Chaussures, femmes enceintes, mal de dos… Cinq idées reçues sur la course à pied

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La course à pieds véhicule certaines idées fausses. Gary Butterfield/Unsplash, CC BY-SA

Chaussures, femmes enceintes, mal de dos… Cinq idées reçues sur la course à pied

La course à pieds véhicule certaines idées fausses. Gary Butterfield/Unsplash, CC BY-SA
Guillaume Abran, Université de Liège

Je suis kinésithérapeute dans une clinique du sport (Centre hospitalier Régional de Huy en Belgique) avec une spécialisation dans les blessures des jambes.

À côté de mon travail de clinicien, je suis également chercheur à l’Université de Liège (Laboratoire du Mouvement Humain). Je m’intéresse à l’implication du complexe pied-cheville dans la prévention des blessures et la performance en course à pied d’endurance. Ces deux aspects de mon travail me permettent de combiner les preuves scientifiques relatées dans la littérature scientifique et la réalité de terrain de la prise en charge de coureurs blessés.

La course à pied est l’un des sports l es plus pratiqués dans le monde grâce à son accessibilité et son faible coût.

Ce sport présente de nombreux bénéfices qui sont malheureusement contrebalancés par une fréquence élevée d’apparition de blessures, environ deux fois plus de blessures que dans la moyenne des autres sports. L’incidence des blessures varie considérablement selon les études, mais il semblerait que près de 65 % des coureurs subiront au moins une blessure au cours de cette année.

Les causes de blessures en course à pied sont bien souvent incomprises, notamment par leur aspect multifactoriel. Cette incompréhension a pour conséquence le développement de fausses croyances découlant souvent sur la récidive d’une blessure et parfois sur un arrêt définitif de la pratique sportive. Notre rôle en tant qu’acteur des soins de santé est de lutter contre ces croyances sans véritable fondement afin de promouvoir l’activité physique et l’adoption d’un mode de vie moins sédentaire dans la population générale. Dans cet article, je partage les principales croyances auxquelles je dois faire face dans ma pratique clinique avec des coureurs de tout âge et de tous les niveaux.

« Si je me blesse, c’est parce que mes chaussures ne sont pas adaptées »

La chaussure est souvent incriminée dans l’apparition des blessures en course à pied. Les principaux arguments sont le manque d’amorti de la chaussure ou son état d’usure. L’industrie de la chaussure représente plusieurs milliards de dollars. Les marques proposent constamment de nouveaux modèles avec des caractéristiques et des technologies supplémentaires pouvant soi-disant réduire le risque de blessure. À ce jour, le lien entre le type de chaussure et l’apparition d’une blessure en course à pied reste faible. En effet, les études ayant essayé de démontrer l’intérêt de l’amorti ou l’effet de l’usure de la chaussure sur l’apparition des blessures en course à pied ont échoué. Inversement, il semblerait même que les chaussures équipées d’un amorti important provoquent des contraintes articulaires plus importantes. De ce fait, le choix d’une chaussure devrait être individuel et résulter principalement du confort que l’on ressent en la portant.

« Mon médecin m’a dit que j’avais de l’arthrose, je ne peux plus courir »

L’arthrose est une pathologie affectant les cartilages qui touche une part importante de la population. La succession des impacts causés par la pratique de la course à pied est souvent considérée à tort comme néfaste pour les cartilages. Pourtant, la littérature scientifique a un tout autre avis sur la question.

Bien que l’épaisseur des cartilages se réduise dans les minutes qui suivent une activité de course à pied, elle revient à la normale après seulement une heure. D’autres études mettent en évidence que les coureurs récréationnels présentent moins d’arthrose que les personnes sédentaires. Cela pourrait s’expliquer en partie par l’adaptation sur le long terme du cartilage par les impacts liés à la course, mais aussi par les bénéfices secondaires dus à la pratique de la course (masse corporelle plus faible, force musculaire plus importante, etc.). Des études nous montrent également que pratiquer la course à pied avec des signes d’arthrose n’augmente pas les symptômes et ne provoque pas de détérioration supplémentaire au niveau du cartilage. L’arthrose ne devrait donc pas décourager la pratique de la course à pied.

« J’ai mal au dos, la course à pied n’est pas recommandée »

Les douleurs de dos sont les principales causes de restriction de participation à des activités et d’absentéisme au travail. Les douleurs de dos s’accompagnent fréquemment de comorbidités telles que la peur de bouger ou un niveau d’anxiété élevé. De nombreuses études ont montré les effets de la pratique d’une activité physique pour protéger l’apparition des douleurs de dos, mais également pour diminuer les douleurs lorsqu’elles sont déjà présentes. Les douleurs de dos chez les coureurs sont moins présentes que dans la population générale et il semblerait que pratiquer la course à pied soit un facteur protecteur.

D’autre part, la course à pied à faible intensité permet également d’augmenter le métabolisme de base, mais aussi le débit sanguin vers les muscles du dos, permettant une amélioration du processus de guérison.

« Si je me blesse, c’est parce que ma technique de course n’est pas bonne »

La technique de course est un sujet qui anime souvent les débats chez les coureurs à pied. De nombreux sites Internet sans fondement scientifique proposent des méthodes pour réduire le risque de blessures : « atterrir sur l’avant du pied », « courir avec une cadence à 180 pas par minute », « courir pieds nus », etc.

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Pourtant, à ce jour, il n’existe pas d’étude avec un niveau de preuve élevé qui ait démontré un lien causal entre un paramètre biomécanique et l’incidence des blessures en course à pied. Au contraire, il semblerait plutôt que modifier brutalement sa technique de course puisse augmenter le risque de blessures en augmentant la contrainte sur des zones qui étaient jusqu’à maintenant inhabituées à en recevoir. De façon générale, il n’est pas recommandé de modifier sa technique de course chez un coureur qui ne se blesse pas. Chez un coureur blessé, la modification de la technique de course sera réalisée de façon individualisée en tenant compte de ses caractéristiques individuelles, de ses antécédents de blessures et de sa blessure actuelle.

« Depuis que je suis enceinte, j’ai arrêté de courir car cela pourrait être dangereux pour mon bébé »

La pratique de l’exercice physique et la grossesse ne sont pas toujours perçues comme compatibles. Pourtant, l’exercice physique durant la grossesse présente de nombreux bénéfices tant pour la maman que son bébé (ex. : diminution du risque de macrosomie, du diabète gestationnel, de prééclampsie, de lombalgies et d’incontinence urinaire). Les recommandations actuelles conseillent une pratique de 150 minutes d’activité physique modérée par semaine pour une femme enceinte qui pratiquait le sport avant sa grossesse. Il est également possible de commencer la pratique de l’activité physique pendant la grossesse en débutant par cinq minutes la première semaine puis d’ajouter cinq à dix minutes chaque semaine. La course à pied est une activité physique tout à fait adaptée pour une femme enceinte, même au dernier trimestre. Les études nous montrent que la pratique de la course à pied n’avance pas la date du terme de la grossesse, renforce les muscles du plancher pelvien et pourrait également réduire le risque de dépression post-partum. Cependant, chaque grossesse comporte des spécificités et une discussion avec son médecin traitant est recommandée.

La course à pied est donc une activité physique présentant de nombreux avantages) qui devraient faire oublier les quelques désagréments qu’elle peut parfois occasionner. L’arrêt de sa pratique ne devrait être conseillé que dans des cas exceptionnels. Les pépins physiques font souvent partie de la vie du sportif. La fatigue et le stress auquel nous sommes soumis quotidiennement associés à une hygiène de vie pas toujours idéale sont des facteurs pour lesquels notre champ d’action est souvent limité et participe à l’apparition de nos blessures. Pour minimiser leur risque d’apparition, une pratique progressive avec une vision à long terme devrait être favorisée.The Conversation

Guillaume Abran, Kinésithérapeute et doctorant en Sciences de la Motricité, Université de Liège

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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