Nous autres, êtres humains, sommes actifs la journée et nous reposons la nuit. Notre bon fonctionnement physique et psychique est très dépendant de cette alternance de périodes d’activité diurnes et de récupération nocturnes.
De quelle façon ? Comment s’assurer malgré tout de garder un repos de qualité ?
Les cycles de sommeil
On sait aujourd’hui que le sommeil est impliqué dans de nombreux processus physiologiques. Il est par exemple partie prenante des fonctions de régénération cellulaire et tissulaire, de développement cérébral et immunitaire. Il joue également un rôle dans les processus de consolidation des souvenirs.
Le sommeil se décompose en plusieurs phases, qui constituent un cycle : le sommeil lent léger, le sommeil lent profond et le sommeil paradoxal. Le sommeil lent léger correspond à un stade intermédiaire entre la veille calme et le sommeil, et représente environ 50 % de la durée totale de sommeil. Le sommeil lent profond représente environ 25 % du temps total de sommeil ; il s’agit du sommeil le plus récupérateur sur le plan physique. Enfin, le sommeil paradoxal est animé par nos rêves et représente 20 à 25 % du temps totale de sommeil. Il doit son nom au contraste entre une activité cérébrale intense, comparable à celle observée au cours de la veille, associée à une absence de tonus musculaire.
Tandis que chez le jeune adulte, les différents stades de sommeil s’enchaînent de façon stable au cours de la nuit, chez le sujet âgé, le sommeil se fragmente.
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Les éventuelles conséquences d’un manque de sommeil chronique ne doivent donc pas être ignorées. Elles peuvent être diverses : fatigue permanente, problème de concentration, morosité, mélancolie, irritabilité ou encore réduction de la résistance immunitaire.
Pourquoi le sommeil se complique-t-il avec l’âge ?
Chaque problème de sommeil est différent, et plusieurs facteurs peuvent expliquer la fréquence plus élevée de survenue de difficultés à dormir avec le vieillissement.
L’existence de problèmes de santé peut être une explication. En effet, la prise de certains médicaments peut causer des perturbations du sommeil. L’état émotionnel peut aussi être en cause : anxiété, stress, dépression ou ruminations dégradent la qualité du sommeil. Au moment de la retraite, le changement de mode de vie et de repères sociaux peut aussi avoir des conséquences.
Par ailleurs, il faut savoir que le vieillissement « normal » s’accompagne d’une désynchronisation de l’horloge biologique liée à la diminution de la plasticité et des capacités d’adaptation de l’organisme du sujet âgé. Ce dérèglement peut se traduire par une heure de coucher anticipée et un réveil plus précoce le matin. La diminution du niveau d’activité physique et l’augmentation de la sédentarité peuvent aussi dégrader la qualité du sommeil. Enfin, à mesure que l’on avance en âge, le risque de survenue de pathologies du sommeil (telle que le syndrome d’apnées obstructives du sommeil) augmente.
La lumière, une solution pour garder un sommeil de qualité ?
Les plaintes associées au déclin du sommeil lié à l’âge aboutissent souvent à la prescription de somnifères. Or, leurs effets secondaires peuvent altérer la qualité de vie des personnes âgées, en diminuant les capacités mentales, en détériorant la coordination motrice et en augmentant le risque de chutes.
La lumière est en effet considérée comme le synchroniseur le plus puissant pour l’horloge biologique et permet de maintenir et de remettre à l’heure nos rythmes, par exemple de régler nos heures de coucher et de lever. Elle permet aussi de réguler des cycles auxquels nous ne pensons pas ou que la plupart des personnes ignorent : les rythmes de l’humeur et des performances cognitives, notamment les capacités de réflexion et d’attention. Ainsi, selon l’heure de la journée et la qualité de notre nuit précédente, nous sommes plus irritables, ou au contraire, plus attentifs et efficaces dans des tâches nécessitant une réflexion intense.
La luminothérapie est un traitement des troubles du rythme veille-sommeil qui peut être utilisé dans des situations telles que le décalage horaire, le travail de nuit ou posté, le syndrome d’avance de phase, ou la cécité. Concrètement, il s’agit de s’exposer à la lumière de lampes de haute intensité pendant une période recommandée. Attention toutefois : si la période d’exposition n’est pas pratiquée au bon moment (trop tôt ou trop tard dans la journée), des troubles du sommeil peuvent survenir. Par ailleurs, ce type de thérapie peut être déconseillée aux patients présentant une pathologie oculaire ou traités par des médicaments photosensibles. De ce fait, l’avis d’un ophtalmologiste est recommandé.
Les bienfaits de l’activité physique s’étendent aussi au sommeil
L’activité physique est connue pour ses nombreux bienfaits : amélioration de la condition physique et de la santé cardiovasculaire, prévention de la douleur chronique, amélioration du fonctionnement immunitaire, effet anxiolytique et antidépresseur. Mais on sait peut-être moins qu’elle permet aussi d’améliorer la qualité du sommeil.
En effet, l’activité physique joue le rôle de synchroniseur du rythme veille-sommeil : elle renforce le contraste entre les périodes de veille, où l’on est censé être actif, et les périodes de repos et de sommeil, où l’on est censé dormir. De plus, l’exercice augmente la « bonne » fatigue, tout en diminuant l’anxiété qui a tendance à alimenter des ruminations le soir, au moment du coucher.
Le vélo, comme les autres activités qui augmentent les rythmes cardiaque et respiratoire, peut aider à mieux dormir.DESIGNECOLOGIST / Unsplash
De manière générale, les personnes âgées qui pratiquent une activité physique plutôt à dominante aérobie – c’est-à-dire une activité induisant une augmentation du rythme cardiaque et respiratoire – telle que la marche nordique, le longe-côte, le vélo, la randonnée, etc. – rapportent qu’elles s’endorment plus rapidement, qu’elles dorment plus longtemps et que leur sommeil est de meilleure qualité. L’Organisation mondiale de la Santé recommande d’ailleurs aux personnes âgées de pratiquer au moins 150 à 300 minutes d’activité physique aérobie modérée par semaine.
D’autres pistes en cours d’évaluation
La recherche progresse et d’autres thérapeutiques non médicamenteuses se développent. Une d’entre elles en particulier mérite toute notre attention, il s’agit de la stimulation vestibulaire.
Le système vestibulaire se situe dans l’oreille interne et nous permet de sentir les accélérations que subies par notre tête. Il nous permet de savoir comment elle est inclinée, ce qui nous renseigne sur notre position (debout, allongée, sur un côté, etc.), ainsi que comment elle bouge, et avec quelle intensité.
L’exposition de l’oreille interne à un léger courant électrique permet de stimuler le système vestibulaire de manière artificielle. Cette stimulation vestibulaire a déjà montré des effets bénéfiques sur l’équilibre, l’humeur et le sommeil, qui sont trois fonctions altérées avec l’avancée en âge. Bien que cette piste nécessite encore des recherches approfondies, elle pourrait rapidement devenir une nouvelle thérapeutique incontournable.
En attendant cette confirmation, pour avoir un bon sommeil, il est d’ores et déjà vivement recommandé de s’exposer suffisamment à la lumière et de pratiquer une activité physique régulière, et ce, quel que soit votre âge ! Si jamais cela s’avère insuffisant, il ne faut pas hésiter à consulter un médecin, qui déterminera la pertinence de recourir à d’autres approches, comme la psychothérapie, ou envisagera des analyses pour dépister d’éventuelles pathologies.
Emma Milot, Doctorante en Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives - Laboratoire COMETE U1075 INSERM/Unicaen, Université de Caen Normandie et Marc Toutain, Doctorant en Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives - Laboratoire COMETE U1075 INSERM/Unicaen, Université de Caen Normandie