En jetant à la mer une partie de leur cargaison pour éviter le naufrage, les marchands de l’Antiquité mutualisaient les pertes. Ce schéma pourrait être utilisé contre la menace climatique, affirment trois chercheurs dans une tribune au « Monde ».
Il aura fallu la révolte des « gilets jaunes » pour reconnaître que l’effort écologique ne sera accepté que s’il est réparti avec justice. Car à l’évidence, la taxe sur le diesel, fondée sur le principe du pollueur-payeur, ne tient compte ni des contraintes de chacun ni des bénéficiaires de la lutte contre le changement climatique. Dérivés du même raisonnement économique, les outils généralement évoqués pour une politique écologique – taxes ou quotas d’émissions négociables sur un marché – cherchent à inciter les individus à adopter des comportements vertueux par un signal sur les prix. Mais ces mécanismes échouent à obtenir une juste répartition des efforts. Car, pour lutter contre la menace climatique, ce n’est pas d’échange économique qu’il s’agit, mais d’action solidaire face au danger commun.
C’est justement une telle solidarité qu’organise le principe des « avaries communes » qui, depuis plus de 2 500 ans, fonde une règle constante du droit maritime : le partage équitable des efforts consentis pour le salut de tous. Ce principe offre une voie juste et efficace pour lutter contre la menace climatique.
Réduire la consommation d’énergie fossile est coûteux pour les individus comme pour les nations qui y consentent. Cependant, c’est indispensable.
Le changement climatique résulte de la consommation d’énergie fossile accumulée depuis deux siècles. En l’absence d’une énergie alternative inoffensive et rentable, il est impératif de réduire cette consommation. Une telle réduction est coûteuse pour les individus comme pour les nations qui y consentent. Cependant, elle est indispensable – et c’est là le nœud du problème – pour sauver les richesses de tous ! Car les émissions de CO2 des uns pèsent sur le climat de toute la planète, et la sobriété des autres bénéficie à tous. Toute taxe et marché universels sont donc injustes parce qu’ils ignorent ces interdépendances.
Le principe des avaries communes évite cette injustice. Né dans l’Antiquité pour gérer le danger en mer, il impose aux passagers d’un bateau d’être économiquement solidaires vis-à-vis des marchandises que le capitaine choisit de jeter par-dessus bord lorsqu’il s’agit d’échapper au naufrage. Une fois à bon port, la valeur des marchandises ainsi perdues sera payée par tous les passagers, proportionnellement à la valeur de leurs marchandises sauvées du naufrage. C’est ce principe de justice original qui justifie l’acceptabilité du sacrifice demandé – détaillé dans l’article « Autorité de gestion et avaries communes : pour un complément du droit de l’entreprise ? », de Blanche Ségrestin et Armand Hatchuel (Finance Contrôle Stratégie, n° 14/2, 2011).
Lire la suite : « Appliquons le principe antique des “avaries communes” pour sauver la planète »
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