Spécialiste de la nutrition, le docteur Arnaud Cocaul nous propose un rendez-vous mensuel pour des conseils avisés. Le sujet de ce mois : les régimes ne fonctionnent pas. On observe 95 % d'échecs au bout de cinq ans et, à échéance d'un an, 8 sujets sur 10 ne maintiennent pas une perte de poids de 10 %. Logique, explique-t-il, car notre corps est programmé depuis très longtemps pour s'adapter à des périodes de disette. Il n'est pas passif : il réagit quand la prise de nourriture est brutalement réduite ou modifiée.
Tout semble fait dans notre corps pour nous reconduire à notre poids maximum et nous y installer durablement en confortant ce poids. Différents mécanismes explicatifs sont invoqués. On peut citer l'insulinorésistance, des modifications dans l'expression de nos gènes (l'épigénétique) variant selon les individus, des voies hormonales impliquant le rassasiement ou au contraire la stimulation de l'appétit.
Le tissu adipeux ne peut être ignoré dans la responsabilité à la reprise de poids. Lorsque la perte de poids s'enclenche, le volume des cellules adipeuses diminue du fait d'un moindre stockage d'énergie sous forme de triglycérides. On évoque un stress entre le contenu cellulaire et la matrice extracellulaire qui l'entoure (source : Lecerf J. M., Nutr Clin Metab, 2013 ; 27(2) : 84-81). Il faudrait que la matrice se remodèle afin d'effacer ce stress, ce qui n'est pas évident. En tout cas, nous ne disposons pas dans notre pharmacopée actuelle de médicaments le permettant.
Un régime amaigrissant est une violence pour le corps
La voie la plus simple dont dispose notre corps consiste à restocker. Notre organisme sait très bien le faire. Depuis de nombreux millénaires, il a appris à stocker en prévision des pénuries alimentaires (je rappelle que la pénurie des temps modernes s'appelle dans les pays occidentaux le régime).
Nos adipocytes peuvent voir leur taille augmenter jusqu'à 50 fois. Donc ils connaissent le phénomène de l'accordéon et savent en jouer à fond. Les variations de poids avec le phénomène de yoyo peuvent devenir incessantes. Le restockage des graisses sous forme de triglycérides est donc la solution la plus appropriée pour notre organisme.
Les sujets en obésité s'adaptent à leur embonpoint, y compris en refaçonnant leur organisme. Ce phénomène adaptatif peut concerner la façon dont ils réagissent aux variations pondérales.
Ainsi, on observe chez les obèses un stress cellulaire au niveau de leur graisse sous-cutanée, qui peut être la conséquence ou la cause de la reprise de poids. Ce sont des gènes qui s'expriment et favorisent cette reprise de poids, en particulier les gènes de la dynamique des filaments d'actine (situés dans la matrice entourant les cellules adipeuses) et les gènes du contrôle de la glycémie, impliqués dans la détection des nutriments. On pourrait penser que des gènes complotent pour faire en sorte que la reprise de poids apparaisse comme inéluctable. Une résistance à l'amaigrissement peut s'instaurer au fil du temps. On sait que les obèses disposent d'une sorte de gangue fibreuse autour des cellules adipeuses les rendant en quelque sorte imperméables aux injonctions amaigrissantes.
Dans cette affaire, cependant, on ne sait pas quelle est la poule et quel est l'œuf. Ce qui paraît de plus en plus évident, c'est qu'il faut éviter de violenter notre organisme par des régimes drastiques et que toute perte de poids doit se faire en douceur sous peine de réveiller des mécanismes de sécurité internes qui nous maintiennent coûte que coûte à notre poids maximal. Perdre du poids est donc compliqué et il vaut mieux en cas de prise de poids ne pas s'y installer trop longtemps sous peine de modifier durablement et intrinsèquement notre organisme. Ce n'est pas le fait d'être en obésité qui tue, c'est le yoyo qui enclenche des maladies multiples. Notre corps l'a compris depuis longtemps. Il serait temps que nous cessions de maltraiter notre corps par des pertes de poids brutales qui ne seront quasiment jamais stabilisées.
Lire la suite : Le RV du docteur Cocaul : l'échec des régimes
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