Comment améliorer l’impact environnemental du bois énergie ?

Environnement
The Conversation Emilie Machefaux, Ademe (Agence de la transition écologique)

Le bois énergie – qui représentait 36 % de la production de renouvelable en France en 2019, arrivant ainsi en tête des ENR – a un rôle majeur à jouer dans la transition énergétique. La Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) lui accorde d’ailleurs une place centrale.

La chaleur étant majoritairement issue d’énergies fossiles importées, la produire à partir d’une ressource renouvelable comme le bois contribue à l’autonomie énergétique de la France, favorise l’usage de ressources locales et la création d’emploi. Avec 52 800 emplois directs et indirects, la filière bois énergie génère 3 à 4 fois plus d’emplois, en France, que les énergies fossiles.

Lorsqu’on l’évoque, deux catégories sont à considérer : la chaleur produite par des chaufferies collectives (mises en place par des collectivités) ou industrielles, et celle issue d’équipements domestiques (à la place d’une chaudière au gaz ou au fioul par exemple). Cette dernière représente près de 70 % du bois énergie.

Comme toutes les énergies renouvelables, le bois énergie fait débat. Pour lever les amalgames, des travaux ont été engagés afin de mieux connaître les impacts. Si ces controverses, notamment scientifiques, posent des questions, l’Ademe estime qu’elles font souvent l’objet d’un manque de nuances pour tenir compte des différentes situations.

Afin d’intégrer au maximum les enjeux environnementaux au développement de la filière bois énergie et dans ses outils de financement, l’Agence a mis à jour l’analyse cycle de vie du bois énergie.

Un levier de la transition énergétique

La Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) a fixé pour le bois énergie des objectifs très ambitieux.

Pour le chauffage au bois domestique, elle promeut le maintien d’une consommation de bois constante avec un nombre d’utilisateurs plus important. La PPE prévoit entre 10,2 et 11,3 millions de logements chauffés au bois avec un appareil labellisé à horizon 2028 (contre 6,8 millions en 2017).

Autrement dit, il s’agit de remplacer à un rythme rapide les appareils de chauffage au bois par des équipements plus performants en matière de rendement énergétique et d’émissions de polluants – la qualité de l’air est un enjeu majeur quand on évoque le bois énergie et l’un des principaux points de débats ; les émissions liées au bois énergie représentent 28 % des émissions nationales de particules PM10, 44 % des émissions nationales de PM2,5 et 3 % des émissions nationales d’oxyde d’azote.

Aides au renouvellement du parc

Ce renouvellement des appareils à bois s’inscrit dans une politique globale de rénovation énergétique des logements et de baisses de consommation. Il doit également s’accompagner de bonnes pratiques (qualité du combustible, gestion du feu, entretien) et d’un dimensionnement de l’équipement adapté au besoin.

Concernant le bois énergie pour les secteurs industriel et collectif, la PPE vise à accroître la production de chaleur de 40 % d’ici à 2028. Pour atteindre cet objectif, l’Ademe met en œuvre depuis 2009 le Fonds Chaleur, dispositif de subventions pour les collectivités et les entreprises.

Ces aides encouragent le remplacement d’installations consommant des énergies fossiles par des équipements de production de chaleur renouvelable utilisant la biomasse, la géothermie, le solaire, le biogaz et les énergies de récupération, couplés à des réseaux de chaleur.

Plaquettes forestières, bûches, granulés…

Pour les secteurs collectif et industriel, la ressource utilisée pour la production de chaleur à partir de biomasse peut être diverse : valorisation des produits bois matériau en fin de vie, connexes ou sous-produits de l’industrie de transformation du bois, bois issu de coupes en forêt ou d’arbres hors forêt (espaces verts et haies) et sous-produits agricoles. 83,5 % de la biomasse mobilisée pour les plaquettes forestières proviennent d’arbres ou de cimes et houppiers entiers.

Pour le chauffage domestique au bois, le bois bûche est privilégié. Il s’agit souvent d’une ressource locale constituée à 64 % de bois prélevé en forêt, à 23 % de bois issu de l’entretien des vergers ou des haies et à 13 % de bois de récupération.

Au fil des années, le volume de bois de chauffage domestique baisse du fait du meilleur rendement des appareils, de l’isolation des logements et du développement des appareils à granulés (de plus en plus plébiscités).

Un complément aux autres usages

Le développement du bois énergie ne peut être considéré uniquement sous l’angle de ses opportunités, mais doit l’être également sous celui des impacts environnementaux – contribution à l’atténuation du changement climatique, disponibilité de la ressource bois, qualité d’air. Ainsi, un équilibre doit être recherché entre le service rendu (par exemple, la chaleur) et les impacts générés.

Pour atteindre la neutralité carbone, plusieurs leviers sont à actionner : réduire les consommations d’énergie, favoriser le stockage de carbone dans les écosystèmes et les produits bois et décarboner la production d’énergie en remplaçant les énergies fossiles par des énergies renouvelables.

Afin d’améliorer le bilan environnemental global du bois énergie, il faut déployer les filières bois d’œuvre pour favoriser l’usage du bois dans des matériaux à longue durée de vie (charpente et couverture, menuiserie, revêtement de sol, ameublement, etc.) – ces matériaux stockent pendant leur durée de vie une partie du carbone prélevé en forêt et se substituent à d’autres matériaux d’origine fossile (acier, béton, plastique). Cela conduira en outre à augmenter le bois disponible pour l’énergie.

Préserver le puits de carbone forestier

Autre aspect à prendre en compte : avons-nous la ressource suffisante au regard des objectifs fixés par la PPE ? La forêt couvre aujourd’hui 16,9 millions d’hectares (Mha) en France métropolitaine, soit 31 % du territoire. Au XXe siècle, la surface forestière s’est accrue de 6 Mha selon l’inventaire forestier de l’IGN.

Pour trouver l’équilibre entre préservation du puits de carbone forestier et développement du bois énergie, le plan national pour la forêt et pour le bois définit des objectifs de mobilisations pour la biomasse forestière inférieurs à l’accroissement des forêts – entre 2009 et 2017, la récolte totale du bois forestier pour l’ensemble des usages représentait environ 60 % de l’accroissement naturel net de la forêt.

Diversifier l’approvisionnement

Par ailleurs, au delà de l’utilisation de la plaquette forestière, il est nécessaire de poursuivre la diversification de l’approvisionnement des chaufferies via l’utilisation de déchets de bois, de déchets verts, du bois hors forêt et le développement du granulé.

Pour les installations collectives et industrielles financées par le Fonds chaleur, les plans d’approvisionnement sont soumis pour avis aux « cellules biomasses » en région. Celles-ci évaluent le risque de concurrence d’usage sur une ressource et la disponibilité de la ressource bois pour l’installation à venir.

Optimiser le bilan environnemental du bois énergie implique aussi de réduire les distances d’approvisionnement en combustibles, autrement dit de privilégier une ressource locale, tout en tenant compte des différences de ressources entre les régions afin de maintenir leur équilibre.

Favoriser certaines pratiques sylvicoles

Les pratiques sylvicoles ont aussi un rôle important à jouer pour optimiser la contribution du bois énergie à l’atténuation du changement climatique. Dans son ACV récente, l’Ademe propose une première approche de quantification des bilans de gaz à effet de serre (GES) de la production de chaleur à partir de plaquettes forestières issues de différents scénarios sylvicoles dans un contexte d’augmentation de la récolte de bois. Les exemples étudiés montrent une grande variabilité du bilan GES global de la production de chaleur en fonction des pratiques sylvicoles considérées.

Cette étude permet de confirmer les pratiques sylvicoles permettant d’augmenter la production de bois énergie tout en limitant la diminution ou en augmentant les stocks moyens de carbone en forêt. Ainsi, il est recommandé de prioriser pour le bois énergie du bois ne trouvant pas de débouché matériau et qui :

  • aurait dans tous les cas été coupé : actions sylvicoles nécessaires à la récolte du bois d’œuvre, coupes sanitaires, etc. ;

  • favorise la production de bois d’œuvre : coupes sélectives des arbres de faible diamètre ;

  • est issu de nouveaux boisements sur des terres actuellement non boisées en déprise agricole ou des friches urbaines.

Les pratiques qui présentent un plus fort risque de déstockage et d’altération de la qualité du sol ou de la biodiversité, sont au contraire à éviter – comme l’usage de gros bois de qualité matériau directement en énergie.

Protéger les sols, un défi pour la filière

La forêt rend des services environnementaux et sociétaux indispensables : refuge et réservoir de biodiversité, accueil du public, production de bois, stockage de carbone… Des pratiques de récolte de bois non durables ont un impact sur le fonctionnement des écosystèmes. Avec à terme des effets sur la croissance, la régénération des forêts et donc sur la filière.

Capitalisant les résultats de projets de recherche et guide pratique, une brochure de l’Ademe a été élaborée avec des représentants des professionnels forestiers et des filières bois, du monde académique et des associations environnementales.

Il synthétise les enjeux majeurs pour une récolte durable de bois destinée à la production de plaquettes forestières. Avec des outils d’aide à la décision et de bonnes pratiques dont l’objectif est de maintenir la fertilité chimique et l’intégrité physique des sols, de conserver des habitats pour la biodiversité et de préserver les zones humides et les cours d’eau.

Emilie Machefaux, Responsable du service « Forêt Alimentation et Bioéconomie », Ademe (Agence de la transition écologique)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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