Jean Pisani-Ferry : « Quel plan de financement pour l’acte II du quinquennat ? »

Politique

Dans sa chronique au « Monde », l’économiste suggère de profiter du faible niveau des taux d’intérêt pour financer des réformes de fond (innovation, transition énergétique, services publics) plutôt que baisser les impôts ou les dépenses publiques.

Chronique. Les priorités pour la deuxième partie du quinquennat d’Emmanuel Macron vont prochainement être fixées. Un débat sur leur financement s’est engagé.

Pour certains, l’urgence est de calmer la colère en distribuant du pouvoir d’achat et en baissant les impôts, quitte à retarder le désendettement de l’Etat. L’impatience à laquelle ils veulent répondre est incontestable. Mais une telle politique ne s’impose pas économiquement, car le pouvoir d’achat par tête va déjà croître de 2 % cette année, et surtout elle ne peut mener bien loin : une revendication légitime en appelant une autre, elle aurait toute chance d’épuiser les marges de manœuvre budgétaires bien avant d’être venue à bout des insatisfactions.

Pour d’autres, l’impératif premier est au contraire la réduction du déficit public. Ils arguent du niveau élevé de l’endettement de l’Etat et de la proximité probable d’une récession internationale pour plaider une accélération de l’ajustement budgétaire. Effort sur les effectifs publics, réduction des subventions, coup de rabot sur divers transferts : la logique s’entend bien. Mais le risque est d’y sacrifier l’investissement et surtout les initiatives économiques et sociales porteuses de transformations en profondeur, car le capital politique du président est trop entamé pour qu’il puisse l’engager sur deux fronts simultanément.

Le risque italien

La question des retraites cristallise aujourd’hui l’alternative entre réforme de financement et réforme systémique. Un recul de l’âge légal de départ améliorerait certes les comptes de l’assurance-vieillesse, mais il interdirait de mener simultanément à bien le changement radical des règles du jeu que vise la réforme en cours de préparation.

Parce qu’elle fera par nécessité des perdants en même temps que des gagnants, celle-ci ne peut être mise en œuvre qu’à enveloppe financière constante. C’est la condition pour qu’il n’y ait pas de confusion sur sa finalité.

Le même dilemme se pose dans d’autres domaines : novembre 2018 a sonné le glas du « double dividende » par le jeu duquel la fiscalité écologique allait financer la baisse des impôts ; unification des minima sociaux et mise en place du revenu universel d’activité vont sans doute demander des ressources additionnelles ; et une éventuelle refonte de la fiscalité locale ou une modernisation de l’imposition des revenus se conçoivent difficilement sans réduction simultanée du niveau d’imposition.

Pour le dire simplement : aujourd’hui, en France – ce n’est pas toujours et partout le cas – les réformes sont au mieux budgétairement neutres, et souvent coûteuses. Cependant, donner priorité à l’ajustement budgétaire et sacrifier des transformations ambitieuses reviendrait à prendre son parti d’un équilibre économique médiocre (taux d’emploi trop bas, faible croissance de la productivité, insuffisance de l’effort de formation et de recherche). Ce serait faire courir à la France le risque italien : contrairement aux apparences, celui d’un pays budgétairement sérieux depuis trente ans, mais qu’une performance économique lamentable a enfermé dans un cercle vicieux dont il ne se dépêtre pas.


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