Énergie : comment vont évoluer les batteries lithium-ion, très consommatrices de métaux en tension ?

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Les batteries lithium-ion dominent actuellement le marché automobile et de l'électronique. Norsk Elbilforening, Wikipedia, CC BY

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Énergie : comment vont évoluer les batteries lithium-ion, très consommatrices de métaux en tension ?

Les batteries lithium-ion dominent actuellement le marché automobile et de l'électronique. Norsk Elbilforening, Wikipedia, CC BY
Hervé Martinez, Université de Pau et des pays de l'Adour (UPPA) et Rémi Dedryvère, Université de Pau et des pays de l'Adour (UPPA)

Les batteries lithium-ion se sont imposées progressivement dans de très nombreux secteurs industriels, de la microélectronique à l’électronique portable, en passant par le transport (véhicule électrique, mobilité douce, transport ferroviaire et aérien) et le stockage des énergies de conversion alternatives telles que le solaire photovoltaïque ou l’éolien.

Ces batteries sont considérées aujourd’hui comme l’un des moyens les plus efficaces pour stocker l’énergie électrique. Dans les prochaines années, le marché des batteries lithium-ion sera essentiellement porté par le domaine du transport (véhicule électrique), et dans une moindre mesure par celui des énergies alternatives. Les perspectives de production industrielle prévoient de multiplier ces capacités par un facteur 10 d’ici 2030, après avoir connu une croissance par un facteur 6 entre 2010 et 2018.

Cette technologie représente aujourd’hui le meilleur compromis (comparé aux alternatives de stockage) entre densité d’énergie massique et volumique (quantité d’énergie pouvant être stockée ou transportée pour un volume ou une masse donné), une faible autodécharge, une longue durée de vie, une maintenance faible et une utilisation sur une plage de température conséquente. Leur coût et leur empreinte carbone unitaire ayant considérablement diminué ces dernières années, les batteries lithium-ion représentent un élément clé de la décarbonation du transport : en France, la production électrique s’appuyant essentiellement sur des centrales nucléaires, l’empreinte carbone (fabrication/usages/fin de vie) d’un véhicule « milieu de gamme » est divisée par trois, comparée à son équivalent essence.

Autant d’éléments qui font apparaître les batteries lithium-ion comme une solution technologie pertinente pour la transition écologique.

Cobalt et lithium, deux ingrédients essentiels mais peu disponibles par rapport à la demande

Néanmoins, cette technologie est fortement consommatrice de métaux avec une forte « criticité » : d’ici 2025, cette technologie devrait mobiliser une grande partie de la production mondiale de cobalt (qui rentre dans la composition des électrodes positives, pour 65 % de la production mondiale) et de lithium (pour les électrodes positives, négatives et l’électrolyte, pour 75 % de la production mondiale), sans parler des autres métaux (nickel, cuivre…) ni du carbone graphite constitutifs des éléments pour batteries.

À titre d’exemple, la consommation globale de lithium a augmenté de 283 % entre 2010 et 2021, le prix de la tonne est passé de 4450$ en 2012 à 78000$ en 2022. Cette forte croissance des besoins en matières premières pourrait faire apparaître des tensions sur les marchés ainsi que des risques géopolitiques majeurs, et démultiplie le problème de l’impact écologique de l’extraction minière, généralement consommatrice d’énergies fossiles et de produits chimiques pour séparer les métaux du minerai.

Ces tensions soulignent l’importance d’aborder, en parallèle aux solutions techniques, les questions sociétales concernant le rapport de l’individu au véhicule. Par exemple, limiter la course à l’autonomie permettrait de diminuer la taille des batteries et donc de la consommation en matières premières.

En parallèle de pratiques plus vertueuses, deux voies de recherche apparaissent nécessaires à court terme : le développement du recyclage des batteries et le développement du « post lithium-ion ».

Des batteries « post lithium-ion » pour éviter les tensions d’approvisionnement en lithium

Par « post lithium-ion », on entend des technologies nouvelles de batteries bénéficiant de l’expérience acquise pendant des décennies dans le développement du lithium-ion, voire des technologies en rupture complète, pour lesquelles il faut tout repenser. La recherche académique mondiale est actuellement en pleine effervescence dans le développement de ces systèmes.

Ainsi, de nouvelles voies sont explorées pour remplacer l’élément lithium par d’autres éléments bien plus abondants sur terre, comme le sodium, le calcium, le magnésium et le potassium, qui peuvent, comme le lithium, jouer le rôle d’électrode négative dans une batterie. Ces voies de recherche permettent d’anticiper les possibles futures tensions sur les approvisionnements en lithium en raison de la distribution très inégale de cette ressource sur Terre.

Le sodium par exemple, très abondant et proche du lithium par ses propriétés chimiques et électrochimiques, ne présente pas tout à fait les mêmes performances en termes de densité d’énergie massique et volumique. En revanche, il a été montré que les batteries sodium-ion pouvaient avoir des performances en puissance supérieures aux batteries lithium-ion, ce qui, pour certaines applications, se révèle particulièrement intéressant.

Les batteries à base de calcium, de magnésium ou de potassium font actuellement face à des verrous scientifiques importants (disponibilité et coût des matériaux d’électrodes positives, réactivité aux interfaces) qui laissent présager une commercialisation à plus long terme.

Remplacer les constituants liquides inflammables des batteries Li-ion

Par ailleurs, « post lithium-ion » ne signifie pas nécessairement « fin du lithium », puisque parmi les voies nouvelles qui bénéficient des investissements industriels les plus importants aujourd’hui figurent les batteries dites « tout solide », dont le but n’est pas de remplacer le lithium lui-même, mais les constituants liquides inflammables des batteries lithium-ion (dits électrolytes) par des constituants solides non inflammables, dans l’objectif d’un gain de sécurité pour les utilisateurs.

Cette voie offre également des perspectives d’augmentation des performances en termes de densité d’énergie (c’est-à-dire des batteries plus légères et permettant une plus grande autonomie), grâce à l’utilisation du lithium métallique (par opposition à ions lithium des batteries lithium-ion) comme électrode négative. Ce type de batterie est particulièrement prisé aujourd’hui par les constructeurs automobiles pour qui la sécurité et la densité d’énergie sont des éléments clés.

Cette technologie « tout solide » fait également face à des verrous technologiques importants mais il est certain que compte tenu des efforts financiers et humains engagés, des progrès considérables sont à attendre dans les années à venir.

Une diversification des technologies en réponse aux besoins

On assiste à une diversification des technologies en réponse à des besoins spécifiques en fonction de la nature de l’application.

Tant que les prix du lithium resteront acceptables pour un système économique mondial globalisé, la technologie lithium-ion a encore de beaux jours devant elle, dans le domaine de l’électronique portable en particulier.

Pour le véhicule électrique, ce sera plutôt la technologie lithium « tout solide », si tous les verrous scientifiques et logistiques peuvent être levés. Les alternatives au lithium restent légèrement moins performantes mais pourraient s’avérer acceptables si le prix du lithium venait à croître fortement à cause de tensions géopolitiques. Les batteries électriques ne sont pas la seule solution technologique. Le stockage d’énergie grâce à l’hydrogène « vert » par exemple est une solution complémentaire.

Hervé Martinez, Professeur des Universités - Physico-Chimiste des matériaux et des surfaces, Université de Pau et des pays de l'Adour (UPPA) et Rémi Dedryvère, Enseignant-chercheur, Institut des sciences analytiques et de physico-chimie pour l’environnement et les matériaux, CNRS, Université de Pau et des pays de l'Adour (UPPA)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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