Patrick Drahi rachète Sotheby’s pour 3,7 milliards de dollars

Economie

L’accord définitif a été signé entre la maison de vente aux enchères et BidFair USA, une entité détenue à 100 % par le patron du groupe de télécoms et de médias Altice.

Le magnat des médias et des télécommunications Patrick Drahi a créé la surprise, lundi 17 juin, en s’offrant la maison d’enchères Sotheby’s, pour 3,7 milliards de dollars (3,3 milliards d’euros). Bon nombre d’observateurs s’attendaient à ce que ce groupe, dont le premier actionnaire est Taikang Asset Management, situé à Hongkong et fondé par Chen Dongsheng, le patron de l’une des premières compagnies d’assurances de l’empire du Milieu, batte un jour pavillon chinois. Certains pariaient sur une reprise par les grandes maisons d’enchères chinoises concurrentes – China Guardian (également fondée par Chen Dongsheng) ou Poly Auction. Il n’en est rien.

Le fondateur et principal actionnaire d’Altice (qui compte en France SFR, BFMTV, RMC ou Libération), qui s’est diversifié au Portugal, en Israël, aux Caraïbes et aux Etats-Unis, agit à titre personnel, « aux côtés de [sa] famille » par le biais d’une holding individuelle, BidFair USA. Le prix de son offre, à 57 dollars l’action, représente une prime de 61 % par rapport au cours de clôture de vendredi 14 juin. Les actionnaires, même les plus indomptables comme Daniel Loeb, à la tête du fonds spéculatif Third Point, qui avait mené une fronde contre le conseil d’administration de Sotheby’s en 2014, estime que cette offre « récompense les investisseurs à long terme ».

Les autres actionnaires et de nombreux salariés devraient profiter de cette offre pour céder massivement leurs titres d’ici la fin de l’année, ce qui permettra d’acter formellement la vente, déjà entérinée par le conseil d’administration de Sotheby’s. La transaction doit être finalisée « au cours du quatrième trimestre », et le groupe, coté à la Bourse de New York depuis trente et un ans, quittera alors Wall Street pour redevenir privé.

Quel financement ?

Comment l’opération sera-t-elle financée, alors que l’endettement d’Altice dépasse déjà les 30 milliards d’euros ? Dans l’entourage de M. Drahi, on précise que « le financement viendra d’une ligne de crédit ouverte chez BNP Paribas, mais aussi, de façon substantielle, des fonds propres » de l’entrepreneur franco-israélien de 55 ans. Ce dernier prévoit de céder, d’ici la fin de 2019, pour 400 millions de dollars au maximum d’actions de sa filiale Altice USA, ce qui représente environ 2,5 % du capital de l’opérateur américain. Pour éviter toute ambiguïté, M. Drahi a bien précisé, dans un communiqué, qu’il reste pleinement concentré sur ses activités dans les télécoms et les médias et ne cédera pas la moindre action Altice Europe pour acheter la maison d’enchères américaine.

S’il n’est pas considéré comme un féru d’art contemporain comme son désormais grand rival François Pinault – fondateur du groupe de luxe Kering et propriétaire de Christie’s, par le biais de sa société holding personnelle Artémis –, Patrick Drahi fait partie des clients de Sotheby’s. Il a acquis des toiles impressionnistes, du moderne, de la peinture d’après-guerre et de l’art contemporain. Des Chagall assez spectaculaires et de l’art cinétique, notamment Vasarely, affirme-t-on chez Artprice, où il est classé 252e collectionneur mondial.

Pourquoi acquiert-il la maison qui s’est illustrée en adjugeant le désormais très célèbre dessin de Bansky, Girl With Balloon, qui s’est autodétruit après sa vente, le 5 octobre 2018, à Londres ? La maison a également crevé le plafond avec une toile de Monet représentant une meule de foin, vendue à 110 millions de dollars, à New York, en mai. Sans compter le Rabbit,de Jeff Koons, qui a trouvé preneur, toujours à New York, pour 91,1 millions de dollars le 16 mai… Du jamais-vu pour un artiste vivant.

Extrême rivalité avec Christie’s

« En achetant cette maison de vente, il s’achète un pouvoir colossal sur le monde entier. Cela lui ouvrira des portes considérables, lui permettra de se faire une incroyable collection et de gagner beaucoup d’argent », assure un des meilleurs connaisseurs du secteur.

L’extrême rivalité qui règne entre Christie’s – numéro un mondial du secteur, avec 7 milliards de dollars de ventes en 2018, en hausse de 6 % par rapport à l’exercice précédent – et Sotheby’s – le numéro deux – devrait rester toujours aussi vive. M. Drahi a déjà assuré qu’il ne modifierait ni les équipes ni la stratégie de la maison d’enchères, qui a enregistré, en 2018, une hausse de 16 % de ses ventes, à 6,35 milliards de dollars, tirées, notamment, par les transactions de gré et à gré, de bonnes performances en Asie ainsi qu’une forte croissance des enchères en ligne. En revanche, les efforts financiers pour attirer de nouveaux clients se sont traduits par un coup de rabot sur les marges et une baisse du bénéfice de 10 %, à 108,6 millions de dollars.

Si son siège est désormais américain, Sotheby’s cultive ses origines londoniennes. En 1744, Samuel Baker avait créé l’ancêtre de la maison aux enchères, à deux pas de Trafalgar Square. Sa première vente comptait « plusieurs centaines de livres rares et de haute valeur de toutes les branches des belles-lettres ». C’est toujours là qu’ont été mis aux enchères, au XIXe siècle, des livres que Napoléon avait emportés dans son exil à Sainte-Hélène. Le lot final était le bâton de marche de l’empereur français déchu, décoré d’or et d’écailles de tortue. Et si Sotheby’s devenait le bâton de maréchal de Patrick Drahi ?


Source : Patrick Drahi rachète Sotheby’s pour 3,7 milliards de dollars


Facebook Pin It

Articles en Relation

Les mots pour vendre le chocolat des fêtes parlent-ils aux consommateurs ? Image de cookie_studio sur Freepik Image de Freepik Les mots pour vendre le chocolat des fêtes parlent-ils aux consommateurs ? Laurent...
Les « influenceurs familles », précieux ambassadeurs des marques sur le marché c... Les « influenceurs familles », précieux ambassadeurs des marques sur le marché convoité des jeunes parents Sur les qu...
À Noël, des cadeaux de seconde main sous le sapin ? À Noël, des cadeaux de seconde main sous le sapin ? Elodie Juge, Université de Lille; Eva Cerio, Université d'Angers; Isabelle Collin-Lachaud...
« Enfants influenceurs » : est-ce bien raisonnable ? Image de freepik Image de freepik « Enfants influenceurs » : est-ce bien raisonnable ? Elodie Jouny-Rivier, ESSCA School of Manage...
Sport féminin : les médias sociaux ont-ils réussi là où les médias traditionnels... Serena Williams, l’une des sportives américaines les plus présentes sur les réseaux sociaux. Boss Tweed/Flickr, CC BY-SA Sport féminin : les mé...
Entrepreneurs, comment exister sur LinkedIn ? Briller sur les réseaux sociaux peut être décisif pour installer son entreprise. Blogtrepreneur / Wikimedia commons, CC BY-SA Entrepreneurs, co...

ACTUALITÉS SHOPPING IZIVA