Stéréotypes de genre : les hommes qui publient beaucoup sur les réseaux sociaux sont-ils vraiment « moins virils » ?

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Les hommes limitent-ils la fréquence de leurs publications en raison des préjugés sexistes? A-Digit/DigitalVision Vectors via Getty Images

The Conversation

Stéréotypes de genre : les hommes qui publient beaucoup sur les réseaux sociaux sont-ils vraiment « moins virils » ?

Les hommes limitent-ils la fréquence de leurs publications en raison des préjugés sexistes? A-Digit/DigitalVision Vectors via Getty Images
Andrew Edelblum, University of Dayton et Nathan B. Warren, BI Norwegian Business School

Malgré l’évolution des mentalités, une grande partie de nos activités sont encore classées selon des critères de genre : les magasins de vêtements ont des sections pour les hommes et les femmes, certains aliments sont considérés comme plus masculins ou plus féminins, et même les instruments de musique ont un genre.

Nos recherches récemment publiées montrent que même les médias sociaux sont un terrain propice à la propagation de stéréotypes sexistes rigides.

Plus précisément, nous montrons que les hommes qui publient souvent sur les médias sociaux sont considérés comme féminins, un phénomène que nous appelons le « stéréotype de la féminité associé à la publication fréquente ». Nous avons observé ce biais dans le cadre de quatre expériences auxquelles ont participé plus de 1 300 personnes aux États-Unis et au Royaume-Uni.

Publier, c’est être perçu comme non masculin

En tant que chercheurs en comportement des consommateurs, nous nous intéressons depuis longtemps aux contradictions, aux particularités et aux restrictions associées à la masculinité.

Ces dynamiques ont des implications considérables dans le monde du marketing. Il est bien connu, par exemple, que le Coca Zéro a été créé pour remplacer le Coca Light, un produit dont les hommes se détournaient notoirement en raison de ses liens perçus avec les femmes désireuses de perdre du poids. Il existe même une tendance à penser qu’il n’est pas viril de dormir beaucoup, car le besoin de repos est associé à la faiblesse et à la vulnérabilité.

Nous avons réfléchi à la manière dont certaines de ces notions peuvent entrer en jeu sur les médias sociaux. Les sondages suggèrent que les hommes et les femmes utilisent les plates-formes de médias sociaux de manière très différente : par exemple, les hommes ont tendance à être présents sur moins de plates-formes dans l’ensemble et ne publient pas aussi souvent que les femmes sur des applications comme Instagram.

Nous nous sommes demandé si les préjugés sexistes avaient quelque chose à voir avec ces comportements. Les hommes sont-ils jugés différemment lorsqu’ils partagent des informations sur les médias sociaux ?

Pour répondre à cette question, nous avons mené une série d’expériences dans laquelle les personnes interrogées devaient évaluer un homme qui publie fréquemment ou rarement sur les médias sociaux. Pour donner une image plus concrète, nous avons décrit cet homme comme quelqu’un qui publie en ligne pour le plaisir et qui a un nombre modéré de followers.

Les personnes interrogées ont systématiquement jugé l’homme plus féminin lorsqu’il était décrit comme un utilisateur fréquent des médias sociaux. Cela était vrai indépendamment des hypothèses faites sur l’âge, l’éducation, la richesse et la plate-forme de médias sociaux préférée de l’homme en question. Nous avons également contrôlé le sexe, l’âge, les convictions politiques et l’utilisation des médias sociaux des personnes qui ont participé à l’étude.

Nous avons utilisé un scénario identique pour décrire le comportement de publication d’une femme – et sa fréquence de publication n’a pas eu d’effet sur le degré de féminité que les gens lui attribuaient.

Une aversion à montrer que l’on a besoin des autres

Comment expliquer alors cet effet quelque peu inhabituel ?

Nous avons découvert que toute personne qui publie fréquemment, quel que soit son sexe, passe pour une personne qui recherche l’attention et la validation. Mais ce sentiment de besoin projeté ne se traduit par une perception connotée négativement uniquement lorsqu’il s’agit d’hommes.

Cela répond à une certaine logique. Après tout, la recherche a montré que le rejet de la féminité est crucial pour celles et ceux qui s’attachent à une forme conventionnelle de virilité, alors que l’évitement des marqueurs associés habituellement à la la masculinité n’est pas nécessairement crucial pour celles et ceux qui sont attachés à une forme conventionnelle de féminité.

En réalité, le « stéréotype de la féminité associée à la publication fréquente » s’est avéré encore plus tenace que nous l’avions prévu.

Deux de nos expériences ont tenté, sans succès, de réduire ce biais.

Tout d’abord, nous avons cherché à savoir si les hommes étaient jugés différemment lorsqu’ils partageaient du contenu sur d’autres personnes plutôt que sur eux-mêmes, l’idée étant que cette forme de publication serait considérée comme prévenante et non comme une recherche de validation. Ensuite, nous avons cherché à savoir si les influenceurs masculins, qui publient essentiellement pour des raisons professionnelles, étaient confrontés au même stéréotype.

Dans les deux cas, et à notre grande surprise, le fait de poster fréquemment a incité les participants à considérer ces utilisateurs de médias sociaux comme plus féminins.

Élargir la définition de la virilité

Il y a beaucoup de choses qui restent mystérieuses quant à la prééminence de ce préjugé.

Par exemple, on ne sait pas exactement dans quelle mesure le stéréotype de la féminité associée aux publications fréquentes affecte la manière dont les hommes sont jugés dans différentes cultures. Bien que les hommes du monde entier soient souvent considérés comme moins masculins lorsqu’ils réclament l’attention ou l’aide des autres, notre recherche n’a porté que sur des participants du Royaume-Uni et des États-Unis.

Tout aussi important : comment en finir avec cette association entre l’affichage fréquent de publications et une forme de dévalorisation ? Nos recherches suggèrent que ce lien est durable et qu’il reflète une dynamique de genre persistante.

Néanmoins, il est intéressant d’étudier comment les plates-formes peuvent limiter ces préjugés par le biais de leur conception. Par exemple, BeReal est une application qui invite les utilisateurs à partager rapidement une photo non éditée de ce qu’ils font à un moment aléatoire de la journée. De telles fonctions semblent mettre l’accent sur l’authenticité, la routine et la communauté. S’agit-il de la recette nécessaire pour modifier l’association entre l’affichage et la recherche de validation ?

Aujourd’hui, les hommes connaissent des taux historiques d’isolement social, ce qui a des conséquences désastreuses sur la santé mentale. Cette crise est probablement exacerbée par des préjugés omniprésents qui donnent aux hommes l’impression qu’ils ne peuvent pas parler de leurs problèmes ou demander de l’aide. Le stéréotype de manque de virilité associé à la publication fréquente sur les réseaux sociaux révèle que les hommes sont jugés négativement lorsqu’ils tentent de s’exprimer et d’établir des liens sociaux – ce qui évidemment ne les incite pas à le faire.

Comme l’écrivait la correspondante du New York Times Claire Cain Miller en 2018, en s’appuyant sur une étude qui s’intéressait aux adolescentes et adolescents, il y a « plusieurs façons d’être une fille, mais une seule façon d’être un garçon ».

Il est plus que temps d’élargir notre définition de la virilité.

Andrew Edelblum, Assistant Professor of Marketing, University of Dayton et Nathan B. Warren, Assistant Professor of Marketing, BI Norwegian Business School

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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