Ces robots humanoïdes seront-ils capables de sauver le monde ?

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Depuis 2003, les laboratoires Hanson Robotics mettent au point des machines intelligentes qui font partie du plan de David Hanson pour tenter de sauver l’humanité.

I. La vallée étrange

« L’imagination est plus importante que la connaissance. » — Albert Einstein

Les gens se pressent sur la scène autour du professeur Einstein. Il fait son show pour les caméras des smartphones braquées sur lui, tirant la langue ou leur adressant des regards d’une sévérité comique. « La chose importante est de ne pas cesser de s’interroger. La curiosité a sa propre raison d’exister », dit-il d’un ton docte à la foule qui l’entoure, parcourue d’exclamations et de rires. Perché sur une petite table ronde, il regarde chacune des personnes rassemblées autour de lui, tour à tour grimaçant ou circonspect. Il semble attendre qu’on lui adresse la parole.

« Professeur, comment vous sentez-vous ? » finit par lui demander Andy Rifkin, l’un de ses créateurs. Le petit robot d’une quarantaine de centimètres tourne alors son visage vers lui, sa chevelure hirsute et sa moustache broussailleuse soulignant son intense expressivité. « Je me sens parfaitement bien, Andy », répond-t-il d’une voix sonore et naturelle. Le public est soufflé. « Il reconnaît ma voix », explique l’imposant directeur de la technologie de Hanson Robotics. Il tient dans ses mains une tablette sur laquelle une application permet d’interagir avec le Professeur. Ce dernier est capable de disserter sur des problèmes mathématiques, la formation de l’univers et les grands scientifiques de l’histoire, mais il peut aussi tenir une conversation naturelle avec son interlocuteur. Il intègre également un système wi-fi qui le relie au MindCloud™ de Hanson Robotics, lui permettant d’accéder à de nouveaux jeux ainsi qu’aux mises à jour de l’intelligence artificielle dont profitent tous les robots de la compagnie.

En février 2009, sur la scène de TED, le Dr David Hanson, fondateur de Hanson Robotics, était apparu avec un autre buste du professeur Einstein, réalisé à l’échelle. Alors âgé de 40 ans, le fringant scientifique aux cheveux châtains en bataille arborait des favoris broussailleux et une moustache extravagante qui lui donnaient des airs de Daniel Day-Lewis dans Gangs of New York. « Les robots que je développe sont des personnages. À terme, ils seront réellement capables d’empathie envers vous », avait-il déclaré au public avant d’effectuer une démonstration de sa création. Le professeur Einstein était alors déjà capable de percevoir les gens présents dans une pièce, de les regarder un par un et de se souvenir d’eux. Il pouvait aussi moduler les expressions de son visage pour refléter celles de son interlocuteur.

« Sa perception de votre état émotionnel est capitale pour qu’il développe de l’empathie », expliquait David Hanson. « On dépense des milliards dans des machines capables de tuer, mais la robotique de personnalité pourrait à terme produire des robots vraiment doués d’empathie. Ce sont peut-être les germes de l’espoir pour notre futur. »

Sept ans plus tard, dans une salle de conférence de l’hôtel Venetian de Las Vegas, nous voici en présence d’une version miniature du professeur Einstein. Hanson Robotics projette de la distribuer le plus largement possible, pour amuser enfants et adultes et proposer une relation inédite avec une machine dotée d’intelligence. Le Professeur n’a rien d’effrayant, bien au contraire, tout le monde dans la salle semble déjà l’adorer ; à tel point que la scène doit être évacuée par les organisateurs de l’événement. Une fois le public installé et revenu au calme, Andy Rifkin, David Hanson et Steve Carlin, de Softbank Robotics, prennent place pour évoquer le futur des interactions humains-robots. Durant l’heure qui suit, ils sont régulièrement interrompus par des tirades ou des grimaces du professeur Einstein, qui se fait une joie de distraire l’assistance et de déclencher des éclats de rire intempestifs.

« Le réalisme de l’expression faciale d’un robot n’est pas le plus important », explique David Hanson pendant que le visage du Professeur s’illumine d’un grand sourire béat. « Si nos cerveaux sont si sensibles à ces détails, c’est qu’il s’agit d’un langage qui véhicule des informations. Mais ce langage fonctionne aussi de façon abstraite : c’est pour ça qu’il est plus efficace chez un personnage comme Wall-E que chez d’autres plus photoréalistes. »

Cela explique pourquoi les créations du professeur Hiroshi Ishiguro effraient la plupart des gens. Le scientifique japonais a mis au point des androïdes très semblables en apparence aux êtres humains, dont le plus célèbre d’entre eux s’appelle Erica. Son visage est délicat et encadré par des cheveux plus vrais que nature. Mais il traduit peu d’expressions et les yeux d’Erica restent perdus dans le vague, un aspect dérangeant pour ses interlocuteurs humains. Elle est l’illustration parfaite de la vallée de l’étrange, une théorie développée par le roboticien japonais Masahiro Mori en 1970. Il estimait que plus un androïde ressemble à un être humain, plus ses défauts nous paraissent monstrueux....

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