Pourquoi manque-t-on de plus en plus d'eau alors que les pluies augmentent ?

Environnement

D’un côté, le réchauffement climatique entraîne des pluies de plus en plus abondantes. De l’autre, on observe des rivières à sec et des ressources en eau qui s’amenuisent. Comment expliquer ce paradoxe ?

La plupart des modèles climatiques mettent en évidence une augmentation des précipitations dans un climat qui se réchauffe. L’atmosphère peut ainsi transporter 7 % d'humidité en plus par degré supplémentaire, selon la relation de Clausius-Clapeyron. Cette humidité va ensuite se déverser brutalement lorsque la pluie se forme. Logiquement, cette eau additionnelle devrait venir alimenter les cours d’eau. Or, ce n’est pas le cas : le débit des précipitations ne se retrouve dans celui des cours d’eau que dans 36 % des cas, d’après une étude de 2015.

L’excès de pluie est directement absorbé par le sol desséché

Pour tenter de comprendre ce paradoxe, des chercheurs de l’university of New South Wales de Sydney (UNSW), en Australie, ont compilé les données de 43.000 stations de relevés météo et de 5.300 points de mesure des rivières dans 160 pays. Selon eux, le coupable est le sol de plus en plus sec. L’évaporation accrue ne se produit pas qu’au niveau des océans : les terres, elles aussi, voient leur précieuse eau s’échapper dans l’atmosphère. En conséquence, lors d’un orage, « l’excès de pluie est directement absorbé par le sol au lieu de d’écouler vers les rivières », explique Ashish Sharma, professeur en sciences environnementales à l’UNSW et principal auteur de l’étude.

Pour 100 gouttes de pluie qui tombent sur la terre ferme, à peine 36 vont directement alimenter les rivières, les lacs et nappes phréatiques (« eau bleue »), les deux tiers étant stockés sous forme d’humidité dans le sol (« eau verte ») et sont non disponibles pour un usage humain. Selon une précédente étude citée par les auteurs, des pluies tombant sur un sol humide vont ainsi drainer 62 % de l’eau vers les bassins versants, alors qu’un sol sec ne va en évacuer que 13 %.

Une conjonction de facteurs négatifs

D’autres phénomènes participent aussi à une moindre accumulation de « l’eau bleue ». L’augmentation de la température modifie, par exemple, la capacité de stockage des plantes et accroît l’évapotranspiration. Les pluies extrêmes, amenées à devenir de plus en plus fréquentes, ne parviennent pas non plus à remplir correctement les réservoirs car ces dernier sont rapidement saturés lors d’orages brutaux. Enfin, les précipitations additionnelles sont souvent très localisées, ce qui limite leur effet. D’autres facteurs pourraient encore jouer un rôle potentiel, comme la fonte plus précoce des neiges.

Inondations à la Nouvelle-Orléans après l’ouragan Katrina en 2005. © UNSW

Inondations à la Nouvelle-Orléans après l’ouragan Katrina en 2005. © UNSW

Le cercle vicieux des ressources plus rares et donc plus exploitées

Or, moins d’eau « bleue », cela signifie moins de ressources pour les villes, les cultures et l’énergie. « Avec des sols plus secs, les agriculteurs vont davantage pomper dans les rivières, ce qui aggrave encore leur état. Cette tendance s’observe dans le monde entier, prenant des proportions très préoccupantes dans des endroits déjà frappés par la sécheresse», s’inquiète Ashish Sharma. Dans les villes où les sols sont rendus imperméables, l’eau provoque des inondations sans recharger les nappes. En octobre, les Nations Unies ont lancé une alerte sur le coût des catastrophes climatiques dans le monde, passé de 1.130 milliards d’euros entre 1978 et 1997, à 2.521 milliards la décennie suivante, la plupart de ces catastrophes étant liées à des inondations ou des tempêtes.

Ce qu'il faut retenir
  • Malgré la hausse des précipitations due au réchauffement climatique, les bassins versants ne se remplissent pas davantage.
  • Le sol asséché absorbe une part de plus en plus importante des pluies.
  • Cette eau manquante amène à pomper encore davantage dans les réservoirs, déjà en danger.

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