Chronique. Il y a quatre-vingt-dix ans, René Magritte invitait à s’interroger sur la réalité des choses avec sa Trahison des images, son célèbre tableau accompagné de la légende : « Ceci n’est pas une pipe. » L’intention du surréaliste belge était de donner à constater que l’image d’un objet n’est pas cet objet et attirer l’attention sur les rapports parfois trompeurs entre les mots et leur représentation. Cette réflexion sur le décalage entre perception et réel peut se révéler utile à propos de la réforme de la SNCF. Le dessin tracé par le gouvernement va-t-il vraiment bouleverser notre système ferroviaire ? A ce stade, la tentation est grande d’apposer sous le texte, adopté définitivement par le Parlement, la mention : « Ceci n’est pas une réforme. »
Ce qui a été présenté comme un « big bang » de la vieille Société nationale des chemins de fer français a été rondement mené. Il n’a fallu que quatre mois au gouvernement pour faire voter une loi décriée par les syndicats, mais dont la philosophie est globalement soutenue par une majorité de Français. Du modèle allemand, invoqué pour justifier la réforme, Emmanuel Macron a notamment retenu la stratégie du Blitzkrieg, la « guerre éclair », qui consiste à frapper vite et fort pour subjuguer l’ennemi et obtenir sa reddition inconditionnelle.
Pour avoir une chance de réussir, une réforme doit recueillir un minimum d’assentiment de la part des principaux concernésLa méthode a été efficace pour accoucher d’un texte sur lequel bien d’autres avant M. Macron s’étaient cassé les dents. Tous les tabous – remise en cause du statut de cheminot, transformation de l’entreprise en société anonyme, filialisation du fret et des gares – sont tombés un à un sans que la trouvaille de la grève perlée n’empêche quoi que ce soit. Mais les bouleversements sont-ils aussi profonds que la frustration de la CGT et de SUD-Rail pourrait le laisser supposer ? Rien n’est moins sûr. Il y a encore...