« Sous couvert de lutte contre le terrorisme, l’extraterritorialité du droit américain est une arme de guerre économique »

Economie

Depuis 2010, les entreprises françaises ont payé plus de 14 milliards de dollars à la justice américaine dans le cadre du Foreign Corrupt Practices Act. Une loi dont le but est d’affaiblir la concurrence étrangère, affirme Stéphane Lauer, éditorialiste au « Monde », dans sa chronique

Chronique. De la froideur déshumanisante d’un centre de détention de haute sécurité américain aux lambris du palais du Luxembourg… Que peut-il bien se passer dans la tête de Frédéric Pierucci ce 16 décembre 2019, alors qu’il s’apprête, dans les salons du Sénat, à recevoir des mains de Jean-Pierre Chevènement le prix littéraire des droits de l’homme pour son livre Le Piège américain (JC Lattès, 480 pages, 22 euros), coécrit avec le journaliste Matthieu Aron ? Au cours des six dernières années, cet ex-cadre dirigeant d’Alstom a tout connu : l’infamie, la trahison, la peur, avant de goûter, ces derniers mois, à la reconnaissance et au succès.

En tant que responsable de la filiale chaudière du groupe français, rien ne le prédestinait à devenir lauréat d’un tel prix. Mais sa vie bascule le 14 avril 2013 quand, alors que son avion vient d’atterrir à New York, deux agents du FBI lui passent les menottes à peine est-il sorti de l’appareil. Ce qui devait être un banal voyage d’affaires de trois jours se transforme en cauchemar. L’homme se retrouve au cœur d’un imbroglio judiciaire sur fond de guerre économique entre la France et les Etats-Unis, qui le conduira à être emprisonné pendant deux ans dans les pires conditions.

Pas une simple péripétie

A l’époque, Alstom est dans le collimateur de la justice américaine pour des faits de corruption remontant à 2004. Des pots-de-vin avaient été versés à des officiels indonésiens dans le but de remporter un contrat. La procédure s’inscrit dans le cadre du Foreign Corrupt Practices Act (FCPA). Cette loi permet d’appliquer le droit américain à des personnes ou des entreprises étrangères, pour peu qu’elles aient un lien, même ténu, avec les Etats-Unis. L’utilisation du dollar dans une transaction ou l’existence d’une entité juridique sur le sol américain suffisent au département de la justice pour exercer des pouvoirs exorbitants d’extraterritorialité.

Mais très vite, Frédéric Pierucci prend conscience que son arrestation n’est pas qu’une simple péripétie dans le cadre d’une opération anticorruption. Il est persuadé qu’il a été instrumentalisé dans une affaire, dont le but ultime était de fragiliser Alstom pour que l’entreprise soit vendue à General Electric avec la complicité de la justice américaine.

Toute l’affaire est racontée par le menu dans son livre, paru en janvier. Au-delà de son envie légitime de livrer sa part de vérité dans cet hallucinant thriller, Frédéric Pierucci s’est lancé depuis dans un combat contre l’extraterritorialité du droit américain. « Je consacre désormais l’essentiel de mon temps à alerter les entreprises et les gouvernements sur l’urgence à réagir », explique-t-il.


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