Derrière le soudain intérêt de la mode pour les corps et les genres en dehors de la norme se cache une stratégie marketing recherchant l'équilibre entre sincérité, rentabilité et durabilité.
Selon l'expertise de WWD, CNN Style, Refinery29, ou encore Fashion United, la diversité est une des «tendances» marquantes des années 2010. Au même titre que le boom des influenceurs et des influenceuses et la question du développement durable, la représentation de corps, de couleurs de peau et de genres différents semble avoir bousculé toute l'industrie. Ce que confirme le rapport chiffré du magazine The Fashion Spot. Se basant sur les défilés officiels de la fashion week, il comptabilise le nombre de mannequins non-blancs, non-valides, non-minces et de plus de 50 ans aperçu·es à New-York, Londres, Milan et Paris. Selon les conclusions de ce rapport, le mois de septembre 2019 a battu des records de diversité avec 41,5% de personnes non-blanches parmi les 7.390 modèles castés.
En une des magazines de mode et de la presse féminine, on retrouve les mêmes avancées. En octobre 2019, Madame Figaro mettait en couverture Ashley Graham, top model ronde ultra-influente.
ELLE célébrait Valentina Sampaio, première égérie transgenre de Pink, filiale de Victoria's Secret.
Des exemples par dizaines qui marquent une révolution.
Pour Kuchenga, autrice anglaise trans engagée dans la lutte contre les discriminations, voir des femmes comme Lizzo ou l'actrice non-binaire Indya Moore en couverture de magazines influents est «l'indication d'un changement culturel». Notamment celui de réhabiliter tous les corps qui jusqu'ici n'avaient pas accès à la lumière des podiums et des flashes d'appareil, photo parce que considérés comme dénués d'intérêt voire laids.
Selon Omar Shahid, directeur de l'agence M.I.N spécialisée dans l'influence digitale pour un public musulman ou de culture arabe, c'est grâce à une nouvelle génération d'influenceurs et d'influenceuses, de réseaux sociaux et d'audiences que l'on va aujourd'hui au-delà des standards de beauté européens imposés verticalement pendant des décennies. «Malgré l'islamophobie ambiante depuis vingt ans, il y a eu un gain d'intérêt pour les potentiels consommateurs musulmans qui se sont fait entendre, d'où l'émergence de figures comme Halima Aden et Ugbad Abdi», analyse-t-il. Aden est le premier mannequin à poser dans Sports Illustrated en burkini, tandis qu'Ugbad Abdi, noire, musulmane et portant le foulard, défile pour Chanel, Fendi, Burberry et Marc Jacobs.
Une petite poignée de personnalités
Même si, globalement, les chiffres semblent satisfaisants dans le rapport de The Fashion Spot, lorsqu'on regarde de plus près, on réalise que dans les défilés les plus suivis, on ne voit pas l'ombre d'une ronde ou d'une personne vivant avec un handicap. Selon Gianluca Russo, un seul défilé, comme celui de la marque de maillots de bain Chromat ou de la e-boutique plus-size 11 Honoré peut faire exploser le compteur et donc fausser la moyenne.
La semaine de la mode française a par exemple dépassé son record de modèles plus-size en septembre 2019 grâce à deux silhouettes chez Koché et une chez Thierry Mugler seulement.
Championne en titre, Rihanna est sur toutes les lèvres dès qu'arrive une discussion sur la diversité dans la mode. En quelques mois à peine, ses campagnes de pub pour Fenty Beauty puis Maison Fenty avec égérie au crâne rasé, à la peau très noire, Halima Aden et son foulard, des femmes grosses ou âgées, ont cassé tous les codes de représentation. Le succès est retentissant, si bien que l'icône devient grâce à son business la chanteuse la plus riche du monde en 2019 selon Forbes.
«Depuis sa ligne de cosmétique, de lingerie et de vêtements, on a fait peser sur elle tout l'enjeu de la diversité, analyse Mélody Thomas, journaliste chez Marie Claire et professeure à l'Institut français de la mode. Cela prouve qu'il y avait une soif de représentation dans l'industrie qu'elle était capable de satisfaire. Est-ce que les marques suivront?», s'interroge la journaliste. Pour Gianluca Russo, l'effet Rihanna est indéniable, mais gare à la pâle copie: «Les marques voient bien l'impact qu'elle a et tentent de reproduire la même chose à leur façon. Mais si ce n'est pas sincère, la clientèle concernée verra immédiatement qu'il s'agit d'un subterfuge pour maximiser les profits.» ..
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