Affaire Huawei : « Ce n’est pas en se divisant face à la Chine que l’Europe regagnera du terrain »

Economie

Spécialiste de l’Asie, François Godement milite, dans une tribune au « Monde », pour que Bruxelles se dote d’un champion européen avant la mise en place des réseaux 5G, au cœur de l’économie de l’avenir.

Tribune. « Combien de divisions ? », demanda un jour Staline à propos du pape. La Chine donne un sens nouveau à cette question. A son propos, les Européens ont une capacité illimitée à créer des divisions en leur sein. Celle-ci n’a plus qu’à souffler sur les braises. La Chine excelle depuis longtemps à ce jeu, pour lequel les néoconservateurs américains ne jouent qu’en catégorie amateurs. Car elle sait cultiver jusqu’à l’infiniment petit en matière de divisions.

Le principal porte-parole de la diplomatie chinoise proclame à Munich « l’attachement vigoureux de la Chine à l’intégration européenne », mais le président Xi Jinping assure un service après-vente d’un autre genre : sa prochaine tournée européenne l’amènera non seulement à Rome et à Paris, mais aussi à Monaco (38 000 habitants). Cela bat le record, établi en 2015, d’une visite de deux jours en Biélorussie, dont la population et le PIB sont inférieurs de 0,001 % à ceux de la Chine.

« Qu’il soit grand ou petit, riche ou pauvre, puissant ou faible, chaque Etat a des droits égaux dans la communauté internationale », a dit le président Xi Jinping, en recevant le prince Albert II pour une visite d’Etat en septembre 2018. Les voisins de la Chine en Asie du Sud-Est auraient été heureux de l’entendre, quand un premier ministre chinois leur rappelait qu’ils étaient de « petits pays » à côté de la grande Chine. Très probablement, le passage de Xi sur le rocher monégasque se traduira par la signature d’un accord formel sur les « nouvelles routes de la soie » – c’est en effet cette année le but de ses visites européennes.

En réalité, la Chine aime beaucoup l’Europe, mais fractale, c’est-à-dire divisible à l’infini. La Biélorussie, petit régime autoritaire ni russe ni européen, est une voie de transit obligée de l’Eurasie, à la suite des conflits du Proche-Orient et du Donbass. Le rocher financier de Monaco, c’est à peu de frais un signataire de plus pour les « nouvelles routes de la soie » en Méditerranée. Sait-on que la Chine développe des relations économiques avec l’Abkhazie et avec la Transnitrie, micro-Etats non reconnus ?

Opiniâtreté chinoise

Mais, avec l’Union européenne, c’est autre chose. Il n’y a pas d’accord sur des normes communes des projets dans les pays tiers, donc sur les « nouvelles routes de la soie ». Il n’y a toujours pas d’accord mutuel sur les investissements. Même un maigre accord sur les indications géographiques d’origine, promis pour 2018, n’a pu être signé. Lasse que la Chine lanterne avec des propos vagues, la Commission Juncker aura réussi à faire adopter des mesures de précaution : instruments de défense commerciale, filtrage des investissements. Ce réalisme n’aurait pu s’enraciner si l’Allemagne, la France et naguère l’Italie n’avaient décidé que l’Union européenne devait porter leur voix pour faire jeu égal – ou presque – avec la Chine.


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