Jean-Claude Gaudin tente un mea culpa, mais refuse d’être le « bouc émissaire »

Politique

Après la marche blanche de samedi, le maire de Marseille déplore de ne pas en avoir fait assez pour éradiquer l’habitat indigne, tout en défendant sa politique.

Pas un mea culpa, mais une concession. « Pour l’éradication de l’habitat indigne, nous n’en avons pas fait assez », a reconnu Jean-Claude Gaudin, maire (LR) de Marseille, six jours après l’effondrement d’un groupe d’immeubles dans le centre-ville qui a coûté la vie à huit habitants ; un bilan désormais définitif. Confronté à l’épreuve la plus rude de ses quatre mandats, l’édile assure n’avoir pas de responsabilité dans la catastrophe.

« La spontanéité, c’est de chercher le coupable, le bouc émissaire. Mais nous n’avons pas de faute particulière à nous reprocher, a-t-il estimé, dimanche 11 novembre, au lendemain d’une marche blanche qui a réclamé sa démission. Je suis là, je reste là ! J’aurais laissé mes adjoints tout seuls en leur disant débrouillez-vous ? Il n’en est pas question ! »

Selon lui, « la mairie a fait largement ce qu’elle devait faire » avec un bémol tout de même : « L’insalubrité existe encore, il faut faire des efforts sérieux et nous allons nous efforcer d’en faire plus. » L’humilité affichée de l’élu tranche avec la position de Jean-Claude Gondard, directeur général des services, qui, au cours du même point presse, a estimé que « la mise en accusation globale de la mairie est épouvantable ».

« Ils ne méritaient pas de mourir »

Jean-Claude Gaudin dit partager l’émotion et le chagrin exprimés, samedi, lors d’une marche blanche à laquelle il a choisi de ne pas prendre part, car « [s]a présence aurait provoqué des tensions ».Une foule immense et recueillie a défilé dans un silence glaçant, à travers le quartier de Noailles aux façades décrépites, là où les immeubles se sont effondrés. Ils étaient 8 000 selon la police, « une marée humaine », se félicitent les organisateurs.

En tête de cortège, les proches des victimes portaient un drap blanc sur lequel on lisait : « Noailles meurt Marseille en deuil. » Les amis de Pape Maguette, un jeune Sénégalais décédé dans l’effondrement du 65, rue d’Aubagne, brandissaient sa photo, tandis qu’un de ses amis expliquait que le jeune homme avait rendez-vous le jour du drame « pour un nouveau logement ».

Une rose à la main, une pancarte à bout de bras pour dénoncer « l’incurie de la mairie », la colère le disputait à la tristesse chez les manifestants, venus tant des beaux quartiers que des secteurs pauvres de la ville. Le fossé n’existe plus entre un Nord qui cumule précarité, violence des réseaux de drogue et abandon des services publics et un Sud riche et prospère. Alain Scemama a choisi de s’installer à Marseille pour la retraite et Noailles est devenu l’un de ses QG : « J’y vais faire mes courses, humer l’ambiance, c’est le Marseille que j’aime. » A côté de lui, Rachida se dit triste : « Ils ne méritaient pas de mourir juste parce qu’ils sont pauvres. Nous, les pauvres, on vit tous les jours le rejet. Je le vis parce que je n’ai pas les vêtements qui attirent, parce que je n’ai pas les moyens de recevoir. »

Chute d’un balcon

C’est un Marseille uni et solidaire qui, sur le cours Lieutaud, où le bataillon des marins-pompiers a installé ses postes de secours, applaudit, remercie « ceux qui ont risqué leur vie dans les recherches ». Des marins-pompiers soudainement appelés à quelques dizaines de mètres du cortège pour secourir trois personnes blessées dans la chute d’un balcon. Un grand fracas suivi d’un mouvement de panique, un effondrement qui résonne comme un nouveau mauvais coup porté à une municipalité que les manifestants rendent responsables du drame et du logement indigne de quelque 100 000 Marseillais.

A 73 ans, Michelle a tenu à défiler avec ses béquilles parce qu’elle a « la rue d’Aubagne au cœur », une rue toujours pauvre au plus loin de ses souvenirs, avec ses « vendeurs de noix et d’amandes ». « L’apéritif chez M. Bizot, la boulangère de la placette, c’est tous mes souvenirs, c’est une rue qui disparaît », déplore-t-elle. Des députés (LRM) dont ceux des quartiers nord, Alexandra Louis et Saïd Ahamada, et, à un autre endroit, Jean-Luc Mélenchon, député (LFI) de la circonscription où s’est déroulée la catastrophe, défilent sans écharpe, sans commentaire.

Parfois, le silence est rompu par une vague d’applaudissements qui remonte le cortège. Renaud et Marie habitent NoaIlles, où la mixité sociale est ancrée. « Ce n’est pas normal, en 2018, que, dans la deuxième ville de France, des immeubles s’écroulent », dit Renaud. « Il y a des gens qui meurent dans ces immeubles, mais le pire, c’est qu’il y a des gens qui y vivent », ajoute son épouse, qui confie « des envies de révolution, que le peuple marseillais aille péter la mairie, là où il y a les rois ». Mais la fillette du couple les rappelle au drame, une fleur à la main : « Il faut parler d’El Amine. » Elle est dans la même école que le garçon de 9 ans dont la mère a été tuée dans l’effondrement.

Devant l’hôtel de ville aux allures de Bastille assiégée, la colère s’exprime : « Gaudin démission ! », « Gaudin en prison ! » ou encore « Gaudin assassin ! » Epaulés par le Collectif du 5 novembre, un groupe d’associations et d’habitants du quartier créé après le drame, des proches des victimes prennent la parole. Juchée sur un poteau, la cousine de l’une d’elles associe marins-pompiers et policiers dans ses remerciements adressés aux manifestants : « Ça a été un drame humain. Ne les oubliez pas. »

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