L’invention des colonies de vacances : apprendre à grandir ?

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L’invention des colonies de vacances : apprendre à grandir ?
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L’invention des colonies de vacances : apprendre à grandir ?

Eric Carton, Université Côte d’Azur

Comme chaque année, au début des vacances d’été, des centaines de milliers de jeunes vont préparer leurs valises (ou leurs sacs à dos) pour partir en colonie de vacances.

On appelle couramment « colonie de vacances » (ce terme n’est plus juridique) les séjours organisés pendant les vacances scolaires pour les enfants de 3 à 17 ans. Ces séjours, sans les parents, d’une durée de une à trois semaines sont organisés par des associations, des collectivités, des sociétés… et encadrés par des personnels qualifiés sous la responsabilité de l’État.

Ces colonies de vacances existent depuis près de 150 ans. Le nombre de journées/enfants (6-14 ans) a été en progression jusqu’aux années 1960-1970. Ensuite, les colonies de vacances ont perdu chaque année des journées d’ouverture, voire des participants.

Pour faciliter les départs et relancer la dynamique de séjours a été créé en 2024 le « Pass colo », une aide financière pour les enfants de 11 ans (nés en 2013) allant de 200€ à 350 €.

L’invention des colonies de vacances

Les colonies de vacances sont nées à la fin du XIXe siècle. Si certains chercheurs proposent différentes origines aux colonies de vacances en s’appuyant sur des structures existantes auparavant, c’est souvent le pasteur Bion qui en est présenté comme l’inventeur. Ce serait d’ailleurs lui qui leur a donné leur nom, « Ferienkolonien ».

En 1876, ce pasteur de Zurich, en Suisse, constate que des enfants de la ville étaient chétifs, malingres… alors que les enfants de la campagne étaient en meilleure santé. Il décide alors d’amener 68 enfants de Zurich sur le plateau d’Appenzell durant les mois d’été. Il continue les années suivantes et impulse un mouvement dans de nombreux pays d’Europe.

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Très vite, il a existé deux types de colonies : le placement familial, par groupes de deux ou trois enfants dans une famille, le plus souvent paysanne ; la colonie collective, les enfants logent tous dans la même structure. Elles ont fonctionné en même temps jusqu’aux années 1940, où le placement familial a quasiment disparu.

En colo, il fallait grandir et grossir. C’est pour cela que l’on pesait et mesurait les enfants en début et en fin de séjour. C’est aussi pour cela qu’il fallait que la colonie dure longtemps – de trois semaines à deux mois, suivant les organisateurs.

En 1881, le pasteur Lorriaux a organisé la première colonie de vacances française (de type placement familial). Il a été suivi par des Caisses des Écoles, notamment Parisiennes sous le nom de colonies scolaires. Elles étaient laïques. Les catholiques ont, à leur tour, créé des colonies de vacances en emmenant les enfants de leurs patronages et de leurs écoles. Il y a eu ensuite des colonies aux origines politiques (à partir des années 1930), de gauche surtout, mais aussi d’extrême droite.

Enfin certaines entreprises, avant même la création des comités d’entreprises, ont organisé des séjours tout comme diverses administrations pour leurs personnels ou leurs bénéficiaires, et puis des initiatives plus indépendantes comme des associations de quartier…

Cassy, colonie de vacances chez nous (entre 1900 et 1905). Drault/Wikimedia

Les premières colonies de vacances étaient organisées à proximité des communes organisatrices, parfois à seulement 10-15 km. Il faut dire que les campagnes n’étaient pas loin des villes. Avec l’amélioration des transports, les billets collectifs pour le train… les colonies ont pu s’éloigner, permettant ainsi d’aller à la mer ou à la montagne.

Il a fallu attendre le décret-loi du 17 juin 1938, pour avoir un texte constituant la base de leur réglementation. L’article 1er précise que les enfants hébergés en colonie de vacances sont placés sous la protection de l’autorité publique. Ce texte n’indique ni la durée, ni les effectifs minimums pour être une colonie de vacances.

Le texte actuel ne fait plus référence aux colonies de vacances, mais aux séjours de vacances. Il a gardé le même principe : l’enfant est placé sous la protection de l’État, représenté par le ministère en charge de la jeunesse. Par contre, les séjours comprennent au moins sept mineurs, la durée de l’hébergement est supérieure à trois nuits consécutives. Il existe une réglementation particulière (bâtiments, alimentation, encadrement…) afin d’assurer la sécurité des séjours.

Les colonies sont encadrées par un directeur et des animateurs. Ils doivent être titulaires de brevets spécifiques, le plus connu est le brevet d’animateur : le BAFA. qui a été attribué certaines années à plus de 50 000 personnes. Cette courte formation est accessible depuis peu dès l’âge de 16 ans. Pour la valider, il faut avoir suivi deux sessions théoriques de huit et six jours et un stage pratique de quatorze jours.

Sports de plein air et activités ludiques

Les activités que l’on faisait ont changé au fil du temps.

Les enfants ont pratiqué des sports de plein air, avec notamment la gymnastique, mais aussi des jeux d’extérieurs, comme le « jeu des barres », puis les grands jeux (courses au trésor, jeux de piste) à thèmes variés (moyen âge, espace, personnage connu…).

Les balades permettaient de se rendre sur un site ou simplement de se promener. Les randonnées comprenant le repas de midi étaient comme des excursions qui permettaient de voir un lieu particulier, un sommet…

Lors d’ateliers, les participants ont réalisé de nombreux objets. Cela a commencé par des travaux de couture, des objets taillés en bois. Dans les années 1950, les colos ont investi dans des matériaux comme le plâtre, la terre (poterie), le bois (découpe et pyrogravure), la peinture, le raphia… Dans les années 1970, les activités manuelles se sont enrichies du rotin (petite vannerie), des scoubidous, des bougies… Les années 1990 ont vu s’implanter la « pâte à sel ».

1966 : Une journée à la colonie de vacances (Archive INA).

Pendant les soirées, les veillées étaient fréquentes, voire quotidiennes. On y faisait des petits jeux, des mimes, des marionnettes, du théâtre d’ombre, de la lecture… On chantait beaucoup.

L’équipe d’animation organisait parfois des journées à thème comme les Jeux olympiques et des spectacles (qui sont parfois devenus une boum, depuis les années 1980).

Enfin, il y a toujours la sieste, devenue souvent un temps calme d’après le repas. Elle permet de compléter les longues nuits et de discuter, de lire, d’écrire…

Les colonies ont toujours su suivre la modernisation de la société, notamment les évolutions technologiques. Ainsi, en colo, les enfants ont fait du théâtre (avec les jeux dramatiques), pris et développé des photos, assisté à des projections de films fixes puis animés, écouté des disques, fait des diaporamas, de l’informatique…

Heureusement, les difficultés rencontrées par les enfants d’aujourd’hui ne sont plus les mêmes qu’il y a plus d’un siècle. Les premiers participants étaient principalement des enfants pauvres, mal nourris et vivants dans des logements insalubres. Quelques semaines de bon air devaient leur permettre de faire le plein d’énergie pour éviter les maladies, et notamment la tuberculose.

Les colonies sont devenues des éléments essentiels des vacances, surtout pour les enfants qui ne partaient pas en famille. De nombreux enfants sont, à compter des années 1950, partis chaque année passer 3 semaines ou un mois dans « leur » colonie.

Dans les années 1980, l’augmentation du tarif des colonies de vacances a progressivement éloigné les enfants des classes moyennes alors que les enfants des familles aisées ou fortement aidées pouvaient financer ces séjours. La diminution des prises en charge par des comités d’entreprises a éloigné des colos les familles ouvrières et/ou d’employés.

Une grande diversité de séjours d’enfants et d’organisateurs

Les colonies d’aujourd’hui ont bien changé. Elles respectent toutes les mêmes normes concernant les locaux, le personnel, le taux d’encadrement… Elles sont contrôlées par des inspecteurs du ministère en charge de la jeunesse.

Il existe de nombreux types de colonies de vacances : des séjours à thèmes ; des séjours à l’étranger ; des séjours plus locaux, accès sur la notion de vacances, ou de développement de l’autonomie ; des séjours basés sur des activités. Les séjours sont parfois nationaux, accueillant des enfants venus de toute la France, ce qui entraine une organisation importante pour gérer des transferts.

Les colonies de vacances (Karambolage, Arte, 2023)

Le profil des organisateurs a aussi changé. Il y a moins de comités d’entreprises et de municipalités, il y a toujours des associations mais il y a en plus quelques sociétés commerciales. Le tarif des colonies de vacances est de plus en plus élevé, mais il reste des aides possibles notamment avec le Pass’colo et les colos apprenantes.

Après une chute importante due au Covid, le nombre de départs d’enfants en colonie de vacances n’avait pas, en 2022-2023 retrouvé le niveau de 2018-2019. Il y a eu durant l’année 2022-2023, environ 25 000 séjours pour un total de 800 000 départs (un même enfant peut avoir fait plusieurs séjours).

Les colonies de vacances d’aujourd’hui répondent à de nombreuses nécessités. La première est le droit aux vacances pour tous les enfants qui ne partent pas durant les mois d’été dont nombreux sont ceux qui restent durant deux mois dans des centres de loisirs qui sont, le plus souvent, dans leurs écoles.

Les colonies permettent aussi de pratiquer des activités que l’on ne fait pas chez soi ou avec sa famille. Et puis les colonies ont permis et permettent toujours d’apprendre à vivre en collectivité, à partager sa chambre, à acquérir de l’autonomie… à grandir tout simplement.

Eric Carton, Chercheur associé au laboratoire TransitionS, Université Côte d’Azur

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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