Mathias Malzieu : «Le cinéma d’animation doit tenir compte du désir»

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Ce fut d’abord un livre, puis un album éponyme, sortis tous les deux en 2007.  Mathias Malzieu, chanteur de  Dionysos, fait aujourd’hui de ce drôle de personnage, Jack, un héros de film d’animation, dont l’histoire d’amour impossible est nourrie à la fantaisie et au rock.

Co-réalisé avec Stéphane Berla, l’auteur des clips du groupe, Jack et la Mécanique du cœur a fait appel aux interprètes du disque,  Olivia Ruiz pour la jolie Miss Acacia, Grand Corps Malade pour le méchant Joe, sans oublier  Jean Rochefort qui double le génial Méliès et même  Alain Bashung repris en hommage posthume. Influences, choix, technique… L’auteur revient sur les défis de l’adaptation scénaristique.

Qui est Jack, le fil conducteur de votre œuvre?

J’ai inventé cet ami imaginaire il y a dix ans, quand j’ai perdu ma mère. C’est un géant de 130 ans et de 4,50 mètres, spécialisé dans le deuil, qui apparaît dans mon premier roman Maintenant qu’il fait tout le temps nuit sur toi (2005). Quand j’ai décidé d’écrire sur la passion amoureuse et le rapport à la différence, j’ai voulu continuer avec ce personnage, que j’ai repris cent ans plus tôt, à Edimbourg, au temps des inventeurs, des illusionnistes et charlatans. Un monde qui me convenait parfaitement.

D’où vient la pièce centrale de l’histoire, le cœur-horloge?

Quand j’étais enfant, il y avait chez moi une horloge à coucou que j’aimais bien. Je pouvais en toucher les aiguilles, cela me donnait l’impression d’avoir un impact sur le temps. Quand j’ai perdu ma mère, on m’a remis un sac d’affaires, qui contenait cette fameuse horloge. J’ai imaginé qu’elle pouvait être le cœur de mon Giant Jack, né le jour le plus froid du monde.

Après le livre et l’album, comment en êtes-vous venu au film?

Je fantasmais sur ce livre depuis le début. En l’écrivant, je l’imaginais à l’image, c’est aussi comme ça que j’ai réalisé la bande originale. J’allais enregistrer des sons chez un horloger à côté de Tours, pour en faire des éléments rythmiques. J’écoutais le cœur de mon propre personnage, comme un docteur. Puis on a eu la chance de rencontrer  Virginie et Luc Besson, qui ont eu un coup de cœur pour le projet.

Que vous a appris Luc Besson?

Il m’a dit quelque chose qui m’a marqué, «dans un film, c’est toi qui guides les spectateurs. Tu n’as pas le même rapport à la digression que dans un livre, mais tu as un autre outil magique, l’image». Il a accepté mon univers et n’a pas essayé de le changer, tout en me rappelant qu’il fallait toujours avoir en tête la résolution du problème: les trois lois de Jack. Pour cela, j’ai dû hiérarchiser et me concentrer sur le plus important. Ce n’est pas un livre extrêmement long et pourtant ma première version donnait un film de quatre ou cinq heures.

Était-il difficile de devoir sacrifier certains éléments du roman?

Le but n’était pas de refaire le livre, mais de s’en inspirer pour en faire un objet neuf. J’ai adoré cet apprentissage. Cela ressemble à ce que je fais sur scène avec le groupe. On ne peut pas tout jouer, donc c’est bien de choisir et d’enlever. Même principe pour un scénario, qui doit garder le plus beau à l’écran. J’ai préféré consacrer le budget aux personnages et au style des décors. L’Extraordinarium et son train fantôme donnent un air plus baroque et surréaliste, un peu fellinien.

Qu’est-ce que le cinéma apporte de plus que la littérature ou la musique?

Tout simplement le mouvement et l’image, comme le rappelle Méliès dans le film. Aujourd’hui on est habitué aux images, mais l’histoire du cinéma n’est pas si vieille. C’est de la magie pure et simple, encore plus dans l’animation car on part d’une matière inerte à laquelle on donne vie. Il y a un côté art total dedans, qui n’est pas supérieur à un livre ou à une chanson, mais qui apporte quelque chose de différent.

Comment avez-vous retranscrit en images votre univers fantaisiste?

Il ne fallait surtout pas perdre l’esprit du roman. J’ai donc eu recours à des correspondances. Pour qu’on ressente la vulnérabilité des personnages, on a utilisé de la porcelaine, en leur laissant des yeux réalistes. J’aimais ce côté miniature. Je voulais qu’on ait envie de repartir avec les personnages dans sa poche. C’est ce que j’avais ressenti, enfant, devant les Gremlins  ou E.T., une mélancolie mêlée à de l’émerveillement, que je retrouve aussi chez Miyazaki.

En quoi vous êtes-vous distingué des autres films d’animation?

On a refusé le faste pour rester dans l’économie, au plus près de l’émotion. J’adore le cartoon et les Pixar, mais on aurait été à côté de la plaque si on avait été dans l’expression théâtrale, les courses-poursuites, les blagues et les visages qui se déforment. J’assume une dimension «vieux film», à l’image parfois floue, tourné avec une vraie caméra. Il fallait une singularité, un côté décalé, sans tomber dans la surenchère.

Quelles ont été vos influences à l’écriture du livre?

Le Pinocchio de Carlo Collodi et le  Peter Pan de J.M. Barrie, plus complexe que celui de Disney, un enfant qui ne veut pas grandir parce que sa mère l’a abandonné. Il y a aussi évidemment du Petit Prince dans l’aspect initiatique et l’apprentissage effectué grâce aux autres personnages.

Et les influences du film?

Je voulais faire un vrai film, avec des références au western et à la romance. Je ne pensais pas vraiment à l’animation, mais plus à  Wes Anderson, à Dead Man de Jim Jarmusch, au Kid et aux  Lumières de la ville de Chaplin. L’humour presque noir, étonnant, je l’ai tiré des premiers dessins animés de Betty Boop, qui comportent une dimension érotique sans être provocante. Ce n’est pas parce qu’on est dans l’animation que tout doit être lissé. Le désir doit être pris en compte. Il est très présent dans les contes et souvent effacé dans les Disney. On s’est battu pour que le baiser du film soit intense et physique! Jack et la mécanique du coeur, de Mathias Malzieu et Stéphane Berla, en salles le 5 février. Avec les voix de Mathias Malzieu, Olivia Ruiz, Grand Corps Malade, Jean Rochefort, Dani, Alain Bashung, Rossy de Palma...

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