Les mécanismes de capacité, qui autorisent les États à accorder des aides aux centrales les plus émettrices de CO2, ont été plafonnés après un accord au forceps. La Pologne, plus gros pollueur européen, a pourtant obtenu une clause dérogatoire au grand dam des défenseurs de l’environnement.
Après plus de 17 heures de négociations dans la nuit du 18 au 19 décembre, les 28 pays de l’UE sont enfin parvenus à trouver un accord sur la réforme très attendue du marché de l’électricité. À partir du 1er juillet 2025, les nouvelles centrales produisant plus de 550 grammes de CO2 par kilowattheure ne pourront plus bénéficier des « mécanismes de capacité », un système qui permet aux États de subventionner les centrales électriques pour pallier aux pics de consommation. Le seuil de 550 grammes exclut de fait les centrales au charbon. « Aujourd’hui, nous avons signé la fin du charbon en Europe », s’est félicité sur Twitter Miguel Arias Cañete, le commissaire européen au climat. « Les mécanismes de capacité ne seront plus utilisés comme subventions cachées aux combustibles fossiles très polluants, ce qui aurait été à l’encontre de nos objectifs pour le climat. »
Un coût de 32 milliards pour les contribuables
Cela faisait plusieurs années que les associations dénonçaient les « subventions cachées » aux énergies polluantes. Selon Greenpeace, les États européens ont versé, via ces mécanismes de capacité, 32,6 milliards d’euros aux centrales électriques ces 10 dernières années, dont 66 % pour les centrales à charbon. « Des dépenses largement inutiles qui maintiennent les prix des énergies fossiles artificiellement bas », dénonce l’ONG. L’Allemagne a par exemple déboursé 1,6 milliard pour maintenir en vie ses centrales à houille, alors même que ces dernières n’ont pas été utilisées lors de ses fameux pics de consommation. Idem en Bulgarie, où les centrales à charbon ont dû rester à l’arrêt l’hiver 2017 parce que l’eau nécessaire pour les refroidir… avait gelé.
La Pologne creuse une « énorme faille » dans l’accord
L’accord du 19 mars a été obtenu au forceps contre la Pologne, qui a tout fait pour faire capoter la mesure. Le pays, dont 80 % de l’énergie provient du charbon, est cependant parvenu à obtenir une dérogation taillée sur mesure : tous les contrats passés avant le 31 décembre 2019 seront ainsi exclus de l’accord, ce qui pourrait conduire à une sorte de « course aux contrats » d’ici cette date. « C’est une faille énorme – voire même un tunnel – dans lequel les États membres comme la Pologne et la Grèce vont se ruer pour profiter des douze mois restants », s’est ainsi alarmé Roland Joebstl, du Bureau européen de l’environnement (BEE). « Cela signifie que les subventions vont continuer au moins jusqu’en 2030 », regrette également l’ONG Climate Action Network (CAN).
Des objectifs climatiques ambitieux mais flous
L’accord des 28 ne suffira cependant pas à remettre l'UE sur la trajectoire d'une hausse des températures limitées à 1,5 °C, comme le prévoit l’accord de Paris. En 2017, les émissions de CO2 européennes ont encore augmenté de 1,8 % malgré les progrès des énergies renouvelables. L’objectif actuel de l’UE pour réduire les émissions globales pour 2030 est de 40 % par rapport aux niveaux de 1990. Insuffisant pour les Eurodéputés, qui militent pour un relèvement de l’objectif à 55 % afin de respecter l’accord de Paris prévoyant un réchauffement limité à 1,5 °C. Histoire de noyer le poisson, la Commission européenne a proposé fin novembre un ambitieux objectif « zéro carbone »… pour 2050.
Ce qu'il faut retenir
- Les mécanismes de capacité, permettant aux États de subventionner les centrales électriques, ont été limités de telle sorte qu’ils ne puissent plus bénéficier au charbon.
- La Pologne a obtenu une clause d’exemption pour prolonger artificiellement les aides.
- Les objectifs climatiques européens pour respecter l’accord de Paris font toujours l’objet d’intenses négociations.
Lire la suite : L’Europe va stopper les subventions aux centrales à charbon
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