Un an après l’invasion de l’Ukraine, une insolente résilience de l’économie russe ?

Economie

Dans un supermarché de Moscou, le 12 décembre 2022. En 2022, l'économie russe ne s'est pas effondrée, mais elle a été en récession et le pouvoir d'achat des ménages a baissé. Oxana A/Shutterstock

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Un an après l’invasion de l’Ukraine, une insolente résilience de l’économie russe ?

Dans un supermarché de Moscou, le 12 décembre 2022. En 2022, l'économie russe ne s'est pas effondrée, mais elle a été en récession et le pouvoir d'achat des ménages a baissé. Oxana A/Shutterstock
Albert Lessoua, ESCE International Business School

Début 2022, l’économie de la Fédération de Russie comptait parmi les grandes économies du monde et affichait le 11? PIB mondial en 2021. Mais voilà que Moscou prit la décision de reconnaître l’indépendance des régions séparatistes du Donbass le 21 février puis de lancer l’invasion de l’Ukraine quelques jours plus tard, au mépris du droit international.

La réponse des pays occidentaux ne s’est pas fait attendre et s’est intensifiée tout au long de l’année. Sans se positionner comme cobelligérants, beaucoup de pays de l’OTAN ont misé sur une riposte économique : exclusion du système de réciprocité du commerce mondial, du réseau Swift et multiplication des sanctions jusqu’à la mise en place le 5 février dernier d’un embargo sur l’ensemble des produits pétroliers raffinés russes par l’Union européenne. Avec l’objectif, comme l’annonçait Emmanuel Macron dans son allocution du 2 mars 2022, que « les dirigeants russes entendent que le choix de la guerre mettrait leur pays au ban des peuples et de l’Histoire ».

Relativement fragilisée, l’économie russe a néanmoins présenté une certaine résilience en 2022. Loin de la situation catastrophique d’un recul de 8,5 % anticipée en avril par le FMI, sa croissance n’a connu qu’une récession de 2,2 %. Est même anticipée une légère croissance de 0,3 % en 2023. L’économie russe est-elle ainsi vraiment au plus mal ?

Une apparente résistance

Malgré ce contexte difficile lié aux sanctions des pays occidentaux, l’économie russe présente une certaine résilience. Elle s’appuie tout d’abord sur les mesures de protection prises par les autorités monétaires qui ont fait le choix de limiter l’augmentation du taux d’intérêt directeur pour le maintenir autour de 7,5 % et ce malgré une inflation qui a flirté avec les 14 % en 2022.

Les hauts historiques au printemps et à l’été atteints par les prix des hydrocarbures sur le marché mondial a également permis à l’économie russe de résister temporairement aux sanctions, compensant en valeur la baisse des volumes exportés.

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Un autre secteur économique non moins négligeable qui présente également les résultats favorables est celui de la Tech. Les géants russes VK et Yandex ont enregistré des chiffres d’affaires en hausse et ont pu renforcer leur positionnement sur le marché local après le départ des géants mondiaux du secteur.

Sur l’ensemble de l’année, l’économie russe a ainsi enregistré un excédent courant de plus de 227 milliards de dollars (plus de 12 % du PIB), une hausse significative de 86 % par rapport à 2021. Même si une partie du résultat s’explique par de moindres importations depuis les pays occidentaux en raison des sanctions, Moscou a aussi pu compter sur des échanges commerciaux toujours au plus haut avec Pékin.

Le tout a pu empêcher une crise financière et la faillite du système bancaire russe que l’exclusion du réseau Swift devait mettre à mal.

En matière de chômage, si l’on en croit l’agence statistique nationale Rosstat, l’économie russe est toujours considérée comme étant au plein emploi avec un taux de chômage qui s’est établi autour de 4 %.

Une bonne santé en trompe-l’œil ?

Les perspectives d’avenir ne sont cependant pas rassurantes pour l’ancien pays des tsars. Certes, les prévisions de croissance du FMI sont très légèrement positives pour 2023, mais l’économie se trouve plus que jamais structurellement dépendante des ressources énergétiques, qui représentent entre 15 et 20 % du PIB et 40 % du budget de l’État. La variation des cours a ainsi contribué au creusement du déficit public au mois de janvier.

L’entrée en vigueur le 5 février de l’embargo sur les produits pétroliers raffinés russes, complétant le plafonnement du prix du baril de brut en place depuis décembre, a vocation à peser toujours plus sur les revenus de Moscou. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, entend « faire payer Poutine pour sa guerre atroce » et renvoyer l’économie russe « une génération en arrière » avec des mesures coûtant « 160 millions d’euros par jour à la Russie ».

Pendant que Bruxelles réfléchit à un dixième paquet de sanctions, les difficultés rencontrées par l’économie russe pour exporter ses marchandises vers les pays occidentaux, mais aussi à importer les produits en provenance de ces pays, ne devraient pas cesser. Elles pèsent en particulier sur le secteur industriel, la construction mécanique et la métallurgie. L’industrie automobile souffre par exemple de l’arrêt des envois de pièces détachées depuis l’Europe, au point que Moscou autorise désormais leur importation sans l’accord des détenteurs de la propriété intellectuelle.

Outre les pénuries de consommations intermédiaires, la branche souffre également d’un manque de travailleurs avec la mobilisation de près de 300 000 soldats réservistes. Car c’est bien avant tout la guerre en Ukraine qui se trouve à la racine de ces difficultés.

Albert Lessoua, Associate professor in economics, ESCE International Business School

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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