L'étude des conditions de formation des plus vieilles roches connues à ce jour, des gneiss trouvés dans la région d'Acasta au Canada, laisse penser qu'elles ont une origine étonnante. Elles se seraient formées à faible profondeur sous l'effet de la chaleur produite par l'impact d'un corps céleste d'au moins 10 kilomètres de diamètre.
La Terre n'a presque pas conservé d'archives géologiques de ses 500 premiers millions d'années, c'est-à-dire à peu près la période géologique appelée l'Hadéen. Ce qui n'a pas empêché géologues, géochimistes et géophysiciens d'établir qu'entre -4,568 et -4,4 milliards d'années, notre planète a formé son noyau et son manteau, et qu'il a existé pendant un temps un gigantesque océan magmatique global.
De plus, les géologues ont tout de même retrouvé des restes d'anciennes roches magmatiques (des granitoïdes) métamorphisées en gneiss à Amitsôq au Groenland. Selon les estimations des géochimistes, elles seraient âgées de 3,82 milliards d'années. Le site d'Acasta au Canada permet de faire mieux et c'est pourquoi il est, lui aussi, célèbre dans le monde de la géologie.
Il fait partie de la formation dite en anglais du Slave Craton dans le nord du Canada, au nord de la ville de Yellowknife et du Grand lac des Esclaves et il contient des gneiss rubanés qui sont parmi les plus anciens morceaux de croûte continentale connus sur Terre à ce jour. Or, justement, certains semblent même âgés de 4 milliards d'années et plus.
Les gneiss d'Acasta, des témoins de la formation des premiers continents
Ainsi, il y a quelques années, un gneiss tonalitique en provenance d'Acasta a d'ailleurs fait parler de lui. Baptisé Idiwhaa (ancien, dans la langue des autochtones de la région d'Acasta, le peuple tlicho), ce type de gneiss semble âgé de 4,02 milliards d'années, ce qui est le record pour une roche mais pas pour certains cristaux, comme les zircons, dont certains ont quelques centaines de millions d'années de plus.
Les gneiss de type Idiwhaa montrent un enrichissement en fer, des anomalies négatives en europium et d'autres caractéristiques. Les abondances de terres rares et des isotopes de l'oxygène trouvés dans les zircons magmatiques présents dans ces gneiss ne correspondent pas, en plus, à des roches ignées archéennes typiques. Elles sont en revanche très semblables à celles des roches sialiques de l'Islande. Les géologues en ont déduit qu'il s'agissait d'une preuve directe que les premiers continents se sont probablement bien formés dans un contexte tectonique similaire à celui de l'Islande.
Une présentation d'un des prospecteurs de roches dans la région où se trouvent les gneiss de la rivière Acasta. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Jeremyemerson123
L'effet de l'impact d'un corps céleste de 10 à 100 km de diamètre
Une autre perspective vient d'être apportée par une nouvelle étude de Idiwhaa publiée dans le journal Nature Geoscience.
Une équipe de chercheurs en Australie et en Chine a modélisé les conditions de pression et de température nécessaires pour produire les gneiss de type Idiwhaa. Ils sont alors tombés sur une surprise, car ces roches felsiques (roches riches en silice et quartz) à la composition bien particulière se seraient formées à des pressions peu élevées, celles que l'on trouve seulement à environ trois kilomètres de profondeur, ce qui ne cadre pas avec des températures de l'ordre de 900 °C. Elles sont trop chaudes pour cette profondeur, même en tenant compte du fait que la température interne de notre planète devait être plus élevée à cette époque de la fin de l'Hadéen.
Il semble n'y avoir qu'une seule explication possible pour les chercheurs experts en pétrogenèse. Localement, la température du lieu de formation de la roche devait être plus importante du fait de la chute d'un corps céleste d'une taille suffisante (10 à 100 kilomètres de diamètre) pour que l'énergie libérée par l'impact fasse fondre partiellement des roches basaltiques riches en fer et pauvres en silice préexistantes, des roches dites mafiques qui avaient formé les couches supérieures de la croûte terrestre primitive, juste sous le lieu d'impact.
Le bombardement des astéroïdes et des comètes, il y a environ 4 milliards d'années, devait encore être conséquent de sorte qu'il a dû se former pas mal de roches felsiques à l'origine du type des gneiss Idiwhaa. Mais la tectonique des plaques les a largement fait disparaître, ce qui explique leur rareté aujourd'hui.
Ce qu'il faut retenir
- Le site d’Acasta fait partie de la formation dite en anglais du Slave Craton dans le nord du Canada, au nord de la ville de Yellowknife et du Grand lac des Esclaves et il contient des gneiss rubanés qui sont parmi les plus anciens morceaux de croûte continentale connus sur Terre à ce jour.
- Certains semblent âgés de 4 milliards d’années et plus, comme ceux dont le type est appelé Idiwhaa (ancien, dans la langue des autochtones de la région
- d’Acasta, le peuple tlicho).
- La modélisation de leur formation indique qu'ils se sont formés à faible profondeur mais à température relativement élevée, ce qui ne peut s'expliquer que par la fusion partielle à cette profondeur sous l'effet de l'impact d'un corps céleste d'au moins 10 kilomètres de diamètre. Impact qui a libéré de l'énergie sous forme de chaleur.
- Du fait du bombardement encore important de corps célestes à cette époque, beaucoup de roches similaires ont dû se former, mais la tectonique des plaques les a fait disparaître en grande partie.
Lire la suite : Terre : la plus ancienne roche connue formée par un impact géant ?
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