Dix raisons de se méfier du « fichier monstre »

Sociétés

Une nouvelle base de données compilant les infos de 60 millions de Français vient de voir le jour. Vous ne comprenez pas pourquoi tout le monde en parle, un peu inquiet ? On vous explique.

Cette année, le gouvernement a fêté les morts en beauté : dans la torpeur de la Toussaint, il a décrété la création d’un tout nouveau fichier baptisé TES, pour « Titres électroniques sécurisés ».

Y seront stockées tout un tas d’infos sur les personnes avec une carte d’identité ou un passeport. Soit en gros, tous les Français.

On voit venir les ronchons qui vont nous traiter de parano avec cette énième histoire de population massivement scrutée et cataloguée. Et nous inviter, à l’instar d’un Bernard Cazeneuve ce 2 novembre à l’Assemblée, à ne pas avoir peur d’une citrouille parce que l’avant-veille c’était Halloween. Sauf que cette citrouille n’a vraiment rien d’ordinaire.

Cette nouvelle base de données – qui a déjà hérité de son petit nom de « fichier monstre » – a de quoi faire flipper.

Tout le monde est visé

60 millions de Français, du jamais vu depuis 1940.

Ça a été dit et redit mais il est bon de le rappeler : ce nouveau fichier va concerner toute personne qui cherche à obtenir ou à renouveler sa carte d’identité ou son passeport. Pas besoin d’avoir fait maths sup’ pour saisir que ça concerne TOUS LES FRANÇAIS.

Seule exception : les moins de 12 ans. Docile, le gouvernement a suivi de vieilles recommandations [PDF] de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), elles-mêmes alignées sur le droit européen en la matière.

Appelée à donner son avis sur la création de fichiers pareils – sans qu’on le suive forcément –, la gardienne de la vie privée a estimé que le dispositif concernerait près de « 60 millions de personnes ».

A titre de comparaison, le fichier qui compilait jusque là les données des titulaires de passeport (également baptisé TES) « contient 15 millions de jeux de données ». « Un changement d’ampleur et, par suite, de nature, considérable », peut-on lire dans l’avis qu’elle a rendu le 29 septembre, où elle émet « plusieurs réserves ».

 « C’était en 1940 »

Ce fichage intégral rappelle en plus, comme on dit souvent de façon ironique, « les heures les plus sombres de l’Histoire ».

En 2012, quand la droite alors majoritaire avait proposé un dispositif similaire, vite baptisé « le fichier des gens honnêtes », de nombreux élus socialistes rappelaient, à l’instar de Serge Blisko : 

« La France n’a créé qu’une seule fois un fichier général de la population, c’était en 1940. Il fut d’ailleurs détruit à la Libération. »

L’inquiétude de voir ressusciter cette base de données était telle que des socialistes avaient demandé au Conseil constitutionnel de censurer le texte en question. Il l’a fait en partie, jugeant contraires au droit à la vie privée certains rouages du système.

Parmi ceux qui ont saisi les Sages à l’époque, les actuels ministres des Affaires étrangères – Jean-Marc Ayrault, qui a signé le nouveau décret – et de la Justice – Jean-Jacques Urvoas. Si son nom ne figure pas sur l’acte de naissance du fichier monstre, qui relève de l’Intérieur, Urvoas faisait partie des plus ardents pourfendeurs du dispositif en 2012 : 

« Ce texte contient la création d’un fichier à la puissance jamais atteinte dans notre pays puisqu’il va concerner la totalité de la population ! Aucune autre démocratie n’a osé franchir ce pas. »....

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