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Vins et bières sans alcool : comment se rapprocher du goût « original »

Il existe une large gamme de bières sans alcool. Shutterstock
David Bean, Federation University Australia et Andrew Greenhill, Federation University Australia

La consommation d’alcool fait partie de la tradition française depuis des siècles, elle reste ancrée malgré ses risques et les quelque 40 000 décès annuels qu’elle provoque.

Cependant, une partie de la population désire réduire cette consommation en participant à des événements comme le « Dry January » et d’une manière générale les rayons des supermarchés commencent à se remplir de vins ou de bières sans alcool d’une qualité gustative bien supérieure à ce qui pouvait se faire dans le passé.

Comment, grâce à la microbiologie, conserver les goûts des boissons tout en éliminant l’alcool ?

Avec une augmentation de la demande, la plupart des marques de bière mondiales offrent maintenant des substituts sans alcool. Shutterstock

Tout commence par la fermentation

Les boissons alcoolisées sont produites grâce à des microbes, le plus souvent des levures, qui transforment les sucres en éthanol (alcool) au cours du processus de fermentation.

Outre la production d’éthanol, la fermentation entraîne également la production d’autres molécules qui vont participer à la saveur du produit final. Le processus de fermentation fait donc partie intégrante de la saveur de la bière et du vin, on ne peut pas s’en passer pour fabriquer des boissons à faible teneur en alcool ou sans alcool.

Pensez à la différence entre le jus de raisin non fermenté et le vin : ce n’est pas seulement la présence d’alcool qui crée le profil aromatique du vin.

Ainsi, la production de la plupart des vins et des bières sans alcool commence par le processus de fermentation typique, après quoi l’alcool est éliminé à l’aide de différentes techniques.

Deux techniques pour éliminer l’alcool

Les deux méthodes les plus courantes pour produire de la bière et du vin sans alcool sont la filtration et la distillation. Ces deux systèmes sont technologiquement avancés et coûteux, de sorte qu’ils ne sont généralement utilisés que par les grands producteurs.

Dans le cas de la filtration membranaire – et plus particulièrement d’une technique appelée « osmose inverse » – la bière et le vin sont pompés sous pression à travers des filtres dont les trous sont si petits qu’ils séparent les composés en fonction de leur taille moléculaire. Les molécules relativement petites, telles que l’eau et l’éthanol, passent au travers, mais pas les autres.

L’eau est continuellement ajoutée au mélange des composés « aromatiques » de plus grande taille pour reconstituer la bière ou le vin. Ce processus se poursuit jusqu’à ce que tout l’éthanol ait été éliminé.

Un autre procédé est la distillation, dans laquelle les composés sont séparés en fonction de leur température d’ébullition. La distillation nécessite donc de la chaleur, et la chaleur modifie la saveur de la bière et du vin, ce qui donne un produit moins proche de l’original.

Pour minimiser l’impact sur la saveur, la distillation utilisée pour fabriquer des produits sans alcool s’effectue à très basse pression et sous vide. Dans ces conditions, l’éthanol peut être éliminé à environ 35 °C-40 °C, contre 80 °C à la pression atmosphérique. Ce phénomène est basé sur le même principe que celui qui explique pourquoi l’eau bout à une température plus basse en altitude qu’au niveau de la mer.

Une grande variété de styles de bières est désormais disponible sous forme sans alcool. Shutterstock

Les petites brasseries se démarquent

Si l’augmentation de la production de bières à faible teneur en alcool ou sans alcool reflète la préférence des consommateurs, elle est également due en partie à la large gamme de bières artisanales désormais disponible.

Des brasseries artisanales produisent des bières à faible teneur en alcool sans équipement très coûteux. Elles y parviennent en manipulant soigneusement le processus de fermentation à l’aide de deux méthodes principales.

Dans la première méthode, les brasseurs réduisent intentionnellement la quantité de sucres disponible pour la levure. Avec moins de sucre à utiliser, la levure produit moins d’éthanol.

Il existe plusieurs façons d’y parvenir, notamment en augmentant ou en diminuant la température pendant l’empâtage (le processus d’extraction des sucres simples du grain d’orge). Le brasseur peut également arrêter le processus de fermentation avant que trop de sucre ne soit transformé en alcool.

La salle de brassage de l’Université de la Fédération dispose de tous les outils nécessaires à la réalisation d’un bon brassin, y compris des cuves de fermentation coniques. Federation University, Author provided

La deuxième méthode consiste à utiliser des levures différentes. Traditionnellement, la plupart des bières sont produites à l’aide de la levure Saccharomyces. Cette espèce a été domestiquée il y a de cela des millénaires pour fabriquer de la bière, du vin et du pain.

Mais il existe des milliers d’espèces de levures, et certaines produisent très peu d’éthanol. Ces levures gagnent en popularité dans la production de bières à faible teneur en alcool. Elles fournissent toujours les composés aromatiques attendus, mais avec des niveaux d’alcool très bas (parfois même inférieurs à 0,5 %).

Bien que la plupart des souches de levure soient disponibles dans le commerce et décrites scientifiquement, certaines brasseries restent secrètes quant à la souche exacte qu’elles utilisent pour produire des bières à faible teneur en alcool.

Plusieurs entreprises se consacrent au développement de nouvelles souches de levure pour le marché de la brasserie. Outre l’utilisation de souches d’origine naturelle, deux souches peuvent être croisées pour créer des hybrides. Shutterstock

De moins en moins de différence

Il est difficile de fabriquer une bière ou un vin à faible teneur en alcool ou sans alcool qui aurait exactement le même goût que ses équivalents à teneur élevée en alcool. En effet, l’éthanol contribue au profil aromatique des boissons alcoolisées, c’est plus évident dans le vin (généralement environ 13 % d’alcool) que dans la bière (environ 5 %).

L’élimination de l’éthanol et de l’eau entraîne également l’élimination de molécules de petites tailles et de composés volatils (produits chimiques qui se vaporisent dans des conditions atmosphériques normales) – bien que les fabricants fassent de leur mieux pour les réintégrer dans le produit final.

De même, la modification des conditions de brassage ou l’utilisation de souches de levure non conventionnelles pour la bière à faible teneur en alcool conduit également à des profils aromatiques différents de ceux obtenus par un processus classique.

Malgré ces défis, les producteurs améliorent constamment leurs produits. Nos enquêtes ont montré que même certains buveurs de bière expérimentés ne peuvent pas distinguer les bières sans alcool de leurs équivalents alcoolisés.

Donc, si l’humeur ou les circonstances le justifient, n’hésitez pas à essayer une bière ou un vin à faible teneur en alcool ou sans alcool pendant ce mois de janvier. Vous serez peut-être surpris par l’amélioration de la gamme et de la qualité de ces produits.

David Bean, Senior Lecturer in Microbiology and Fermentation Technology, Federation University Australia et Andrew Greenhill, Associate Professor in Microbiology and Fermentation Technology, Federation University Australia

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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Comment les abeilles se tiennent chaud en hiver ?

Eric Darrouzet, Université de Tours

En hiver, de nombreux insectes disparaissent. Ils se réfugient dans des endroits protégés du froid et des intempéries et attendent, endormis, la venue du printemps. Les colonies d’abeilles mellifères font de même, et les ruches ne présentent aucune activité hivernale visible, mais elles doivent conserver la chaleur que produisent les abeilles. La survie de la colonie en dépend grandement.

Les abeilles ne sortent pas en raison du froid et restent regroupées pour former ce que l’on appelle la « grappe hivernale ». Elles sont plus ou moins en léthargie, elles présentent une activité limitée. Elles se déplacent un peu, notamment pour s’alimenter : elles consomment les réserves de miel qu’elles ont stockées avant l’hiver, ou des blocs de sucre que les apiculteurs leur ont fournis par crainte d’un manque de nourriture. Grâce à cet apport énergétique, elles contractent régulièrement leurs muscles thoraciques pour produire de la chaleur. Elles maintiennent ainsi au sein du groupe une température supérieure à 10 °C qui assure leur survie, quelle que soit la température extérieure.

Dès le retour des beaux jours et de températures plus clémentes, la température au sein des ruches pourra remonter et restera maintenue aux alentours de 35 °C – la température optimale pour assurer le développement des larves et le renouvellement des ouvrières adultes au sein des colonies.

La caméra thermique, un outil de suivi hivernal des ruchers

Pour les apiculteurs, la période hivernale sert à préparer la nouvelle saison apicole, en bricolant et en préparant les cadres de ruches qui recevront les nouvelles productions de miel de la nouvelle année. Cette période est toutefois compliquée car ils ne doivent pas ouvrir les ruches pour vérifier l’état de leurs colonies, car si la température descend en dessous de 10 °C au sein de la ruche, la colonie peut mourir.

Comment savoir alors si les colonies vont bien, si le nombre d’abeilles n’est pas trop bas, si elles ne sont pas malades, s’il n’y a pas de mortalité excessive, si elles ont assez de réserves de nourriture… ceci sans aller regarder dans les ruches ?

Les apiculteurs, surtout professionnels, ont besoin d’outils de suivi non intrusifs de leurs colonies. La prise de mesures de température au sein des ruches est une analyse intéressante qui permet un suivi de la santé des colonies. Toute colonie en bonne santé maintient sa température au-dessus de 10 °C-12 °C. Diverses techniques permettent cela, notamment par la mise en place de sondes thermiques au sein des ruches. Toutefois, elles nécessitent une installation parfois assez lourde, et surtout peuvent ne pas permettre une mesure thermique fine au sein de la grappe, celle-ci pouvant se positionner en divers endroits dans la ruche.

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L’imagerie infrarouge est ainsi une alternative de choix. Ce rayonnement étant corrélé à la chaleur, une caméra infrarouge, dite thermique, permet de visualiser de l’extérieur, et sans toucher aux ruches, la température émise par les abeilles qui réchauffe les parois des ruches. Une couleur bleu-violet homogène de la ruche indique classiquement une absence de chaleur, donc une colonie qui est malheureusement morte. Par contre, une zone plus ou moins étendue colorée en jaune et blanc indique la position de la grappe d’abeille qui émet de la chaleur.

L’image thermique de la ruche permet de suivre sa température, de visualiser la localisation de la grappe d’abeille et ainsi de vérifier que la colonie est toujours vivante. Une caméra thermique peut, de fait, devenir un outil important pour assurer le suivi hivernal des colonies d’abeilles. Néanmoins, le prix de ces caméras reste relativement haut.

Eric Darrouzet, Chercheur sur les insectes sociaux, spécialiste du frelon asiatique, Université de Tours

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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Les animaux sont-ils des choses ? Ce que dit le droit

S’il y a bien des êtres-vivants qui sont en attente de droits, effectifs, significatifs, ce sont les animaux. Shutterstock, CC BY-SA
Jean-Benoist Belda, Institut catholique de Lille (ICL)

Dans le cadre de son programme en faveur d’une agriculture et d’une production alimentaire durables, la Commission européenne a récemment indiqué vouloir faire évoluer la législation européenne sur le bien-être animal. Son projet a été présenté le 7 décembre dernier et s’attarde uniquement sur le temps de transport des animaux. En apprenant cela, certains militants pour la cause animale pourraient trouver que ces mesures sont insuffisantes et en viendraient à se poser la question : le droit peut-il être vraiment efficace pour protéger les animaux et améliorer leur bien être ?

De prime abord, le droit peut paraître inaccessible. Il est en effet créé, utilisé, manipulé par des professionnels qui usent d’un langage technique très particulier. Cependant, le droit, c’est aussi nous : citoyens, citoyennes. Nos choix de citoyens et de consommateurs sont plus importants qu’on ne le pense. Ces choix deviendront potentiellement la règle de droit de demain.

On a pu constater ce mouvement dans la prise de conscience générale de la nécessité de lutte contre le réchauffement climatique. Ces préoccupations ont pu migrer vers le domaine juridique et ont vu émerger des règles de protection, de conservation, de respect (les îles Loyauté ont par exemple donné en juin dernier une personnalité juridique à des entités naturelles pour les protéger). On touche même ici à l’idéal de Justice qui, selon le juriste romain Ulpien, « est une volonté constante et durable d’attribuer à chacun son droit. »

Cependant, s’il y a bien des êtres-vivants qui sont en attente de droits, effectifs, significatifs, ce sont les animaux. On peut même parler d’animaux non-humains car ne l’oublions pas, en tant qu’êtres-humains, nous sommes aussi des animaux.

Les animaux sensibles

Au cours de notre vie, nous avons et aurons toutes et tous l’occasion d’avoir au moins une interaction avec un animal. L’expérience peut être agréable, douce, craintive ou génératrice de traumatismes. Ce qui est certain c’est que les animaux non-humains sont eux aussi des êtres-vivants qui ressentent, qui vivent leur vie pour eux, qui peuvent éprouver la joie comme la peine, le bien-être comme la souffrance. Pourtant, cette reconnaissance de la sensibilité n’a pas toujours été d’actualité.

Au XVIIe sicèle, le mathématicien, physicien et philosophe René Descartes, le fameux auteur du cogito « je pense donc je suis » brillait par un triste rationalisme. Il perpétua l’idée de l’animal-machine : les animaux étaient assimilés à des choses et devaient, pour cette raison, répondre aux besoins de l’homme. Le postulat était simple : « les bêtes n’ont pas seulement moins de raison que les hommes, elles n’en ont point du tout ».

Les animaux sont trop souvent assimilés à des choses qui doivent répondre aux besoins humains. Pexels, CC BY-NC

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Il faudra véritablement attendre le début du XX? siècle pour voir apparaître un mouvement significatif, philosophique et juridique, qui s’intéresse à la sensibilité des animaux en la considérant au même niveau que celle des êtres-humains. Ce mouvement questionna notre rapport aux animaux non-humains et plus précisément nos démonstrations d’inhumanité à leur égard par exemple les tortures expérimentales en laboratoire. Selon ce mouvement de pensée, et sur la base de cette sensibilité collective, partagée mais si souvent niée, les droits des animaux non-humains sont donc intimement liés à ceux des êtres-humains.

Les animaux et leurs droits

C’est par un décret, en 1959, que la question de la protection animale entre dans le droit : les mauvais traitements exercés envers les animaux sont interdits. Ensuite, en 1976, est promulguée une loi sur la protection de la nature, par laquelle la qualité d’« être sensible » de l’animal est consacrée, sans qu’aucune disposition ne permette pour autant d’en assurer une protection.

Suit alors une prise de position philosophique, proclamée en 1978, à travers la Déclaration universelle des droits de l’animal, reconnaissant ce dernier comme doté d’un système nerveux et possédant des droits particuliers.

Enfin, c’est par la loi du 16 février 2015 qu’est introduit dans le code civil un nouvel article : « les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens. ».

Que comprendre ? La sensibilité des animaux non-humains est reconnue par le code civil mais ils sont toujours soumis au régime des biens, des choses. Selon une approche pessimiste, nous pourrions identifier une incohérence voire une hypocrisie. Selon une approche optimiste, nous pouvons lire que les animaux non-humains ne sont plus des choses mais sont soumis à leur régime. La nuance est importante car elle ouvre la voie à une autre considération de l’animal non-humain.

Les animaux sont-ils des choses ?

Le problème, avec le droit, c’est qu’il fonctionne par catégories à pourvoir : si nous ne sommes pas des personnes, alors nous sommes des choses. Et inversement.

Où est l’animal ? Certains diront que c’est une « chose particulière ». Cet entre-deux n’est pas considéré par le droit et cela a son importance puisque les règles de protection des animaux non-humains dépendent de cette considération. Le régime des biens, des « choses », continue en grande partie de s’appliquer pour ces êtres qui vivent, éprouvent de la joie, du plaisir, de la peur ou de la souffrance.

Les animaux domestiques emportent le plus notre empathie car ils vivent et évoluent avec nous, car nous pouvons d’un regard parfois amusé, parfois subjugué, être témoins de leur autonomie de vie, leur ingéniosité, leur affection. Mais qu’en est-il des animaux d’élevage ? Sont-ils inférieurs ? Qu’en est-il des animaux sauvages que le droit considère comme des res nullius, des choses sans propriétaire légal, qui peuvent être capturés, blessés, maltraités ou mis à mort en toute impunité ? Sont-ils eux aussi inférieurs ?

Les animaux domestiques emportent le plus notre empathie car ils vivent et évoluent avec nous. Mais qu’en est-il des animaux d’élevage ? Sont-ils inférieurs ?. Pexels, CC BY-SA

La réponse, nous la connaissons : non, ils ne sont pas inférieurs. Ils sont constitués comme les animaux domestiques à qui l’on prête de l’attention, de l’affection et dont l’intelligence est démontrée scientifiquement. Le droit a cependant décidé de catégoriser. Et nous pouvons en convenir : l’idéal de Justice n’est nulle part dans cette initiative de classer, discriminer, au point de considérer que la mort d’une catégorie est moins importante que la mort d’une autre.

Une solution, changer nos habitudes ?

Si le droit est pour l’instant générateur de cette injustice, il peut au contraire devenir un levier de changements très significatifs. Ce sens, à nous de l’injecter dans la société. Comment ? En changeant certaines de nos habitudes de consommation, principalement.

Très concrètement, trois pôles d’exploitation animale peuvent être identifiés : l’alimentaire (pour la consommation de viande), l’industrie du textile (cuir, fourrure) et les loisirs (corrida, combats de coqs et chasse à courre, entre autres).

Pour ne parler que de l’alimentaire, 1060 milliards d’animaux sont tués par an pour la consommation de viande. Pour atteindre ce nombre, il est nécessaire de maintenir une cadence effrénée qui aboutit à des violations de la réglementation et des maltraitances.

L’illustration est flagrante dans les abattoirs mais également pour des produits plus « exceptionnels » comme le foie gras, qui consiste à développer chez les canards mâles, avant de les tuer, une maladie du foie. Pour justifier ce zoocide (le terme zoocide a été proposé par Matthieu Ricard, docteur en génétique cellulaire et moine bouddhiste pour définir le massacre animal organisé et de masse. Ce terme fait écho à la notion de génocide définie par l’ONU) il est indispensable de démontrer la nécessité vitale de la consommation de chairs. Or, la médecine, la biologie, la philosophie sont fermes : il n’existe aucune nécessité vitale. Pas plus que dans le fait de porter du cuir, de la laine ou assister à une corrida. Que des plaisirs : gustatifs, d’apparence ou récréatifs.

Cela signifie-t-il que nous devons choisir entre culpabilité ou frustration ? Est-ce à dire qu’il faille se priver de tout plaisir ? Évidemment que non. Le plaisir est essentiel à l’être-humain mais il peut survenir en évitant la mort d’animaux. Beaucoup d’alternatives végétales existent aujourd’hui pour pouvoir ressentir ce plaisir sans participer à ce zoocide. Notre conscience de citoyen, a fortiori dans une époque où cette exploitation est également délétère pour le climat, peut trouver une voie médiane : celle qui respecte la vie d’êtres-vivants sensibles. Nous adoptons déjà au quotidien, de plus en plus naturellement, des réflexes respectueux de l’environnement. Nous pouvons trier, choisir des mobilités douces. Nous le faisons parce que nous sommes toutes et tous concernés par l’état de santé de la Terre. Il est peut-être temps à présent de poser notre regard sur ces êtres-vivants sensibles qui ne demandent qu’à vivre et de participer à cette exaltante entreprise : nos habitudes d’aujourd’hui peuvent véritablement être le droit de demain.

Jean-Benoist Belda, Docteur et Enseignant-chercheur en droit privé et sciences criminelles, Institut catholique de Lille (ICL)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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Pourquoi l'avenir n'est peut-être pas toujours devant nous

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Ruth Ogden, Liverpool John Moores University

Imaginez l’avenir. Où se situe-t-il pour vous ? Vous voyez-vous avancer à grands pas vers lui ? Peut-être est-il derrière vous. Peut-être même au-dessus de vous.

Et le passé ? Vous imaginez-vous en train de regarder par-dessus votre épaule pour le voir ?

La façon dont vous répondez à ces questions dépend de qui vous êtes et d’où vous venez. La façon dont nous nous représentons l’avenir est influencée par la culture dans laquelle vous avez grandi et par la ou les langues que vous parlez.

Pour de nombreuses personnes ayant grandi au Royaume-Uni, aux États-Unis et dans une grande partie de l’Europe, l’avenir se trouve devant elles et le passé est derrière. Les personnes appartenant à ces cultures perçoivent généralement le temps comme linéaire. Elles se voient comme allant continuellement vers l’avenir parce qu’elles ne peuvent pas retourner dans le passé.

Dans d’autres cultures, cependant, la localisation du passé et du futur est inversée. Les Aymaras, un groupe indigène d’Amérique du Sud vivant dans les Andes, considèrent que l’avenir est derrière eux et le passé devant eux.

Les scientifiques l’ont découvert en étudiant les gestes du peuple aymara lors de discussions sur des sujets tels que les ancêtres et les traditions. Les chercheurs ont remarqué que lorsque les Aymaras parlaient de leurs ancêtres, ils avaient tendance à faire un geste devant eux, indiquant que le passé était devant. En revanche, lorsqu’ils étaient interrogés sur un événement futur, leurs gestes semblaient indiquer que l’avenir était perçu comme étant derrière eux.

Regarder vers l’avenir

L’analyse de la façon dont les gens écrivent, parlent et font des gestes à propos du temps suggère que les Aymaras ne sont pas les seuls. Les locuteurs du darij, un dialecte arabe parlé au Maroc, semblent également imaginer que le passé est devant et le futur derrière. C’est également le cas de certains locuteurs vietnamiens.

Mais le futur ne se trouve pas toujours derrière ou devant nous. Il semble que certains locuteurs du mandarin représentent le futur comme étant en bas et le passé comme étant en haut. Ces différences suggèrent qu’il n’existe pas de lieu universel pour le passé, le présent et le futur. Au contraire, les gens construisent ces représentations en fonction de leur éducation et de leur environnement.

La culture n’influence pas seulement notre vision de l’avenir. Elle influence également la manière dont nous nous imaginons y parvenir.

Il est facile de supposer que tout le monde pense à l’avenir de la même manière que vous. StunningArt/Shutterstock

En France et aux États-Unis, les gens se voient généralement marcher le visage tourné vers l’avenir. Pour les M?ori de Nouvelle-Zélande, cependant, le centre d’attention lorsqu’ils se déplacent dans le temps n’est pas le futur, mais le passé. Le proverbe M?ori Kia whakat?muri te haere whakamua se traduit par « Je marche à reculons vers l’avenir avec les yeux fixés sur mon passé ».

Pour les M?ori, ce qui se trouve devant nous est déterminé par ce qui peut être ou a été vu. Les M?ori considèrent le passé et le présent comme des concepts connus et vus parce qu’ils se sont déjà produits. Le passé est conceptualisé comme étant devant une personne, là où ses yeux peuvent le voir.

L’avenir, en revanche, est considéré comme inconnu parce qu’il ne s’est pas encore produit. Il est considéré comme derrière vous parce qu’il n’est pas encore visible. Les M?ori se perçoivent comme marchant à reculons plutôt qu’en avant vers l’avenir parce que leurs actions futures sont guidées par les leçons du passé. En faisant face au passé, ils peuvent porter ces leçons dans le temps.

Différentes approches

Les scientifiques ne savent pas exactement pourquoi chaque personne se représente le passé, le présent et l’avenir différemment. L’une de leurs hypothèses repose sur l’idée que nos perspectives sont influencées par le sens dans lequel nous lisons et écrivons. Les recherches montrent que les personnes qui lisent et écrivent de gauche à droite dessinent des lignes temporelles dans lesquelles le passé se trouve à gauche et le futur à droite, ce qui reflète leurs habitudes de lecture et d’écriture.

En revanche, les personnes qui lisent de droite à gauche, comme les arabophones, dessinent souvent des lignes temporelles dans lesquelles les événements du passé se trouvent à droite et ceux du futur à gauche. Cependant, le sens de lecture ne peut expliquer pourquoi certaines personnes qui lisent de gauche à droite pensent que l’avenir se trouve « derrière ».

Selon une autre théorie, les valeurs culturelles peuvent influencer notre orientation vers l’avenir. Les cultures varient en fonction de l’importance qu’elles accordent aux traditions. Les chercheurs pensent que votre conception spatiale de l’avenir peut être déterminée par le fait que votre culture met l’accent sur les traditions du passé ou se concentre sur l’avenir.

Dans les cultures qui soulignent l’importance du progrès, du changement et de la modernisation, l’avenir est normalement à l’avant-plan – par exemple, en France et aux États-Unis. En revanche, dans les cultures qui accordent une grande importance à la tradition et à l’histoire ancestrale, comme au Maroc et dans les groupes indigènes tels que les M?ori, le passé est au centre des préoccupations et se trouve donc généralement au premier plan.

Ces différences peuvent également avoir des répercussions sur les initiatives visant à relever les défis mondiaux. Si l’avenir n’est pas toujours au premier plan, les mantras des campagnes occidentales sur le thème « aller de l’avant » et « laisser le passé derrière soi » risquent de ne pas trouver d’écho auprès de nombreuses personnes.

Toutefois, si nous pouvons nous inspirer des représentations du temps dans d’autres cultures, nous pourrons peut-être recadrer notre compréhension de certains des problèmes les plus urgents du monde. Aborder l’avenir en jetant régulièrement un coup d’œil sur le passé pourrait conduire à un avenir plus juste pour tous.

Ruth Ogden, Professor of the Psychology of Time, Liverpool John Moores University

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.