S’inspirer de l’architecture traditionnelle pour faire face à la canicule

Environnement
The Conversation

Au cours du siècle, les températures moyennes dans certaines zones de la péninsule arabique pourraient avoisiner les 60° C. Erwin Bolwidt/Flickr, CC BY-NC-SA

S’inspirer de l’architecture traditionnelle pour faire face à la canicule

Au cours du siècle, les températures moyennes dans certaines zones de la péninsule arabique pourraient avoisiner les 60° C. Erwin Bolwidt/Flickr, CC BY-NC-SA
Amin Al-Habaibeh, Nottingham Trent University

Alors que la France subit depuis quelques jours un épisode de canicule particulièrement intense, certaines régions du monde sont habituées de longue date à une telle chaleur. Ce qui ne les empêche pas d’être aussi exposées à la hausse des températures : que ce soit dans la Péninsule arabique, en Iran ou en Irak, elles pourraient atteindre dans les prochaines années des niveaux insupportables.

Certains lieux, comme Al Ain, aux Émirats arabes unis, ou encore le Koweït, connaissent déjà des températures dépassant les 50 °C. Et selon une étude publiée en 2016, les effets du changement climatique et la hausse des émissions de gaz à effet de serre pourraient pousser la température moyenne autour des 55 ou même 60 degrés.

Aujourd’hui, de nombreux résidents du Golfe trouvent refuge dans les maisons, les centres commerciaux ou les voitures climatisées. Mais à mesure que montent les températures, augmente aussi le besoin de rafraîchir les lieux de vie d’une façon moins onéreuse, plus durable et moins énergivore. L’histoire de la région offre heureusement une source d’inspiration architecturale très riche pour combattre la canicule.

Une histoire de la chaleur

Historiquement, la population du Golfe se composait de paysans vivant près d’oasis dans des villages agricoles, de Bédouins campant dans leur tente en plein désert, ou encore de résidents des villes. Compte tenu de la tendance globale à l’urbanisation, regardons de plus près comment ce dernier groupe surmontait la chaleur.

Les bâtiments traditionnels des villes et des villages du Golfe sont conçus pour maximiser l’ombre, diminuer le gain thermal issu de la radiation solaire, réguler la température des bâtiments et faciliter la circulation de l’air. À l’origine de ces effets, une combinaison astucieuse de matériaux de construction, d’emplacement et de conception.

Une combinaison de matériaux naturels. Erwin Bolwidt, CC BY-NC-SA

Des éléments naturels comme le calcaire et la vase – dans certains cas mélangés à des plantes du désert locales – fournissent un matériau de construction capable de réguler les températures des bâtiments. Le matériau en lui-même absorbe l'humidité en conditions humides, qui peut ensuite s’évaporer pendant les journées chaudes et ensoleillées pour fournir un léger effet de refroidissement. La texture sableuse et la couleur des bâtiments réduisent en outre l’absorption et l’émission de chaleur rayonnante.

Des ruelles étroites pour maintenir la fraîcheur. Felibrilu/Flickr, CC BY-NC

Les constructions traditionnelles sont placées à proximité les unes des autres, séparées par des ruelles étroites. Cela signifie que le rapport de la surface exposée au soleil par rapport au volume total du bâtiment est minimisé, limitant les pics de chaleur pendant la journée.

De nombreuses structures traditionnelles comprennent également une cour intérieure, où l’on trouve souvent des arbres et un puits d’eau. Cette cour est entourée de toutes parts par des chambres ou des murs, pour maximiser la zone d’ombre au cours de la journée et créer un espace de convivialité le soir venu. Lorsque le soleil écrase le milieu de journée, la cour intérieure fonctionne comme une cheminée : elle envoie l’air chaud vers le haut et le remplace par l’air plus frais des pièces attenantes – encourageant ainsi une circulation de l’air et créant un effet rafraîchissant.

Les moucharabieh, pour une meilleure circulation de l’air. seier+seier/Flickr, CC BY

Le verre n’est pas un matériau répandu dans ces bâtiments traditionnels. Une pièce compte généralement deux fenêtres externes : une toute petite, située tout en haut du mur et maintenue ouverte pour permettre à l’air de circuler et laisser entrer la lumière naturelle. Une seconde, plus large, et fermée par des volets de bois, avec des rainures pour permettre qu’un courant d’air pénètre dans la pièce tout en préservant l’intimité. Certaines pièces possèdent aussi des fenêtres qui donnent sur la cour intérieure pour un meilleur rafraîchissement. Enfin, le moucharabieh – fenêtre en saillie avec treillis en bois sculpté, généralement située aux étages supérieurs d’un bâtiment – permet une meilleure circulation de l’air ainsi qu’une meilleure vue.

La tour éolienne crée de la ventilation naturelle. Felibrilu/Flickr, CC BY-NC

Certains immeubles sont dotés d’une tour éolienne, qui crée une ventilation naturelle par la circulation de l’air frais. Les ruelles étroites leur permettaient d’être recouvertes dans la plupart des cas par des matériaux légers provenant de palmiers dattiers pour éviter la lumière directe du soleil. Cela a permis une meilleure circulation de l’air entre les rues et les cours des bâtiments, via les pièces.

Toutes ces caractéristiques permettent de garder les bâtiments traditionnels au frais. Mais une question demeure : comment appliquer ces méthodes aux villes d’aujourd’hui ?

Des bâtiments modernes… et chauds

Les édifices actuels du Golfe sont principalement construits en verre réfléchissant, béton et asphalte, ce qui se traduit par des températures qui grimpent en flèche pendant la journée, en raison d’une forte réflexion, ou d’une haute absorption, et d’une émission élevée de chaleur rayonnée.

Grâce à la recherche et aux progrès dans le domaine des matériaux de construction et de dallage, de conception, de planification urbaine, d’isolation et d’usage des énergies renouvelables, les villes du Golfe pourraient conserver un mode de vie confortable, tout en émettant moins d’émissions carbone et en utilisant moins d’énergies fossiles.

La ville de Masdar aux Émirats arabes unis a ainsi tenté de combiner certaines traditions architecturales aux technologies modernes en augmentant le nombre de zones à l’ombre, en créant des rues étroites et en construisant une tour éolienne.

Fonctionnement du puits de chaleur. Author provided

Le recours à l’isolation pourrait également restreindre le besoin d’air conditionné et la consommation d’électricité. D’ici là, des matériaux nouveaux ou naturels – qui absorbent la moisissure et accentuent la capacité thermique (c’est-à-dire la propension du matériau à maintenir des températures plus basses par des températures plus hautes) – pourraient réguler le gain de chaleur et faciliter le processus de rafraîchissement naturel.

J’ai développé une nouvelle technologie (brevetée) afin de réguler les températures des édifices dans des conditions d’extrême chaleur, en utilisant un puits de chaleur dans le sol. Il permettra au sol d’échanger de la chaleur avec l’enveloppe du bâtiment, réduisant ainsi son gain thermique lors des journées chaudes.

Au cours des dernières années, les pays du Golfe ont commencé à prêter attention aux énergies renouvelables et aux mesures durables. La recherche et le développement devraient progresser davantage dans ce domaine si l’on veut que les populations puissent vivre confortablement dans les conditions climatiques attendues, tout en diminuant leur dépendance à la consommation de carburants fossiles ainsi que leurs émissions de CO2.


Cet article a été traduit de l’anglais par Nolwenn Jaumouillé.The Conversation

Amin Al-Habaibeh, Professor of Intelligent Engineering Systems, Nottingham Trent University

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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