Les mycotoxines dans les céréales et autres aliments : une menace pour la santé, un défi pour la sécurité alimentaire

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Les mycotoxines dans les céréales et autres aliments : une menace pour la santé, un défi pour la sécurité alimentaire

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Les mycotoxines dans les céréales et autres aliments : une menace pour la santé, un défi pour la sécurité alimentaire

mohamed.haddad/ird.fr, Institut de recherche pour le développement (IRD)

C’est quoi les mycotoxines, en bref ? Les mycotoxines sont des molécules naturelles toxiques susceptibles de contaminer les aliments. Elles sont sécrétées par des champignons ubiquitaires microscopiques tels que Penicillium, Aspergillus ou Fusarium, entre autres. Communément appelées moisissures, elles prospèrent dans des environnements chauds et humides, rendant les pays au climat tropical particulièrement vulnérables.

Les mycotoxines posent des risques sérieux pour la santé humaine et animale, ainsi que des pertes économiques considérables (du fait des récoltes détruites mais aussi de problèmes de santé animale et humaine).

La toxicité des mycotoxines va de symptômes aigus à des maladies chroniques graves. Certaines mycotoxines comme les aflatoxines, les ochratoxines et les fumonisines, sont particulièrement problématiques car fréquemment présentes dans l’alimentation et toxiques même à faible dose.

Difficilement détectables à l’œil nu, l’identification et la quantification des mycotoxines dans les produits alimentaires s’effectuent essentiellement en laboratoire.

Dans les céréales, fruits à coque, épices, aliments pour animaux

Les microorganismes qui produisent les mycotoxines ont la particularité de pouvoir se développer sur différentes cultures, à deux moments clés : dans les champs, lorsque les conditions climatiques sont favorables à leur croissance (chaleur et humidité importantes) ; et après récolte, pendant le stockage des denrées alimentaires.

Ces contaminants toxiques peuvent se retrouver dans divers aliments de base, tels que les céréales, les fruits à coque, les épices, etc. mais également dans les aliments pour animaux ou dérivés des animaux (lait, viande).

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La présence de mycotoxines dans l’alimentation est un problème de santé publique majeur qui nécessite une attention urgente. Malgré leur impact significatif sur la santé mondiale, les mycotoxines restent méconnues du grand public et des autorités, en particulier dans les pays les moins avancés. Il est donc crucial de sensibiliser davantage les populations à cette menace invisible dans notre chaîne alimentaire pour limiter l’exposition humaine et animale.

Une situation maîtrisée en France et en Europe

En Europe et en Amérique du Nord, des réglementations strictes limitent la présence de mycotoxines dans les aliments. Cependant, de nombreux autres pays, notamment en Afrique, n’ont pas de limites réglementaires pour les mycotoxines, ce qui expose les populations vulnérables à des risques sanitaires et économiques.

En France, un système de traçabilité efficace et des seuils réglementaires stricts assurent la sécurité des consommateurs. Les produits contaminés sont rapidement retirés du marché.

Des épidémies silencieuses en Afrique

Parmi les problèmes majeurs qui entravent la sécurité alimentaire en Afrique, la contamination des aliments par les mycotoxines est considérée comme l’un des principaux dangers. Les épidémies de mycotoxicoses récentes, telles que l’ergotisme ou l’aflatoxicose, ont des taux de mortalité élevés. En Afrique, les cultures de base, notamment le maïs, les arachides, le sorgho et le mil, sont souvent fortement contaminées par une ou plusieurs mycotoxines.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que plus de 500 millions de personnes dans le monde, principalement en Afrique subsaharienne, sont exposées à des niveaux dangereux de mycotoxines. Les conditions climatiques, les pratiques agricoles et les systèmes de stockage des aliments contribuent à ce problème. Les fortes pluies, les températures élevées et l’humidité favorisent la croissance des champignons producteurs de mycotoxines.

Les exemples qui suivent, non exhaustifs et qui relatent des épidémies survenues au XXIe siècle, illustrent l’ampleur et la persistance de l’enjeu lié aux métabolites fongiques (c’est-à-dire issus des champignons) dans les cultures et les produits alimentaires africains.

Ainsi, la mort de 12 personnes dans le district de Meru North au Kenya en 2001 a été attribuée à la consommation de grains de maïs contaminés par l’aflatoxine.

Pour cette même raison, plus tard, en 2004, le Kenya a connu l’un des épisodes les plus graves d’intoxications humaines jamais enregistrés dans l’histoire des mycotoxines. Cette épidémie aiguë a provoqué 125 décès sur 317 cas signalés au 20 juillet 2004, soit un taux de mortalité de 39 %.

Malheureusement, l’épidémie d’aflatoxicose s’est poursuivie au cours des années suivantes (2005-2008 et 2010), en particulier chez les agriculteurs de subsistance d’Afrique de l’Est. Il s’agit d’agriculteurs dont la production est essentiellement destinée à les nourrir eux-mêmes ainsi que leur famille, sans qu’ils puissent dégager de surplus commercialisable.

Une étude approfondie menée dans l’est du Kenya a révélé que plus de 470 cas d’empoisonnement étaient survenus entre 2004 et 2010 à la suite de l’ingestion d’aliments contaminés par l’aflatoxine, avec un taux de mortalité de 40 %.

Plus récemment, une épidémie d’aflatoxicose a été signalée entre mai et novembre 2016 en Tanzanie centrale, entraînant un taux de mortalité de 30 %.

Bien que ces cas aient été largement documentés, la possibilité que ces chiffres soient sous-estimés est élevée. En effet, l’inadéquation ainsi que le manque d’organisation du système de suivi coordonné et de la surveillance médicale conduisent souvent à de nombreux cas non signalés.

Il convient de noter que la grande majorité des foyers de mycotoxicoses documentés en Afrique ne concerne que celles dues aux aflatoxines, malgré le large éventail d’autres mycotoxines qui contaminent les denrées alimentaires. Ces intoxications aiguës ne sont donc que la partie émergée de l’iceberg.

Des causes climatiques, agricoles et individuelles

La lutte contre les mycotoxines pose de nombreuses difficultés en raison de la multiplicité des facteurs à prendre en compte. Ces contaminations résultent de l’interaction de causes climatiques, agricoles et individuelles, dans un contexte où les données scientifiques et les moyens de détection restent insuffisants.

Pour prévenir les contaminations, plusieurs méthodes existent : en champs, entre autres, recourir à des rotations de cultures et utiliser des variétés résistantes ; pour le stockage, éviter les lieux chauds et humides, bien aérer les moissons ou récoltes, etc.

Mais le changement climatique pourrait aggraver le problème des mycotoxines en Afrique, en créant des conditions encore plus favorables aux moisissures, via une alternance de sécheresses et de fortes précipitations.

Il s’agit de gérer un aléa sanitaire dont les effets sur le long terme sont mal cernés. Une approche pluridisciplinaire, systémique et concertée est nécessaire pour une maîtrise durable de ce problème. Les épidémies passées soulignent la nécessité de renforcer la surveillance et le contrôle de la contamination par les mycotoxines, de développer des techniques de culture et de stockage adaptées, d’intensifier les programmes de détection et de sensibiliser la population aux risques de consommation de produits contaminés.

L’urgence : produire des données sur les mycotoxines en Afrique

Les mycotoxines sont un problème mondial, particulièrement grave dans les pays moins avancés, notamment en Afrique, où la surveillance et le rappel des produits contaminés sont insuffisants. Les seuils réglementaires sont souvent inexistants ou plus élevés, et la traçabilité des aliments est déficiente, contribuant aux épidémies régulières. Le manque de données sur la contamination, la toxicité et l’exposition aux mycotoxines entrave l’établissement de réglementations protectrices.

La production de ces données est essentielle pour identifier les mycotoxines les plus dangereuses. Mais elle dépend de la disponibilité de fonds de recherche, d’installations technologiques et d’une main-d’œuvre qualifiée, souvent inadéquats ou inexistants dans les pays les moins avancés.

À terme, réduire de l’impact sanitaire et socio-économique sur les populations vulnérables

Ainsi, nos travaux de recherche se concentrent sur la compréhension des facteurs favorisant la croissance de moisissures produisant des mycotoxines, mais aussi l’identification de mycotoxines locales, l’évaluation de la contamination des cultures, ainsi que l’estimation de l’exposition et des risques sanitaires des populations.

Ces travaux visent à produire des données fiables au niveau local, en étroite collaboration avec les chercheurs africains. L’objectif est de co-concevoir avec les parties prenantes africaines des solutions adaptées, telles que des méthodes de détection et de prévention durables. Il s’agit également de renforcer les capacités analytiques nationales et de coopérer avec la recherche internationale selon une logique de co-développement.

Ces efforts de recherche viendront fournir une base factuelle solide aux pays africains pour élaborer des réglementations nationales efficaces. L’objectif final est de réduire de manière durable l’impact sanitaire et socio-économique des mycotoxines sur les populations vulnérables du continent.

mohamed.haddad/ird.fr, Chercheur, chimiste des produits naturels, Institut de recherche pour le développement (IRD)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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