres contenus. Dès lors, malgré un grand nombre d’abonnés à sa page Facebook ou de followers sur Instagram, aucun média ne peut s’assurer de la visibilité et de la lecture effective de ses articles, même lorsque les lecteurs ont manifesté de l’intérêt en « likant » la page.

Le retour en force des newsletters

Dans ce contexte, les nouvelles entreprises médiatiques exclusivement numériques (les pure players) ont compris l’intérêt des newsletters, qui font un retour en force avec quelques améliorations par rapport à leurs versions précédentes des années 2000.

Selon Nic Newman, auteur du rapport de 2024 de Reuters et de l’Université d’Oxford sur l’avenir et la consommation des médias, l’essor croissant de l’usage des appareils mobiles joue un rôle déterminant dans le regain de popularité des newsletters par e-mail. Au sein de cette enquête, 77 % des auteurs interrogés déclarent leur intention de renforcer leurs efforts dans le développement de liens directs avec les consommateurs à travers des sites web, des applications, des newsletters et des podcasts.

Selon une enquête menée en 2023 auprès de spécialistes du marketing, l’envoi de newsletters est l’un des principaux usages des campagnes par e-mail, juste après la sensibilisation aux produits et les promotions.

Considérées comme un outil puissant par les médias qui les utilisent, les plates-formes qui permettent d’envoyer des newsletters comme Mailjet, Sarbacane, Brevo et Mailchimp offrent un moyen direct et efficace de communication avec les abonnés, permettant une large diffusion d’informations, fidélisation de l’audience et création d’une communauté. L’e-mail garantit une relation continue et permet d’afficher un bouton « répondre » ; il offre des opportunités qui contribuent à réduire la distance entre l’auteur et le lecteur.

La personnalisation, la fréquence d’envoi et la valeur ajoutée du contenu sont des éléments clés pour le succès d’une newsletter. Écrivains, journalistes et créateurs de contenu l’ont bien compris et utilisent beaucoup Substack, une application américaine.

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En France, il existe un équivalent : Kessel Media, une start-up créée en juin 2022 pour aider les créateurs de contenu à se développer et à générer des revenus. Sur cette application, les contributeurs restent propriétaires de leur newsletter et de leur liste d’abonnés, rejoignant une communauté d’auteurs prêts à échanger des conseils et à s’entraider.

Ces newsletters indépendantes sont rédigées par des individus qui se concentrent sur des niches spécifiques dont ils ont une expertise approfondie. Citons parmi les plus populaires Hugo Clément (« actualité écolo et culturelle »), Louise Aubery (influenceuse qui prône l’acceptation de soi) ou encore Rose Lamy (sexisme ordinaire dans les médias). Ils proposent des idées, des analyses et des commentaires ciblés qui arrivent directement dans la boîte de réception des abonnés, selon une fréquence régulière, généralement hebdomadaire ou mensuelle, et proposent différentes formules d’abonnement (payant, gratuit, ou mixte).

Personnaliser son offre

Les études montrent que les organisations médiatiques grand public, en France et ailleurs, ont réaffecté une part de leurs ressources vers la création de newsletters dans le but d’élargir leur base d’abonnés, de fidéliser leur audience actuelle et d’incorporer davantage de personnalisation dans leurs offres numériques.

Les médias ont compris l’importance de rester directement connectés à leurs lecteurs, à l’instar du New York Times. Côté lecteurs, il peut être difficile de trouver des informations fiables et des analyses pertinentes parmi la multitude d’informations disponibles. C’est pourquoi, pour favoriser ses abonnés, le journal américain a migré en 2021 des newsletters gratuites vers des contenus exclusivement réservés aux abonnés.

Toutefois, la newsletter « The Morning », très appréciée, reste gratuite, probablement pour continuer d’attirer de potentiels abonnés. Emboîtant le pas au New York Times, des auteurs de renom se tournent depuis 2021 vers des plates-formes de newsletter et les médias s’orientent vers un contenu plus axé sur le destinataire. En recevant des newsletters, les lecteurs n’ont plus besoin de consulter régulièrement un site web pour découvrir de nouveaux articles : les actualités leur parviennent directement dans leur boîte de réception. Les interactions entre auteurs et lecteurs dans le cadre des newsletters établissent alors des relations parasociales, créant une connexion directe et personnelle qui influe sur la nature et le contenu des newsletters.

D’après l’enquête menée par Reuters et l’Université d’Oxford, qui couvre 56 pays et territoires, dans un scénario optimiste, les producteurs de newsletters envisagent une ère où leur dépendance envers les géants de la technologie serait moindre, et où ils établiraient de plus en plus de relations plus directes avec leurs abonnés fidèles. La chute significative du trafic de référence en provenance de Facebook et de X (anciennement Twitter) réduit progressivement les flux d’audience vers les sites d’actualités établis et accroît la pression sur leur rentabilité.

Néanmoins, ces stratégies risquent de marginaliser les médias et les influenceurs en compliquant l’accès à des utilisateurs plus jeunes et moins éduqués, nombre d’entre eux étant déjà familiarisés avec les actualités générées de manière algorithmique et ayant des liens plus faibles avec les médias traditionnels.

Il est donc indispensable d’adopter une stratégie de diffusion de l’information inclusive et diversifiée, tout en maintenant une veille active sur les réseaux sociaux où les jeunes sont plus présents (Instagram ; Snapchat et TikTok).

Ali Ahmadi, Enseignant-chercheur, spécialiste des plateformes numériques, Université de Tours

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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Cinéma, littérature… est-ce la fin du mythe de Pygmalion ?

Dans « Pauvres créatures », Bella inverse les rôles. Allociné
Sandrine Aragon, Sorbonne Université

L’intervention de

nous a rappelé que la « femme enfant » que l’homme rêve de modeler est un sujet puissant de fantasmes masculins, qui a emmené beaucoup de « petits chaperons rouges », comme elle dit, vers la désolation.

La création d’une femme idéale par des hommes est aussi au cœur du film Pauvres créatures, lion d’or à la Mostra de Venise, 11 fois nominé aux oscars. Il est adapté du roman de science-fiction de l’écossais Alasdair Gray. Le réalisateur Yorgos Lanthimos y évoque le fantasme de la création de la « femme idéale » en mêlant réalisme et onirisme, à l’instar de Buñuel, qu’il admire. L’héroïne Bella Baxter, interprétée magistralement par Emma Stone, éblouit avec ses fabuleux costumes signés Holly Waddington.

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La jeune femme est ramenée à la vie par le Dr Godwin Baxter, dit « God » (Willem Dafoe), « dieu » aux allures de Frankenstein, qui a récupéré son corps après qu’elle se soit jetée d’un pont, enceinte, puis lui a greffé le cerveau de son propre bébé. Son « créateur » comme son disciple, le Dr Max McCandles (Ramy Youssef) suivent amoureusement ses progrès fulgurants jusqu’à ce qu’elle s’enfuie avec un séducteur, Duncan Wedderburn (Mark Ruffalo).

Alors commence son odyssée européenne, un « grand tour » de formation, une tradition chez les aristocrates anglais du XVIe au XVIIIe siècles.

Ce film nous plonge dans une nouvelle version de Pygmalion, mythe qui n’en finit pas d’inspirer la littérature comme le cinéma, avec une influence telle, qu’il sert même de justification dans les défenses des réalisateurs accusés d’emprise sur mineures,

« Et l’homme créa la femme »

Pygmalion, dans Les Métamorphoses d’Ovide (243-297), est un sculpteur chypriote qui tombe amoureux de la statue qu’il a créée, Galatée,à laquelle Aphrodite donne vie. Pygmalion s’est désintéressé des femmes chypriotes, les Propétides, qu’il juge impudiques, trop libres. Elles sont associées à des sorcières, ou des prostituées, par opposition à la pureté et la fidélité de la création idéalisée de l’homme : Galatée.

« Parce que Pygmalion avait vu ces femmes passer leur vie dans le crime, outré par ces vices dont la nature a doté en très grand nombre l’esprit féminin, célibataire, il vivait sans épouse, et depuis longtemps, il lui manquait une compagne pour partager sa couche.

Dans le même temps, il sculpta avec bonheur l’ivoire immaculé avec un art remarquable et donna corps à une beauté à nulle autre pareille ; il conçut de l’amour pour son œuvre. En effet, celle-ci a l’apparence d’une vraie jeune fille que l’on croirait vivante et si la pudeur ne s’y opposait, prête à bouger ; tant l’art s’efface à force d’art. »

Jean-Léon Gérôme, Pygmalion et Galatée, vers1890. Wikimedia

Au fil de l’histoire, sculpteurs, peintres, auteurs, puis cinéastes se sont emparés du mythe.

L’amour narcissique de l’artiste pour sa création est au cœur de la fable de La Fontaine : « Le statuaire et la statue de Jupiter » qui évoque Pygmalion et sa passion quasi incestueuse :

« Pygmalion devint l’amant/De la Vénus dont il fut père ».

Dans Le Chef d’œuvre Inconnu, Balzac décrit en 1831 Frenhofer, artiste désireux de produire un portrait parfait de femme, passionné par sa création, au point d’en devenir fou :

« Ah ! Ah ! s’écria-t-il. Vous ne vous attendiez pas à tant de perfection ! Vous êtes devant une femme et vous cherchez un tableau. […] Voilà les formes mêmes d’une jeune fille. »

Ces versions décrivent l’amour de l’art dans sa forme absolue, idéalisée.

Mais créer une femme parfaite, selon ses goûts, est aussi un rêve suprême de domination masculine. Au XVIIe, dans l’École des Femmes de Molière (1662), Arnolphe, de peur d’être cocu, maintient la jeune Agnès sans éducation, afin d’épouser une femme innocente. Au XVIIIe, Rousseau écrit une pièce intitulée Pygmalion(1762), et dans Emile et Sophie il décrit la compagne parfaite d’Emile comme celle dont l’esprit restera une terre vierge que son mari ensemencera à sa guise. Au XIXe, l’artiste de Daudet dans Le Malentendu choisit une femme sans culture pour l’instruire selon ses goûts…

La pièce de Georges Bernard Shaw Pygmalion(1914), adaptée au cinéma par Leslie Howard sous le même titre en 1938, a donné My Fair Lady de George Cukor avec Audrey Hedburn, récompensé par huit oscars en 1965. Dans ce film, deux lords entreprennent de transformer une vendeuse de fleurs en lady, en lui enseignant à parler de manière raffinée. Dans Maudite Aphrodite de Woody Allen (1995), le héros tente de faire de la mère génétique de son fils adoptif – une prostituée actrice de porno – une mère honorable.

Dans le droit fil du mythe de Pygmalion, bien des héros de cinéma cultivent ce rêve de transformer une femme selon leurs désirs, de créer une « pretty woman » soumise à leur bon vouloir.

Dans le film de Lanthimos, Bella Baxter est objectifiée par le regard de son créateur, de son fiancé, de son amant Duncan et de son ancien mari (le cadrage en œil de bœuf met en scène ces regards des hommes fixés sur elle, le fameux “male gaze”). Chacun tente de retenir les élans de Bella vers la liberté : son père créateur l’enferme tout d’abord comme ses autres animaux greffés (tout droit sortis de l’Ile du Docteur Moreau d’Orwell. Il se justifie : « c’est une expérience, et je dois contrôler les résultats ».

Le processus créatif autorise la domination, du scientifique comme de l’artiste, jusqu’à l’abus.

Cependant, il l’aime en père généreux, non en amant, et il accepte son départ. Ne lui a-t-il pas raconté que ses parents étaient des explorateurs ? A partir de là, elle part explorer le vaste monde et la vie en noir et blanc de Bella passe en couleurs ; la caméra suit désormais le regard de l’héroïne dans son périple éducatif. Bella mène la danse de façon endiablée, et s’affranchit de la domination masculine.

Inversion des rôles

Désormais la parole est à Galatée et non plus à Pygmalion. Déjà, l’artiste belge Paul Delvaux inversait les rôles, en peignant une femme amoureuse d’un buste d’homme en 1939, dans une veine surréaliste. Aujourd’hui, le mythe est revisité dans la fiction (romans, films) en se focalisant sur celle qui était jusqu’alors réduite au rôle de « femme objet » ; Galatée, à l’ère de #MeToo, prend enfin la parole.

Madeline Miller, autrice à succès du Chant d’Achille, lui redonne une voix dans sa nouvelle Galatée (2021) : l’héroïne éponyme fuit la maison où elle est enfermée avec sa fille et s’adresse à son créateur comme à un geôlier détesté. Dans Pauvres créatures, Bella, comme Agnès dans l’École des femmes, est consciente de ses lacunes et a soif de connaissances. Son éducation passe par le voyage, la lecture et la philosophie avec son amie Martha, l’éveil à la conscience politique avec sa compagne prostituée Toinette, mais surtout l’exploration de la sexualité.

Longtemps, on a relié la curiosité intellectuelle des femmes à l’immoralité et au libertinage. Au XVIIe, dans sa fable « Comment l’esprit vient aux filles », La Fontaine associe la découverte de la sexualité à la formation de l’esprit féminin, dans une veine gaillarde. Au XVIIIe, l’éveil philosophique et sexuel des femmes vont de pair dans les œuvres libertines de Thérèse Philosophe (Boyer d’Argens) à celles de Sade,en passant par Mme de Merteuil dans Les liaisons dangereuses, on s’instruit dans les boudoirs.

Liberté d’expression et liberté sexuelle

Aujourd’hui, il s’agit de revendiquer une nouvelle façon d’être femme, libre dans sa sexualité, comme dans ses propos. À l’instar de Virginie Despentes,dans King Kong Theorie, Bella parle crûment, elle analyse tout avec une logique sans filtre et refuse les termes convenus que tente de lui imposer Duncan lors d’un dîner mondain. Elle réfute « la pensée straight » avec ses conventions sociales et ses interdits, comme parler de sexe à table. Ovide semble avoir laissé place à Ovidie, l’autrice de Baiser après #MeToo. Lettres à nos amants foireux lorsque Bella commente les prestations de ses amants.

Héritière de Belle de jour, l’héroïne du roman de Kessel (1928), adapté par [Luis Buñuel avec Catherine Deneuve,] Bella choisit également de

. Rappelons que Belle de jour, Mme Bovary du XX? siècle, ne trouvait un espace de liberté dans son mariage bourgeois qu’en se donnant l’après-midi à des hommes, selon des codes masochistes.

Pour Bella, qui n’est pas enfermée dans les contraintes du mariage, la prostitution est un moyen d’apprendre à mieux connaître le monde et les hommes, en étant autonome financièrement. Elle impose des règles à ses clients (se parfumer, lui raconter un souvenir d’enfance). Elle se décrit comme « son propre outil de production » dans un vocabulaire appris à ses réunions socialistes avec son amante, Toinette. Elle finit par choisir sa destinée : elle opte pour la chirurgie – comme son père – et épouse le gentil Dr Max McCandles.

Dans les dernières images du film, Bella se cultive dans son jardin, où jouent des dames heureuses. Et son père créateur, à qui elle demande : « Alors, je suis ta création ? » lui répond : « Non, tu as seule créé Bella Baxter ». Le mythe de Pygmalion se transforme : il s’agit toujours, comme l’indique le titre du dernier roman de Marie Darrieusseq de Fabriquer une femme (2024), mais la créature se développe de façon autonome.

Pauvres créatures constitue une version baroque de Barbie (film également nominé 8 fois aux oscars) – notons que Bella est aussi le nom d’une poupée des années 1950. Histoire de l’éveil d’une conscience féministe, il propose une réécriture du mythe où désormais, libérée de Pygmalion, Galatée jouit de sa pleine autonomie sexuelle et intellectuelle. Si des réalisatrices, telle Céline Sciamma avec le Portrait de La jeune fille en feu(2019), ont montré qu’un autre regard sur la femme source d’inspiration était possible, on peut saluer le fait que des hommes réalisateurs imaginent aussi aujourd’hui des versions du mythe mettant en valeur la capacité des femmes à s’émanciper. C’est grâce à ces nouvelles représentations, ainsi qu’à une relecture plus féministe des mythes que pourront évoluer les comportements.

Sandrine Aragon, Chercheuse en littérature française (Le genre, la lecture, les femmes et la culture), Sorbonne Université

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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D’où viennent les aurores boréales ou australes ?

Le violet d'une aurore est due à l'azote, le rose à l'oxygène. Greg Johnson/Unsplash, CC BY
Yaël Nazé, Université de Liège

Chaque semaine, nos scientifiques répondent à vos questions dans un format court et accessible, l’occasion de poser les vôtres ici !


De superbes lumières, colorées et changeantes, illuminent parfois le ciel – rarement sous nos latitudes, bien plus souvent près des pôles. Ce sont les aurores polaires, soit « aurore boréale » dans l’hémisphère nord et « aurore australe » dans l’hémisphère sud. Il a fallu bien des années pour comprendre leur origine et, si on les comprend mieux aujourd’hui, tous leurs secrets n’ont pas encore été percés.

Premier élément important pour leur naissance : le champ magnétique. Grâce à des mouvements au cœur la Terre, notre planète se comporte comme un aimant, les pôles magnétiques se trouvant actuellement pas trop loin des pôles géographiques (d’où l’utilisation des boussoles). L’influence de ce champ s’étend sur des dizaines de rayons terrestres (environ 60 000 km côté jour, et plus de 6 millions de km côté nuit). Deuxième élément important : le vent solaire. Il s’agit de matière éjectée en permanence par notre Soleil, à des vitesses de l’ordre du million de km/h. Le vent solaire se compose de matière ionisée, soit de la matière où les électrons sont séparés des noyaux (dans ce cas-ci, ce sont principalement des protons) – on parle de « plasma ». Ce plasma embarque lui aussi un champ magnétique.

Au cours de son trajet, le vent solaire finit par rencontrer le bouclier magnétique terrestre : il ne peut le percer et donc le contourne… à deux exceptions près. Tout d’abord, les pôles : à ces endroits, les lignes de champ magnétique créent un goulet, qui plonge vers le cœur planétaire. Le vent solaire peut donc s’y engouffrer.

Schéma du vent solaire rencontrant la magnétosphère. Alec Baravik/Wikipedia, CC BY-SA

Ensuite, les sous-tempêtes magnétiques. Elles se produisent quand le champ du plasma solaire présente une direction opposée au champ magnétique terrestre. Les lignes des deux champs vont alors interagir et se reconnecter. Les nouvelles lignes ainsi créées s’ouvrent et sont repoussées vers l’arrière, où elles s’étirent. Comme un élastique sur lequel on a trop tiré, cela ne peut durer : ça « casse », et les lignes côté terrestre reviennent vers la planète, embarquant de la matière se trouvant dans la queue de la magnétosphère, opposée au Soleil. Cette matière suit le champ magnétique et finit par tomber dans l’atmosphère.

Des aurores vertes, rouges ou violettes

Quel est le lien entre matière ionisée et aurores ? En suivant le champ magnétique, les particules accélèrent et viennent buter contre les molécules de notre atmosphère. La collision excite la matière atmosphérique, qui retourne à son état de départ en relâchant de l’énergie… sous forme de lumière. Violette si l’azote est impliqué, verte ou rouge pour l’oxygène.

Évidemment, ces lumières aurorales seront observables au niveau des lignes de champ magnétique impliquées, soit celles proches des pôles. Le phénomène s’amplifie si le plasma solaire n’est pas du vent solaire calme, mais correspond à une grosse éruption – une éjection de matière coronale, ce qui est plus souvent lorsque le Soleil est proche de son maximum d’activité, comme en ce moment. Plus de matière éjectée implique une perturbation magnétique plus importante, qui peut rendre les aurores visibles sous nos latitudes.

Des aurores sur d’autres planètes

Champ magnétique, plasma, et atmosphère ne sont pas des ingrédients limités à notre planète, évidemment, mais les détails des interactions varient. Ainsi, la planète Jupiter possède aussi un champ magnétique, mais dix fois plus fort que le terrestre. Le vent solaire n’a que peu d’influence sur lui. Par contre, les lunes joviennes, et surtout la volcanique Io, éjectent de la matière aux abords planétaire et c’est cette matière qui va suivre le champ magnétique jovien et y créer des aurores.

Saturne, bien que planète géante également, n’est pas une copie de Jupiter : ses aurores sont un peu intermédiaires entre celles de la Terre et celles de Jupiter. Celles d’Uranus sont moins bien connues, mais semblent liées à la rotation de la planète tandis que les aurores de Mercure, elles, ressemblent aux terrestres. Les aurores de Neptune restent discrètes, donc difficiles à étudier…

Comme sur Terre, des aurores polaires peuvent se produire sur Saturne. NASA, ESA & L. Lamy, CC BY

Vénus et Mars, par contre, n’ont pas de champ magnétique global. Toutefois, là aussi, de la matière ionisée peut interagir avec l’atmosphère, et générer des lueurs – sur Mars, c’est notamment le cas au-dessus de zones résiduelles présentant un champ magnétique fossile.

Enfin, pourquoi se limiter au système solaire ? Il y a d’autres étoiles que le Soleil qui éjectent un vent, et d’autres planètes présentant champ magnétique et atmosphère ! Les aurores sont associées à des signaux radio, ultraviolets, ou en rayons X très typiques et ces signatures peuvent être détectées de loin. On pense avoir détecté des interactions étoile-planète, et des signaux auroraux, dans quelques cas sur les milliers d’exoplanètes connues, ainsi que sur des naines brunes… mais la recherche dans ce domaine ne fait que commencer !

Yaël Nazé, Astronome FNRS à l'Institut d'astrophysique et de géophysique, Université de Liège

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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Les féministes ont-elles une sexualité plus épanouie ? Une étude canadienne assure que oui

Contrairement aux mythes et clichés toxiques, les femmes féministes ont une vie sexuelle agréable. Shutterstock
Tina Fetner, McMaster University

C’est un stéréotype bien connu depuis les années 1970 : les féministes ne sont que des femmes en colère qui ont juste besoin de trouver un homme capable de les satisfaire sexuellement.

Malheureusement, alors que nous pensions avoir tourné le dos à ces mythes toxiques, Le sénateur américain Ted Cruz a tenté de raviver ce cliché dans des

, déclarant : « Si vous étiez une femme de gauche et que vous deviez coucher avec ces mauviettes [sous-entendu, des hommes qui partagent vos convictions], vous seriez également en colère. » Il a laissé entendre que les femmes ne pouvaient obtenir de satisfaction sexuelle qu’en se soumettant à des hommes dominateurs.

J’ai mené des recherches sur le thème de l’identité féministe et du comportement sexuel, et j’ai des informations à fournir à Cruz et à tous ceux qui s’inquiètent de la satisfaction sexuelle des féministes : elles font l’amour aussi souvent que les non-féministes. Mieux, elles déclarent que leurs rapports sexuels sont plus affectueux et plus agréables que ceux des femmes qui ne sont pas féministes.

Merci de vous inquiéter, sénateur Cruz, mais nous nous en sortons très bien.

Les féministes déclarent avoir de meilleures relations sexuelles

En 2022, j’ai interrogé un échantillon représentatif de 2 303 adultes au Canada et j’ai analysé les réponses des 1 126 femmes qui ont participé. Les participantes ont été interrogées sur leurs activités sexuelles, seules ou avec un partenaire.

J’ai constaté que les femmes qui s’identifiaient comme féministes et non féministes déclaraient toutes deux des niveaux élevés de satisfaction sexuelle. Cependant, les femmes qui revendiquent une identité féministe sont plus susceptibles de déclarer que leur dernier rapport sexuel comprenait des baisers et des câlins que les femmes non féministes.

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Parmi les femmes, 57 % des non-féministes ont déclaré que leur dernier rapport sexuel comprenait des baisers et des câlins, contre 68 % des féministes. Ces données suggèrent que les féministes ne sont pas tristes et solitaires, mais qu’elles s’engagent dans des relations sexuelles amoureuses et agréables dans une plus large mesure que les non-féministes.

Les femmes féministes sont plus susceptibles de se trouver dans des cercles sociaux où on parle de sexe de manière décomplexée. Shutterstock

Le clitoris, au centre des préoccupations

L’une des différences entre les femmes féministes et non féministes qui est ressortie le plus clairement de mes recherches concerne le centre du plaisir du corps féminin : le clitoris. Les féministes sont plus nombreuses à déclarer avoir reçu une stimulation clitoridienne sous forme de sexe oral de la part de leur partenaire : 38 % des femmes féministes, contre 30 % des femmes non féministes, ont déclaré avoir reçu du sexe oral lors de leur dernière rencontre.

La stimulation clitoridienne est la voie du plaisir sexuel et de l’orgasme pour les femmes, qu’elles soient féministes ou non. Cependant, il arrive que les rapports sexuels – en particulier dans les couples hétérosexuels – accordent plus d’attention au plaisir masculin, en se concentrant principalement sur la stimulation du pénis par la pénétration vaginale. La stimulation du clitoris, par la bouche, les mains ou les jouets sexuels, reçoit moins d’attention. La stimulation clitoridienne peut être reléguée aux préliminaires ou en l’excluant d’une manière ou d’une autre de ce que l’on considère comme des « rapports sexuels normaux ».

Les femmes ne devraient-elles pas avoir autant accès au plaisir sexuel que les hommes ? Il existe de nombreuses preuves, dans le cas des couples hétérosexuels, qu’il y a un écart entre les sexes en matière d’orgasmes, les femmes ayant moins d’orgasmes que les hommes. Si l’on a une sensibilité féministe, il semble naturel de considérer qu’il est évident que les femmes devraient avoir autant de plaisir sexuel que les hommes, et que leurs comportements sexuels devraient refléter cet idéal.

Pourquoi les féministes auraient-elles de meilleures relations sexuelles ?

De nombreuses femmes considèrent le féminisme comme une source d’accomplissement personnel et d’autonomisation, et le lien entre l’identité féministe et une meilleure sexualité pourrait être assez simple : Les féministes savent ce qu’elles veulent au lit et se sentent plus à même de le demander.

Les féministes sont plus susceptibles de fréquenter d’autres amies féministes, à l’aise pour parler de sexe et de plaisir, ce qui leur donne une chance de découvrir ce qu’elles attendent d’une rencontre sexuelle. En effet, mon enquête a également révélé que les femmes féministes se donnent plus souvent du plaisir que les non-féministes.

Peut-être ont-elles plus de chances d’avoir des partenaires sexuelles qui sont également féministes. Nous savons que les hommes féministes ayant des rapports sexuels avec des femmes sont plus enclins à pratiquer le sexe oral avec leurs partenaires et à stimuler davantage le clitoris de leurs partenaires sexuelles que les hommes non féministes.

Les femmes qui revendiquent une identité féministe sont plus susceptibles de déclarer que leur dernier rapport sexuel comprenait des baisers et des câlins que les femmes non féministes. Shutterstock

Les femmes féministes hétérosexuelles sont peut-être plus susceptibles d’avoir des partenaires masculins féministes que les non-féministes, ce qui leur permet d’avoir un meilleur accès à des amants plus généreux. Les femmes qui ont des relations sexuelles avec des femmes sont également plus susceptibles de recevoir des fellations que les femmes ayant des partenaires masculins.

Que ce soit grâce à leur autonomie personnelle, à une meilleure communication ou à des partenaires sexuels prêts à leur donner ce dont elles ont besoin, les féministes ont des relations sexuelles qui sont affectueuses et stimulantes.

Contrairement aux déclarations de Cruz sur le sujet, les féministes ont des relations sexuelles aussi souvent que les non-féministes, et les relations sexuelles qu’elles ont sont souvent agréables. Il est temps d’abandonner les stéréotypes haineux. Penchons-nous plutôt sur l’idée qu’une sexualité satisfaisante devrait être accessible à tous.

Tina Fetner, Professor, Sociology, McMaster University

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.