Le jeu vidéo est la plus jeune industrie culturelle, mais aussi la plus importante, avec un marché supérieur à ceux de la musique et du cinéma réunis. La professionnalisation de ce divertissement a donné lieu à une nouvelle activité économique : l’e-sport.
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Pourtant, dans certains pays en développement, l’e-sport est un moyen de favoriser la diversité, de valoriser les communautés, et de permettre l’ascension sociale. Bien que les ressources et les infrastructures y soient moins importantes, neuf des vingt pays qui dominent l’e-sport en termes de revenus sont des pays émergents : la Chine, la Russie, le Brésil, l’Ukraine, la Thaïlande, la Pologne, Taïwan, les Philippines, et la Malaisie. Près de la moitié des revenus mondiaux de l’e-sport proviennent de ces pays émergents. Cet article se focalise sur les pratiques au Brésil et en Inde.
L’e-sport mobile dans les favelas du Brésil
Au Brésil, l’accès à Internet est à la fois coûteux et très rudimentaire en périphérie des grandes villes et le matériel informatique coûte plus cher que dans les pays occidentaux avec un salaire minimum proche de 200 euros. Grâce au jeu mobile, le Brésil est le deuxième pays au monde juste après les États-Unis qui a le plus de spectateurs uniques mensuels sur Twitch avec 16,9 millions. Les adolescents des favelas et des quartiers populaires voient dans l’e-sport un moyen de sortir de la pauvreté. Ils forment des communautés de joueurs où ils s’entraident pour progresser et s’efforcent de créer un écosystème favorable dans lequel ils pourront générer des revenus.
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PlayHard a recruté les meilleurs jeunes joueurs de Free Fire et convaincu les parents et les marques du potentiel de l’e-sport pour développer Loud. PlayHard souhaite favoriser une meilleure visibilité de la population noire sous-représentée parmi les streamers et créateurs de contenus. Il a particulièrement encouragé les jeunes femmes à devenir pro-gameuses, ayant perçu le fort potentiel commercial de l’e-sport féminin. En 2023, Loud a annoncé la formation d’une équipe inclusive composée de femmes cisgenres et transgenres, et de personnes non binaires. Loud est aussi à l’initiative de nombreuses actions humanitaires dans les favelas pour fournir du matériel informatique aux enfants et aux jeunes et leur proposer des formations aux nouvelles technologies numériques.
Au Brésil, l’e-sport détrône le football dans les favelas.
L’Inde est aujourd’hui le pays le plus peuplé du monde, ayant dépassé la Chine en 2022, avec 1,4 milliard d’habitants, dont plus de 370 millions de jeunes entre 10 et 25 ans. L’Inde souffre d’un niveau élevé de pauvreté et d’analphabétisme. Le taux de chômage des jeunes dépasse 40 %. Même les titulaires d’un master ont du mal à trouver un emploi et, lorsqu’ils y parviennent, le salaire est très bas, ce qui les empêche de subvenir à leurs besoins. Les taux d’équipement en ordinateurs et consoles sont très faible, mais il y a 800 millions d’utilisateurs de smartphones, ce qui explique que l’e-sport soit essentiellement mobile.
Free Fire India, la version spécialement conçue pour l’Inde.
L’un des avantages de l’Inde dans le domaine de l’e-sport est que le coût de l’accès à Internet est l’un des plus bas au monde. YouTube y est très puissant avec environ 450 millions d’utilisateurs actifs. En plus des 22 langues officielles, plus de 200 langues autochtones et des milliers de dialectes y sont parlés. Les marques souhaitent accéder à des ambassadeurs capables de promouvoir leurs produits dans les principales langues et à travers différentes communautés. Cela rend les streamers et les champions d’e-sports particulièrement intéressants d’un point de vue marketing, car ils peuvent générer un taux d’engagement très élevé de manière inclusive en termes de genre, de caste, de religion, et d’origine sociale.
C’est ce que propose Tushaar Garg, le fondateur et PDG de StreamO et Irony Esports. Expert en marketing sportif, il a travaillé pour plusieurs institutions, dont l’Indian Premier League Cricket, la plus grande ligue sportive d’Inde. En août 2020, il crée StreamO, une entreprise visant à développer de nouveaux espaces de rencontre inclusifs centrés sur le jeu vidéo, à faciliter la formation de communautés de super fans de champions d’e-sport, à aider à monétiser le contenu des créateurs dédiés au jeu vidéo et à connecter les marques avec des publics jeunes ayant un haut niveau d’engagement.
Ces marques incluent Amazon Prime, Netflix, Hyudai, Intel, Sony, Spotify et Puma. Plus de 5200 youtubeurs travaillent avec StreamO, ce qui représente plus de 100 millions d’abonnés. Grâce à StreamO, les streamers peuvent multiplier leur monétisation entre 10 et 20, selon la taille de leur communauté, ce qui leur permet de devenir eux-mêmes entrepreneurs, de développer leur structure, et d’avoir un impact positif sur la société et l’économie.
Des modèles à suivre
Bien que l’e-sport ne soit pas un exemple d’inclusivité en France et plus généralement dans les pays occidentaux, il est remarquable de constater que dans des pays comme le Brésil et l’Inde, des entrepreneurs audacieux utilisent le jeu vidéo comme un levier pour favoriser le développement social et la diversité. Malgré un manque de moyens et une maturité moins élevée, les efforts qui sont menés pour mettre en œuvre ces bonnes pratiques favorisent une société plus juste et plus inclusive dans ce secteur en plein essor.
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