Affaire Lactalis : un site unique pour recenser les produits à risque

Economie

Il aura fallu six mois pour faire toute la lumière sur les manquements qui ont eu lieu dans la gestion de la crise du lait infantile Lactalis, contaminé à la salmonelle à la fin de 2017, et pour ouvrir des pistes d’amélioration sur les circuits de retrait et de rappel de produits faisant l’objet d’un risque sanitaire.

« Les dysfonctionnements mis en évidence (…) ont montré qu’il était nécessaire de renforcer la protection des consommateurs », a rappelé le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, mardi 17 juillet, lors de la remise du rapport demandé le 16 janvier au Conseil national de la consommation (CNC), l’organisme paritaire consultatif qui rassemble des associations de consommateurs et des fédérations professionnelles. 

« Nous avons d’ores et déjà initié le développement d’une application pour signaler des manquements à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes [DGCCRF], et proposé un amendement au projet de loi faisant suite aux Etats généraux de l’alimentation pour responsabiliser les distributeurs et rendre plus dissuasives les sanctions en cas de dysfonctionnements dans les procédures de rappel », a-t-il ajouté.

Un site unique, public et accessible

Rappelant que le « risque zéro » n’existait pas dans un processus de production, le Conseil national de la consommation préconise avant tout que l’administration développe un site Internet unique, public et accessible aux consommateurs, « recensant l’ensemble des produits faisant l’objet d’un rappel pour des raisons liées à la sécurité en France. (…) L’exhaustivité de ce registre devrait être garantie par une obligation de notification pesant sur les professionnels concernés ».

Aujourd’hui, un tel site n’existe pas, constate Emilie Tafournel, directrice qualité de la Fédération du commerce et de la distribution, et rapporteuse du groupe de travail du Conseil. « Les consommateurs doivent aller sur le site Internet de la DGCCRF pour les rappels d’origine végétale et certaines autres catégories, ou sur celui du ministère de l’agriculture pour les produits d’origine animale… »

M. Le Maire a demandé, mardi, à la DGCCRF de se rapprocher« des différentes administrations concernées pour définir les modalités pratiques de mise en place d’un site Internet unique sur lequel les entreprises devront publier les rappels de produits de consommation ». Il restera néanmoins quelques points à régler : le droit est-il suffisant pour encadrer le dispositif ? Qui détiendra, chez les fabricants, les codes d’accès à ce site Internet ? Sera-t-il suffisamment robuste pour résister à l’afflux de connexions en cas de crise importante ? M. Le Maire a indiqué mardi qu’il proposerait d’inscrire une disposition législative dans la loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) pour obliger les sociétés à notifier les rappels sur le futur site unique.

Le Conseil national de la consommation appelle aussi à « faire passer davantage l’information sur les retraits-rappels par les canaux les plus consultés par les consommateurs : sites Internet, réseaux sociaux… », mais aussi par les programmes de fidélité et, dans les situations les plus graves, à utiliser les informations nominatives des moyens de paiement (chèque, carte bancaire) pour joindre les consommateurs.

« Blessures physiques et dégâts matériels »

En effet, l’amélioration de l’information est un point-clé du dispositif, comme le montre l’affaire des siphons à crème chantilly avec tête en plastique. Depuis 2010, de nombreux modèles issus de plusieurs fabricants ont été rappelés pour défaut de sécurité, à la suite d’une recrudescence d’accidents domestiques graves. En mai 2014, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes avait alerté sur les risques posés par ces siphons. Ce qui n’a pas empêché, en juin 2017, la mort d’une blogueuse et, la même année, une vente de produits potentiellement dangereux sur un site Internet de vente événementielle, stoppée en toute discrétion par la DGCCRF.

Le 14 juin 2018, pourtant, cette direction d’administration centrale estimait que « la communication effectuée par les fabricants et les distributeurs [n’avait] pas touché la totalité des consommateurs concernés, comme en témoignent les accidents (blessures physiques et dégâts matériels) » qui lui ont été signalés cette année. « Il se peut également, ajoutait-elle, que des consommateurs aient choisi de conserver les appareils en leur possession. »

En amont, aussi, le Conseil national de la consommation propose de standardiser les affichettes en magasins, de « renforcer la formation des personnels », ou de hiérarchiser les niveaux d’alerte pour pouvoir mettre en place des mesures exceptionnelles. En moyenne, une enseigne de la grande distribution gère entre cinq cents et mille rappels par an.

Le Conseil préconise aussi d’accélérer les travaux en cours pour « améliorer la traçabilité des produits et notamment permettre à terme une identification par lots », afin d’assurer un meilleur blocage des produits en caisse. Dans le secteur pharmaceutique, l’ensemble des boîtes de médicaments commercialisées en Europe passeront, le 9 février 2019, à un système de traçabilité « à la boîte », grâce à un code-barres en deux dimensions.

Autant de pistes d’amélioration avancées par les acteurs concernés, et dont certaines figureront probablement dans le rapport de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale, chargée de tirer les enseignements de l’affaire Lactalis, qui sera rendu public mercredi 18 juillet.


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