Prévenir à l’avance de l’arrivée d’un séisme ou d’un tsunami peut permettre de sauver des vies et d’organiser les secours. Comment détecte-t-on rapidement ces évènements si imprévisibles ? Tour d'horizons des méthodes scientifiques actuelles et en développement.
Il y a 20 ans, le 26 décembre 2004, un mégaséisme frappait la région de Sumatra, provoquant la rupture d’une faille sur une longueur supérieure à 1 300 kilomètres pendant une dizaine de minutes. Ce séisme a généré un tsunami atteignant localement les 30 mètres de hauteur, étendant considérablement la région affectée par le séisme et causé plus de 220 000 victimes dans 14 pays sur le pourtour de l’océan Indien. Bien que le tsunami ait pris plusieurs heures pour atteindre certaines régions comme en Inde ou au Sri Lanka, la plupart des victimes n’ont pas été prévenues du danger.
Vingt ans après cette catastrophe, les systèmes d’alerte permettent aujourd’hui de réduire l’impact des tremblements de terre et des tsunamis.
Les alertes aux séismes et aux tsunamis sont diffusées via des sirènes et des messages sur téléphone, à la radio et à la télévision. Quelques secondes suffisent pour prendre des mesures élémentaires : s’éloigner des fenêtres, se mettre sous une table, freiner les trains pour éviter les déraillements, stopper les opérations chirurgicales, entre autres. En quelques minutes, les côtes exposées peuvent être évacuées avant l’arrivée d’un tsunami. Ces alertes permettent de sauver des vies, mais aussi de réduire l’impact psychologique dans la population.
Les alertes au tsunami opérationnelles aujourd’hui
Le séisme de Sumatra en 2004 a donné un coup d’accélérateur au développement de méthodes d’alerte tsunami : c’était la première fois qu’un tremblement de terre d’une telle ampleur était mesuré par un réseau de sismomètres modernes. La rupture sismique était d’une dimension tellement importante qu’il a fallu plusieurs heures pour déterminer sa magnitude (sa taille). L’océan Indien ne disposant pas de système d’alerte, les zones littorales n’ont pas été évacuées avant l’arrivée du tsunami.
Lorsqu’un séisme a lieu sous l’océan, le plancher océanique se déplace, ce qui peut engendrer un tsunami. Mais les ondes sismiques se propagent beaucoup plus rapidement qu’un tsunami — au moins 40 fois plus vite, si on considère les ondes les plus rapides. On peut donc détecter ces ondes avant que le tsunami n’atteigne la côte, et obtenir rapidement une information sur le caractère « tsunamigénique » du séisme. L’occurrence d’un tsunami peut ensuite être vérifiée par des bouées mesurant la hauteur des vagues en pleine mer.
Au premier ordre, l’ampleur d’un tsunami est contrôlée par la localisation, la taille et la géométrie de la rupture sismique. L’estimation de ces paramètres est paradoxalement complexe pour les très grands séismes, car le signal sismique est fortement influencé par la grande taille de la faille et par la complexité de la rupture sismique. Pour contourner cela, nous avons proposé, depuis 2008, l’utilisation d’un signal sismique appelé phase W, correspondant à des ondes de très grandes longueurs d’onde se propageant rapidement dans la Terre. Nous avons ainsi montré que ce signal permet une estimation très robuste et rapide de la source sismique, même si la rupture est très grande et complexe.
La phase W est aujourd’hui utilisée de façon routinière pour caractériser rapidement les grands séismes et leur potentiel tsunamigène en 20 ou 30 minutes, à l’aide des stations sismologiques du réseau mondial. Si le réseau sismologique est suffisamment dense localement, nous avons montré qu’il est possible d’obtenir des estimations plus rapidement en utilisant des données régionales, en moins de 10 min. Ce type d’application plus rapide est actuellement opérationnel ou en phase de test dans différentes agences au Japon, en Californie et au Chili, par exemple.
Les systèmes d’alerte au tsunami ont véritablement été testés pour la première fois lors du mégaséisme de Tohoku au Japon en mars 2011 : d’une magnitude comparable à celle du séisme de Sumatra, il a aussi généré un tsunami majeur. Une première alerte au tsunami a été déclenchée rapidement par l’agence météorologique du Japon, laissant au moins cinq minutes pour évacuer les côtes les plus proches. Une estimation plus robuste de la taille du séisme a été obtenue en 20 minutes à l’aide de phase W, permettant d’évacuer les côtes sur plusieurs pays autour de l’Océan Pacifique, et l’alerte a permis de réduire l’impact du tsunami.
Les alertes « précoces » opérationnelles aujourd’hui : prévenir de l’arrivée des secousses sismiques en moins d’une minute
Chaque seconde d'avance à l'arrivée d'un tsunami donne une chance de se mettre à l'abri. Ici à Nias, en Indonésie, en 2004.AusAID, CC BY
La disponibilité en temps réel des données sismiques permet le développement de systèmes d’alerte encore plus rapides pour prévenir de l’arrivée de secousses sismiques.
Ces systèmes reposent sur le fait que les ondes les plus destructrices (les ondes de cisaillement, dites « ondes S ») se propagent plus lentement que les ondes compressives (dites « ondes P ») qui sont de plus faible amplitude et donc généralement moins destructrices. Lorsqu’un séisme se produit, et que la région à proximité de la source est bien instrumentée, les vibrations compressives peuvent donc être détectées très rapidement. Cette information peut alors être traitée presque instantanément pour émettre une alerte avant l’arrivée des secousses destructrices.
Comment fonctionnent les alertes précoces pour les séismes ? Les ondes P correspondent aux ondes compressives de faible amplitude. Elles se propagent rapidement et arrivent avant les ondes S cisaillantes, qui sont plus destructrices. USGS, public domain
Ces techniques d’alertes précoces sont opérationnelles, notamment au Japon, au Mexique, en Californie et à Taïwan depuis les années 90 dans certains cas. Elles permettent de recevoir une alerte quelques secondes (quand le séisme est proche, comme c’est souvent le cas en Californie) à une minute avant l’arrivée des secousses (quand le séisme est plus lointain, par exemple au large du Mexique).
Coupler différents types de données pour des alertes plus robustes et parfois plus rapides
Pour améliorer les systèmes d’alerte, un effort important a été effectué dans les 20 dernières années pour exploiter d’autres types d’observations que les données sismiques.
Par exemple, des développements récents permettent une caractérisation rapide plus détaillée de la rupture en combinant des données sismologiques avec des données GPS, permettant de mesurer rapidement le déplacement généré à proximité de la faille. Ces techniques tiennent compte de l’étendue spatiale des ruptures et leurs impacts sur le mouvement du sol.
Une autre manière de gagner du temps est de rapprocher les capteurs de la source des séismes, en particulier lorsqu’ils se situent en mer au large des côtes. Dans ce sens, il y a actuellement des efforts importants pour installer des dispositifs de mesure sous-marins près de grandes fosses océaniques où se produisent les mégaséismes de subduction. Le Japon, par exemple, dispose depuis 2011 d’un dense réseau sous-marin de capteurs sismologiques et barométriques.
Avec une telle rapidité, les premières alertes sont souvent déclenchées avant même que la rupture ne soit terminée. Cette durée de rupture, qui peut atteindre plusieurs minutes pour les plus grands séismes, constitue une limite fondamentale.
Cela soulève une question récurrente : peut-on estimer la taille d’un séisme avant la fin de la rupture ? En effet, tous les grands séismes commencent par une petite rupture qui s’étend ensuite sur de grandes distances.
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