La vie existait déjà sur les continents il y a 3,22 milliards d'années

Environnement

Les traces de vie datant de plus de 3 à 3,5 milliards d'années sont généralement ambiguës et associées à des milieux marins. Mais des chercheurs pourraient avoir trouvé des traces convaincantes, sous forme de tapis microbiens fossilisés, vieux de 3,22 milliards d'années dans un environnement continental, conservés dans les roches de Barberton, en Afrique du Sud.


La région de Barberton en Afrique du Sud est célèbre pour plusieurs raisons. On y trouve des roches datant du début et du milieu de l'Archéen, cette période s'étendant d'il y a 4 à 2,5 milliards d'années dans le passé. C'est donc une fenêtre pour comprendre aussi bien le passé géologique reculé de la Terre que celui de sa biosphère.

Ainsi, non loin de cette région coule la rivière Komati, qui a donné son nom à des laves particulièrement fluides qui coulaient là-bas il y a plus de 3 milliards d'années, les komatiites, et qui ne s'épanchent quasiment plus qu'à titre très exceptionnel depuis la fin de l'Archéen. Leur viscosité devait être similaire à celle de l'eau puisqu'elles s'écoulaient à des températures supérieures à 1.400 °C et même, probablement, plus de 1.600 °C.

On trouve surtout à Barberton une « ceinture de roches vertes », plus connue en anglais et dans le monde de la géologie sous le nom de Barberton Greenstone Belt. Il s'agit de restes métamorphisés d'une zone volcanique associés à des roches sédimentaires où, depuis des années, les chercheurs pensent avoir trouvé des indications de l'existence de formes de vie très anciennes.  


Le Barberton Makhonjwa Geotrail à Mpumalanga, en Afrique du Sud, est une route panoramique de 37 km reliant Barberton et le Swaziland. Des panneaux d'interprétation et des aires d'aménagement paysager sur des sites géologiques et des sites d'observation importants y expliquent les formations géologiques et rocheuses, dont celles de la fameuse ceinture de roches vertes. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Batobic Programme

Des tapis microbiens archéens sur les berges d'une rivière ou d'un delta

Cette région, qui offre des archives sur le passé de la Terre et l'origine de la vie, est donc intensément étudiée depuis longtemps. Nouvelle preuve de l'intérêt des scientifiques pour Barberton : un article paru dans Nature Geosciences provenant d'une équipe internationale de chercheurs qui compte des membres de l'Institut universitaire européen de la mer (IUEM), à Brest, comme le sédimentologiste Martin Homann et le géochimiste Stefan Lalonde

Les traces de vie sur Terre datant d'il y a plus de 3 milliards d'années sont ambiguës et plusieurs découvertes qui semblaient solides ont finalement été critiquées car elles pouvaient s'interpréter comme le résultat de processus abiotiques ou de contaminations plus récentes.

La nouvelle étude montre une trace, présentée comme convaincante, de formes de vie vieilles d'environ 3,22 milliards d'années. Cet âge reculé en ferait l'une des traces de vie les plus anciennes, voire la plus ancienne. La vie aurait donc dû apparaître à une époque plus reculée, probablement de quelques centaines de millions d'années. Mais surtout, ce serait au moins la plus ancienne trace de vie dans un environnement qui ne serait pas marin. Comme l'explique Martin Homann, la découverte impliquerait que la vie a colonisé les terres émergées bien plus tôt qu'on ne le pensait, les preuves acquises jusque-là ne remontant qu'à 550 millions d'années.

Qu'ont donc trouvé Homann, Lalonde et leurs collégues ? Des traces fossilisées de tapis microbiens analogues à ceux présents au fond des mers ou dans des sources chaudes comme celles d'El Tatio ou de Yellowstone. Sauf que dans le cas présent, ces tapis microbiens se trouvent sur des couches sédimentaires contenant de nombreux cailloux, ce qui démontre que ces tapis ne se sont pas développés sur le sable d'une plage ou d'une mer peu profonde mais bien sur le bord d'une rivière, ou éventuellement d'un delta. Ces couches sont connues sous le nom de groupe sédimentaire Moodies dans les Barberton Makhonjwa, une chaîne de montagnes inscrite au patrimoine mondial de l'humanité. Ce groupe est l'une des plus anciennes séquences sédimentaires en eau peu profonde et bien conservées.

C'est une nouveauté car des sédiments archéens non marins sont difficiles à identifier et même à trouver. En effet, ils sont plus difficiles à préserver de l'érosion et donc plus rares que les sédiments marins. De plus, justement, il existe peu de fossiles repères qui permettraient de trancher entre les deux types de lieux de sédimentation. Les plus anciennes traces de tapis microbiens découvertes jusqu'à maintenant dataient de 2,7 milliards d'années, à Baerberton mais aussi à Pilbara en Australie.

Ces tapis microbiens fossilisés contiennent du carbone et de l'azote, ce qui correspond à ces formes de vie. Mais les rapports isotopiques diffèrent de ceux des tapis microbiens quasi-fossilisés présents en bord de mer. Le détail est d'importance : il indiquerait qu'il y a 3,22 milliards d'années, l'évolution avait déjà eu le temps de faire son œuvre en séparant deux types de populations de microbes.

Il pourrait s'agir de cyanobactéries, comme celles existant aujourd'hui, mais il est difficile de dire à ce stade si ces organismes produisaient ou non de l'oxygène par photosynthèse. Les deux phénomènes ne sont en effet pas liés dans le monde vivant et, de plus, il existe une photosynthèse anoxygènique.

Ce qu'il faut retenir
  • D'étranges filaments de carbone ont été découverts au début des années 1990 dans des roches australiennes baptisées Apex chert.
  • Depuis, les chercheurs discutent du fait qu'il s'agisse ou non de microfossiles de formes de vies d'il y a 3,5 milliards d'années ou de tout autre chose.
  • De récentes mesures des rapports isotopiques du carbone feraient à nouveau pencher la balance en faveur de la première hypothèse, ce qui suggérerait que la vie pourrait être apparue il y a au moins 4 milliards d'années.
  • Des traces de vies plus convaincantes ont été trouvées sous forme de tapies microbiens fossiles dans des roches de la fameuse ceinture de roches vertes de Barberton en Afrique du Sud.
  • Elles seraient les plus anciennes pour un environnement continental, à savoir 3,22 milliards d'années.

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