Pour pratiquer les langues étrangères en vacances, quelles stratégies adopter ?

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Comment mener une conversation à peu près fluide dans une langue étrangère ? Pexels 

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Pour pratiquer les langues étrangères en vacances, quelles stratégies adopter ?

Comment mener une conversation à peu près fluide dans une langue étrangère ? Pexels
Pascale Manoïlov, Université Paris Nanterre – Université Paris Lumières

Les vacances sont là : à l’étranger ou au contact de touristes étrangers en France, vous pourriez être amené à utiliser une langue étrangère dans les semaines à venir. Or, comme pour beaucoup de Français, mener une conversation dans une autre langue relève au mieux du défi, au pire du cauchemar par manque de pratique.

Comment échanger avec l’employé grognon pour qu’il vous guide vers ce village si typique que vous rêvez de visiter ? Comment se lancer dans une discussion avec le pêcheur, la marchande ou la restauratrice pour découvrir les spécialités locales ? Comment aider efficacement ce touriste qui a perdu son portefeuille ?

Si ces situations mettent souvent les touristes face aux limites de leurs compétences en matière d’interaction orale, le temps des vacances est pourtant l’occasion idéale pour oser se lancer et développer sa pratique sans stress.

Mes recherches sur le fonctionnement des interactions en langue étrangère montrent que la prise de conscience de certaines stratégies permet de dépasser son anxiété langagière et de devenir plus efficace. Car chacun maîtrise des méthodes dans sa langue maternelle et en prendre conscience peut nous faciliter la tâche.

Une compétence sous-enseignée

L’interaction orale est l’activité langagière la plus utilisée dans nos communications quotidiennes (beaucoup plus que la rédaction ou la lecture) et pourtant c’est la compétence la moins enseignée et la moins étudiée.

Il existe plusieurs genres conversationnels : la discussion informelle ou formelle, l’échange d’informations, la négociation, l’interview, l’interrogatoire, le débat, etc. Or, la plupart des interactions auxquelles nous avons été formés au cours de notre scolarité se limitent pourtant au format d’interrogation. Souvenez-vous du fameux « Where is Brian ? » du sketch de Gad Elmaleh, auquel on répond traditionnellement : « Brian is in the kitchen ». Même si cet exemple tiré d’un manuel de 6e est quelque peu caricatural, la recherche montre que les échanges en milieu scolaire ou universitaire ont un format binaire du type question/réponse, peu propice à l’acquisition de compétences conversationnelle.

Comment alors se débrouiller en situation réelle pour mener une conversation à peu près fluide ou gérer les problèmes de communication ?

Avec l’Analyse conversationnelle, une approche scientifique issue d’une tradition sociologique – l’ethnométhodologie-, la recherche s’attache à identifier les méthodes mutuellement reconnaissables que les interlocuteurs déploient pour garantir qu’ils se comprennent. Car l’interaction orale est très codifiée : les participants à un échange ont recours à des ressources verbales et non verbales qui s’agencent et se complètent, sans qu’on y prête attention quand on s’exprime dans sa langue maternelle.

Ces enchaînements constituent des scripts qui sont appris dès la naissance et tout au long de la vie pour communiquer efficacement. Par exemple, les rituels (les anniversaires, les fêtes calendaires, les achats du quotidien) ou bien les procédés de réparation (les ajustements ou les corrections opérés dans un échange) présentent des schémas d’action, qui sont globalement stables dans leur organisation.

Malheureusement, la maîtrise de ces scripts ne se transfère pas automatiquement lorsqu’on échange en langue étrangère. Pour suivre le rythme d’une conversation, on doit réfléchir vite, à la fois au contenu de ce qu’on veut dire et à la manière dont on peut le dire. Faire les deux actions simultanément est difficile pour la plupart d’entre nous, faute de pratique régulière. On a alors souvent recours à des stratégies d’évitement ou de contournement. Par exemple, on reporte la responsabilité de mener la conversation sur ses enfants, au motif qu’ils étudient la langue et doivent s’entraîner pour passer des examens. Ou pire, on abandonne la discussion faute de pouvoir s’expliquer…

S’appuyer sur toutes les dimensions du langage

Les méthodes mises au jour par la recherche constituent des clés dont la connaissance peut aider à conduire des échanges prolongés et à gérer les problèmes de communication. Pour s’assurer d’une bonne intercompréhension, il faut s’appuyer sur toutes les dimensions du langage à savoir le verbal, le vocal et le mimo-gestuel.

La dimension verbale repose notamment sur les scripts que l’on maîtrise dans sa langue maternelle, c’est-à-dire les enchaînements réguliers et récurrents de tours de parole. Une question attend une réponse, une invitation donne lieu à une acception et des remerciements ou au contraire, à un refus et des excuses ou une justification.

Ces scripts sont liés aux situations et il est ainsi possible de se préparer mentalement en mobilisant en amont toutes les informations dont on va avoir besoin pour se concentrer sur la mise en mots au cours de la conversation. Par exemple, dans un office du tourisme, l’échange va commencer par des salutations d’accueil puis l’employé proposera son aide. Le touriste va alors s’enquérir des lieux à visiter et l’agent fera des propositions suivies de questions sur le temps disponible, les goûts ou l’âge des participants. La discussion se terminera sans doute par une dernière question pour vérifier que toutes les demandes sont satisfaites, puis par des remerciements et des salutations de départ.

En plus de ces schémas réguliers associés aux nombreuses situations de la vie quotidienne, on peut exploiter la dimension vocale de la langue. L’intonation et les variations du timbre permettent de distinguer une question d’une affirmation ou un compliment d’un reproche. La pause sonore « euh » indique que le locuteur cherche une idée ou ses mots tandis que « Mmh » assorti d’un hochement de tête vous encourage à poursuivre votre discours et marque une forme d’alignement. Il existe bien sûr des différences culturelles qui peuvent être source de malentendus mais l’expérience (par exemple tous les échanges Erasmus en Europe) montre que celles-ci peuvent être dépassées, d’autant que certaines émotions s’expriment de manière universelle (la joie, la colère, la surprise, etc.).

En effet, dans l’interaction, les mimiques et les gestes des interlocuteurs participent largement à la communication : un froncement de sourcil et on sait que notre interlocuteur n’a pas saisi ce qu’on voulait dire, tandis qu’un battement de la main associé à une hésitation montre que le locuteur cherche ses mots.

Différentes stratégies pour comprendre et s’exprimer

Au cours de l’échange, des problèmes de communication ne manqueront pas d’intervenir. Ils sont de deux ordres : comprendre et s’exprimer. Toute conversation donne lieu à ce type de difficultés. C’est lié à la nature même des interactions qui consiste pour tout locuteur à chercher à se faire comprendre en utilisant les moyens les plus efficaces possibles. Mais les intentions du locuteur se heurteront immanquablement aux représentations et aux attentes de l’interlocuteur qui peut ne pas saisir le sens exprimé ou l’interpréter différemment.

Les stratégies utilisées spontanément dans sa langue maternelle peuvent être alors utilement appliquées et développées en langue étrangère.

Lorsqu’on ne comprend pas son interlocuteur, on peut :

  • l’informer du problème et lui demander de répéter ou de reformuler ;

  • répéter ce qui vient d’être dit, ce qui permet à la fois de gagner du temps pour réfléchir et de vérifier qu’on a bien saisi ce qui a été dit ;

  • reformuler, avec d’autres mots, ce qui vient d’être dit pour gagner du temps de réflexion et vérifier de manière plus subtile qu’on a bien compris.

Lorsqu’on ne sait pas comment dire ce qu’on souhaite exprimer ou que l’on n’est pas compris (en raison d’une prononciation erronée par exemple), on peut :

  • utiliser des stratégies de compensation en paraphrasant, en expliquant, en mimant, en pointant des images, en donnant des exemples ;

  • indiquer qu’on a du mal à s’exprimer et demander de l’aide.

L’entraide entre des interlocuteurs qui s’expriment dans une langue étrangère est à privilégier car elle relève d’un principe de coopération qui est généralement très bien accepté. Le locuteur natif ralentit son rythme, patiente et aide volontiers le touriste qui essaie de s’exprimer. C’est pour cela qu’il faut oser se lancer dans une discussion et profiter de chaque opportunité pour interagir. La dextérité, la rapidité de réaction ou l’à-propos sont autant d’habilités qui s’acquièrent par la pratique. Prendre conscience de toutes les stratégies d’interaction que l’on maîtrise dans sa langue maternelle et s’attacher à les appliquer lorsqu’on échange dans une langue étrangère peut aider à lever certains freins.

D’aucuns pensent que les outils de traduction en ligne peuvent leur rendre service, mais en réalité ils sont peu propices à des conversations développées et fluides. Profitez des vacances pour vous jeter à l’eau et développer vos compétences d’interaction orale !

Pascale Manoïlov, Maitresse de Conférence en Linguistique Appliquée et Didactique de l'Anglais, Université Paris Nanterre – Université Paris Lumières

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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