« Avant, je n’avais jamais eu l’idée de porter plainte. Je me disais que c’était normal », assure Mamadou, droit comme un « i » dans le bureau de son avocat, Me Slim Ben Achour. Pour ce lycéen de Terminale et son camarade Zackaria, assis à sa gauche, les contrôles d’identité relèvent presque de la routine : tous deux assurent être sommés quatre ou cinq fois par mois de montrer patte blanche. Dans la rue, au centre commercial, parfois sur le chemin du lycée… Et pour la première fois , le 1er mars dernier, au cours d’une sortie scolaire. « Ça a été la goutte d’eau. J’ai réalisé qu’on ne pouvait pas me contrôler, sans raison, juste parce que je m’appelle Mamadou et que je suis black. »

Les deux adolescents présents ce jour-là, ainsi qu’un troisième actuellement en vacances, s’apprêtent à assigner l’État en justice pour « discrimination raciale ». « La plainte est prête, elle sera déposée au plus tard dans deux jours », assure leur avocat, Me Slim Ben Achour, qui avait déjà été l’un des artisans de la condamnation en novembre dernier de l’État sur la question des contrôles au faciès. « On est obligé de constater que les autorités ne prennent pas au sérieux les droits, surtout de ceux qui sont perçus comme liés au quartier. »

Trois contrôles d’identité en « moins de cinq minutes »

« La goutte d’eau », comme la surnomme Mamadou, a eu lieu gare du Nord, le 1er mars dernier vers 19h45. Ce soir-là, l’adolescent de 18 ans et ses 17 camarades de Terminale professionnelle du lycée Louise-Michel,à Epinay-sur-Seine, reviennent d’un voyage scolaire à Bruxelles. « Ils dormaient tous dans le train, ils ne parlaient même pas entre eux », assure Elise Boscherel, leur professeur de Lettres-Histoire, qui organisait la sortie.

Pourtant, à peine ont-ils posé le pied sur le quai, qu’un élève, Iliès, 17 ans, se fait contrôler. Quelques minutes plus tard, c’est au tour de Mamadou et Zackaria, tous deux à peine majeurs. Leurs valises sont ouvertes, ils sont palpés devant le reste de la classe. Leur professeur tente d’expliquer la situation aux policiers, elle se fait violemment rabrouer. La tension monte d’un cran lorsqu’un des fonctionnaires joue « la provoc’». Devant le reste de la classe, il indique qu’un des élèves a un casier judiciaire. « Moi, je suis une femme et je suis blanche, je n’ai jamais été contrôlée. Là, j’ai vu une véritable volonté de les humilier », assure l’enseignante. Sur les cinq garçons que compte sa classe, trois ont été contrôlés.