De la fumée s’élève d’une base de défense aérienne à la suite d’une frappe russe à Marioupol, en Ukraine, le 24 février 2022. (AP Photo/Evgeniy Maloletka)
L’invasion de l’Ukraine par la Russie a choqué le monde entier, mais Vladimir Poutine s’y préparait depuis un certain temps déjà.
Pour Poutine et pour une partie des Russes, les méchants de la crise ne sont pas seulement les nationalistes ukrainiens, mais aussi les gouvernements occidentaux. On considère que l’Occident fonctionne selon certaines normes pour lui-même, et selon d’autres normes pour des pays comme la Russie.
Il est essentiel de saisir cet aspect de la vision du monde de Poutine pour comprendre pourquoi il est si peu disposé à reculer face à ce qu’il perçoit comme l’intransigeance et l’hypocrisie occidentales.
De la fumée s’élève d’une base de défense aérienne à la suite d’une frappe russe à Marioupol, en Ukraine, le 24 février 2022.(AP Photo/Evgeniy Maloletka)
Crise des missiles cubains
Le concept russe de l’hypocrisie occidentale remonte à l’époque de l’Union soviétique et de la guerre froide. Un événement particulièrement important a été la crise des missiles cubains de 1962. Les États-Unis s’opposaient au fait que l’Union soviétique installe des armes nucléaires à Cuba, alors qu’eux-mêmes positionnaient à la même époque leurs armes près de l’Union soviétique, en Turquie.
Sur cette photo d’avril 1961, des membres de la milice de Fidel Castro se reposent après une opération dans une zone d’invasion à Cuba. En 1961, le débarquement de la baie des Cochons, soutenu par les États-Unis, n’a pas réussi à renverser le dirigeant cubain Fidel Castro, appuyé par les Soviétiques.(AP Photo)
À l’époque, les États-Unis invoquent la doctrine Monroe, énoncée pour la première fois en 1823 et qui proclame la domination américaine dans l’hémisphère occidental. Les politiciens américains affirmaient que cette doctrine leur donnait carte blanche pour stopper toute influence étrangère sur le continent américain.
Bien que le leader cubain Fidel Castro l’ait souhaité, Cuba n’a jamais été autorisé à rejoindre le Pacte de Varsovie – l’équivalent soviétique de l’OTAN. L’Union soviétique était consciente qu’il aurait été extrêmement provocateur de permettre à Cuba de le faire.
L’Union soviétique a tenté d’introduire quelque chose de similaire avec ce qui est devenu la doctrine Brejnev, du nom de Léonid Brejnev, président qui a longtemps régné sur l’URSS. On y affirmait que l’Union soviétique devait intervenir dans les pays où le régime socialiste était menacé, et ce, même par la force.
Des manifestants portent une affiche présentant Poutine sous les traits de Léonid Brejnev lors d’un immense rassemblement de protestation à Saint-Pétersbourg, en Russie, en mai 2018.(AP Photo/Dmitri Lovetsky)
Pour Poutine, la protection des russophones en Ukraine est un motif d’intervention aussi justifié que ceux avancés par l’Occident en Irak et en Yougoslavie.
Aux yeux des Russes, l’Occident a été jusqu’à présent l’agresseur, qui a profité de la faiblesse de la Russie depuis l’effondrement de l’Union soviétique pour soutenir des gouvernements nationalistes dans l’ancien espace soviétique. Ces pays comptaient souvent d’importantes minorités russes à l’intérieur de leurs frontières.
Du point de vue du gouvernement russe, l’expansion de l’OTAN dans l’ex-Union soviétique a constitué une trahison des engagements occidentaux pris à la fin de la Guerre froide de limiter l’expansion de l’OTAN à une Allemagne unie. Elle a également été perçue comme une menace croissante pour la sécurité de la Russie, directement dans son arrière-cour.
Sur cette photo de 2004, des marines américains brûlent leurs fortifications sur les positions de première ligne à Fallujah, en Irak, alors qu’ils se retirent de la ville.(AP Photo/John Moore)
Armer l’Ukraine
L’armement de l’Ukraine par l’Occident a assurément été perçu par le gouvernement russe comme une façon de fournir aux Ukrainiens les moyens d’écraser les forces séparatistes prorusses dans l’est sans avoir à leur accorder le type d’autonomie proposée dans les défunts protocoles de Minsk de 2014-15. Ces accords étaient destinés à mettre fin à une guerre sécessionniste menée par des russophones dans l’est de l’Ukraine.
Selon Poutine, la seule solution devant la stagnation dans le cadre des protocoles de Minsk et le manque de volonté de l’Occident de prendre les demandes russes au sérieux a été de reconnaître les républiques sécessionnistes et de passer d’une action militaire secrète à une action militaire au grand jour.
Un homme et une femme se trouvent à côté de débris d’équipement militaire après une frappe russe à Kharkiv en Ukraine, le 24 février 2022.(AP Photo/Andrew Marienko)
L’approche occidentale de la diplomatie avec la Russie et d’autres puissances qui ne sont pas « des nôtres » a contribué à pousser la crise jusqu’à son point actuel et tragique.
Lorsqu’un parent impose une discipline à son enfant, il est généralement plus efficace d’éviter le « fais ce que je dis, pas ce que je fais ». La réaction impétueuse de Vladimir Poutine coûtera sans aucun doute des milliers de vies.
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