Les hommes meurent plus du Covid-19 que les femmes : de combien ? et pourquoi ?

Santé
The Conversation Gilles Pison, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) et France Meslé, Institut National d'Études Démographiques (INED)

Le Covid-19 tue plus les hommes que les femmes. Sachant que c’est vrai aussi de la mortalité générale : en France, à tout âge, un homme a un risque de mourir dans l’année plus élevé qu’une femme du même âge.

En quoi la surmortalité masculine pour les décès par Covid-19 diffère-t-elle de celle observée habituellement pour l’ensemble des décès ? Et quelles en sont les raisons ?

La surmortalité masculine en temps normal

En France, à tout âge, un homme a un risque de mourir dans l’année plus élevé qu’une femme du même âge. Un homme de 70 ans a par exemple un risque double de celui d’une femme de 70 ans. De même à 40 ans, le risque est double, même s’il est bien plus faible qu’à 70 ans, à la fois pour les hommes et les femmes.

Les hommes sont biologiquement plus fragiles que les femmes mais les écarts viennent surtout de leurs activités et leurs comportements. Tout au long de la vie, ils prennent plus de risques et ont plus fréquemment des comportements nocifs pour la santé, notamment ils fument plus et boivent davantage d’alcool. Les femmes de leur côté sont en général plus attentives à leur santé et consultent plus souvent les médecins.

Il en résulte une surmortalité des hommes par rapport aux femmes pour l’ensemble des causes de décès en temps normal. Elle est plus ou moins importante selon l’âge avec un profil à deux « bosses » (voir figure 1 ci-dessous, en mauve). Elle atteint des sommets aux âges de jeune adulte – les décès, très peu fréquents à ces âges, sont dus principalement aux morts violentes (suicides et accidents, notamment ceux de la circulation) –, et entre 55 et 74 ans.

On peut observer les deux bosses, comme jeune adulte et entre 65 et 74 ans
Fourni par l'auteur

Le Covid-19 a augmenté la surmortalité masculine à partir de la cinquantaine

La surmortalité masculine due au Covid-19 a un profil distinct (figure 1, en rouge). Elle est moindre que celle pour l’ensemble des décès avant la cinquantaine, mais plus importante à partir du groupe d’âge 55-64 ans. À ces âges, cela pourrait venir d’un plus grand risque pour les hommes d’être contaminés, du fait de leurs comportements : moindre respect des gestes barrière, plus grande interaction sociale, moins de télétravail.

Les comorbidités (hypertension, diabète), plus fréquentes chez eux à partir de la cinquantaine, entraîneraient aussi une plus grande létalité (risque de mourir quand on est atteint).

Une bosse de surmortalité masculine à 25-34 ans lors de la première vague de Covid-19

La surmortalité masculine pour ce qui est des décès par Covid-19 a évolué depuis le début de la pandémie (voir la figure 2 ci-dessous).

Quelle que soit la période, elle atteint un maximum vers 65-74 ans. Mais se rajoute au 1er semestre 2020 une première bosse à 25-34 ans. Elle pourrait s’expliquer par des comportements plus à risque chez les jeunes hommes, un peu comme pour la mortalité accidentelle. Et aussi par la très forte mortalité par Covid-19 chez les jeunes adultes étrangers.

La première vague a en effet été particulièrement meurtrière chez les personnes nées à l’étranger, en particulier celles nées en Afrique ou en Asie. Ces dernières résident en effet souvent dans les régions les plus touchées par cette vague (Île-de-France, Grand Est) et exercent des métiers ne permettant pas le télétravail et exposant beaucoup à l’infection. Et parmi les étrangers nés en Afrique ou en Asie la mortalité a été plus élevée chez les hommes que chez les femmes.

Courbes de l’évolution de la mortalité par semestre en 2020 et 2021
Fourni par l'auteur

La vaccination a réduit la surmortalité masculine par Covid-19

Cette première bosse à 25-34 ans disparaît ou se réduit ensuite, la reprise partielle des activités exposant alors hommes et femmes au virus de façon plus égale.

La bosse principale, centrée vers 65-74 ans, s’affaisse en partie au 2e semestre 2021, peut-être en lien avec la vaccination. À ces âges, la proportion de personnes non vaccinées est plus élevée chez les femmes que chez les hommes : plus de 10 % contre moins de 8 %.

Cet écart pourrait venir de ce que les hommes auraient été considérés comme prioritaires pour la vaccination plus souvent que les femmes du même âge, du fait de comorbidités plus fréquentes. Se rajouterait une plus forte réticence des femmes à la vaccination en comparaison des hommes, qui n’est d’ailleurs pas propre à celle contre le Covid-19 mais s’observe aussi pour d’autres vaccins.

Les hommes auraient ainsi été plus attentifs à leur santé que les femmes concernant la vaccination contre le Covid-19 – ou au moins plus respectueux des directives sanitaires. Une exception, donc, car comme rappelé plus haut, ils ont en général des comportements moins favorables à la santé que les femmes.

La France dans les comparaisons internationales

La surmortalité masculine concernant les décès dus au Covid-19 se situe en France dans la moyenne quand on la compare à celle observée dans d’autres pays (voir la figure 3 ci-dessous) : elle est plus élevée en Italie et en Espagne qu’en France, et moindre en Angleterre-Galles et aux États-Unis.

Les profils par âge se ressemblent dans les pays latins (Italie, Espagne, France), avec une bosse très marquée entre 60 et 70 ans. La bosse est moins marquée en Angleterre-Galles et aux États-Unis, où elle s’observe plutôt à des âges un peu plus jeunes.

Fourni par l'auteur

Seules des analyses plus fines, qui prendraient en compte les comorbidités et les vaccinations détaillées par sexe et âge, pourraient permettre de comprendre ces différences de profil. Mais ce type d’information n’est pour l’heure pas disponible dans tous les pays. Espérons qu’il le devienne prochainement afin de mieux comprendre la surmortalité masculine pour le Covid-19.


Ce texte est adapté d’un article publié en mars 2022 par les auteurs dans la revue Population et Sociétés n° 598, « La Covid-19 plus meurtrière pour les hommes que pour les femmes ».The Conversation

Gilles Pison, Anthropologue et démographe, professeur au Muséum national d'histoire naturelle et chercheur associé à l'INED, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) et France Meslé, Démographe, Institut National d'Études Démographiques (INED)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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