Déchets alimentaires : à quoi va servir le nouveau tri à la source ?

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Déchets alimentaires : à quoi va servir le nouveau tri à la source ?

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Déchets alimentaires : à quoi va servir le nouveau tri à la source ?

Muriel Bruschet, Ademe (Agence de la transition écologique)

Le 1er janvier 2024 est entrée en vigueur l’obligation, pour toutes les collectivités, de proposer à leurs habitants une solution de tri à la source et de valorisation de leurs biodéchets : autrement dit, de l’ensemble de leurs déchets alimentaires et déchets verts.

En France, les biodéchets représentaient en 2017 83kg par habitant et par an, correspondant à 1/3 de nos ordures ménagères. Précisons que l’enjeu actuel pour les collectivités porte surtout sur les déchets alimentaires, produits par toute la population ; les déchets verts étant dans la majorité des cas traités sur place ou grâce à des solutions déjà existantes.

Si elle exige pour les consommateurs et les collectivités de s’y adapter, cette nouvelle étape dans le tri des déchets est indispensable d’un point de vue énergétique et environnemental, puisqu’elle va d’une part éviter une incinération et un enfouissement qui n’avaient pas lieu d’être, et d’autre part générer des bénéfices environnementaux pour la production d’énergie et l’agriculture : ces biodéchets auront en effet deux destinations principales, les amendements organiques et le biométhane.

Où en est-on ?

La mise en place de cette réglementation est le fruit d’un long processus débuté il y a une dizaine d’années. En 2010, le Grenelle II de l’environnement initiait le processus, puis la loi de transition écologique pour la croissance verte du 17 août 2015 fixait une échéance de tri des biodéchets pour tous les producteurs (et non seulement les gros producteurs non ménagers) au 1er janvier 2025.


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L’Union européenne a ensuite repris cette mesure pour l’appliquer à l’ensemble des États-membres et en a avancé l’échéance à 2024. Les collectivités connaissaient donc le changement à venir depuis 2015. Pourtant, en décembre 2023, seuls 30 % de la population française, selon l’Agence de la transition écologique (Ademe), est couverte par une solution de tri à la source de ses biodéchets. Ce chiffre devrait atteindre les 40 % courant 2024.

Parmi les freins qui expliquent ce retard, on peut citer l’extension parallèle des consignes de tri pour la poubelle jaune à emballages. Certaines collectivités ont priorisé cette question, repoussant à 2024 celle des biodéchets. En outre, la loi n’étant pas punitive pour les collectivités qui ne mettraient pas en place ce tri, la seule sanction qui s’appliquent à elles est indirecte : la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), qui s’applique aux poubelles noires, augmente depuis 2019 et jusqu’en 2025 passant de 17€/tonne à 65€/tonne pour les installations de stockage de déchets non dangereux.

Les collectivités ont donc intérêt, en principe, à en diminuer le volume en sortant les biodéchets. Pourtant, la mise en place de la gestion de ce nouveau flux représente, elle aussi, un coût important pour la collectivité. Les solutions de tri à la source et la valorisation impliquent en effet des investissements, qui sont accompagnés par l’État via des fonds dédiés aux biodéchets, comme le Fonds vert en 2024.

Deux formes de tri à la source

Pour la mise en place du tri des biodéchets, deux choix s’offrent aux collectivités : la gestion de proximité ou la collecte – au porte à porte ou via des bornes d’apport volontaire proches de leurs logements, dans lesquels les citoyens viennent déposer leurs déchets.

Dans le premier cas, il s’agit d’un compostage individuel ou partagé dans les résidences où c’est adapté : les déchets sont compostés sur place – un processus d’une durée de 9 mois – puis sont utilisés par les habitants eux-mêmes sur leurs espaces verts – potager, plates-bandes, pots de fleurs, pelouse…

Dans le second cas, les biodéchets sont collectés et envoyés vers une unité de traitement : soit une compostière industrielle, soit un méthaniseur.

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Restes de repas, épluchures, coquilles d’œufs… Les déchets alimentaires étant assez spéciaux à traiter, les plates-formes doivent pour y être autorisées obtenir des agréments sanitaires : ce sont des ensembles de protocoles et de règles à respecter pour s’assurer qu’il n’y a aucun risque pour la santé des humains et des animaux (hygiénisation, montée en température et surveillance des potentiels pathogènes). Ces installations requièrent donc des équipements spécifiques.

Matière organique pour restaurer nos sols

Commençons par l’usage le plus répandu, à savoir le compostage. En plein air ou plus rarement à l’intérieur, la matière se transforme en compost au cours d’un processus qui dure entre 4 et 6 mois : l’activité des micro-organismes fait monter en température les biodéchets jusqu’à 70 °C, ce qui vient dégrader la matière organique. S’ensuivent des phases de maturation qui aboutissent à l’obtention d’une matière stable et d’un compost mûr.

Ce compost est ensuite revendu au milieu agricole et va servir à enrichir le sol en matière organique, afin de lui conférer une meilleure rétention de l’eau et limiter l’érosion des sols. Un enjeu crucial de préservation des sols et des cultures, dans un contexte de fréquence accrue des épisodes de sécheresse. Il diminue en parallèle les besoins en engrais, dont l’usage augmente à mesure que les sols se dégradent.

Méthanisation pour la souveraineté énergétique

L’autre possibilité pour la valorisation des biodéchets est la méthanisation : sous l’action de micro-organismes naturellement présents dans les biodéchets, la matière organique est dégradée lors d’un processus appelé fermentation anaérobique. Cette dégradation est réalisée en conditions contrôlées et en enceinte fermée qui permet l’absence d’oxygène, contrairement au compostage qui est une réaction aérobie.

De cette réaction est obtenue du biogaz ainsi qu’une fraction solide – le digestat – qui est généralement recompostée ou épandue directement sur des sols agricoles. Contrairement au compostage, la méthanisation ne monte pas suffisamment en température pour hygiéniser les déchets alimentaires. Les installations doivent donc investir dans des équipements supplémentaires pour cette étape obligatoire de traitement.

Cette production de biogaz, réinjectée dans les réseaux, constitue un substitut du gaz naturel importé et répond donc à un enjeu de souveraineté énergétique – le gaz naturel représente 16 % du mix énergétique en France et 42 % de notre consommation en chauffage.

Choix territorial, enjeu foncier et acceptabilité

Mais le choix va surtout répondre à des enjeux territoriaux. En effet, la répartition des unités de traitement déjà existantes s’inscrit dans une logique historique : dans les zones qui pratiquaient et pratiquent l’élevage, les méthaniseurs sont nombreux puisque le besoin en compost est faible tandis que la méthanisation permet de valoriser les effluents d’élevage ou les résidus de culture chez les céréaliers.

Dans le sud de la France, les plates-formes de compostage sont plus plébiscitées puisque les cultures sont plutôt maraîchères (vergers, viticulture, etc.). L’enjeu d’installation des plates-formes étant de bien s’assurer du besoin territorial de la matière produite, le but n’étant pas de produire du compost à Lille pour l’envoyer à Marseille.

Au fur et à mesure du développement de la filière émergent des enjeux importants sur le foncier avec une forte concurrence entre les secteurs : où installer les nouvelles plates-formes ? Comment adapter l’existant ? A cela se mêlent des enjeux d’acceptabilité, ces solutions pouvant générer des nuisances selon l’endroit où elles se trouvent. Généralement les installations de traitement de déchets sont éloignées des aires d’habitation.

À ce stade, aucune des deux n’est plus préconisée que l’autre. Des études menées par l’Ademe sont en cours sur l’analyse cycle de vie complète de chaque procédé afin d’évaluer les coûts environnementaux associés à chacun au regard des bénéfices qui en découlent.

Muriel Bruschet, Référente Nationale Biodéchets, Ademe (Agence de la transition écologique)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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