Sur Instagram, on plagie tous Sophie Calle à l’infini

Internet

J’ai réalisé un beau jour que les œuvres de l’artiste Sophie Calle m’avaient préparé à ce monde que l’Internet a créé.

Je me souviens très précisément du jour où j’ai entendu parler de Sophie Calle pour la première fois. C’était au milieu des années 90, à la télévision, où elle venait parler de son film « No sex last night ».

Je ne connaissais rien à l’art contemporain, rien à l’autofiction (rien au sexe non plus d’ailleurs, le film de ma vie à l’époque aurait pu s’intituler « No sex toutes les nights ») et je fus stupéfait que l’on puisse faire ça : c’est-à-dire partir en road trip aux Etats-Unis avec son amour finissant, filmer le voyage avec une petite caméra, et faire chaque matin un plan du lit défait en disant « No sex last night ». J’étais fasciné que l’on fasse une oeuvre avec ça (car ce film est une oeuvre, je m’en étais convaincu en le voyant).

Comme on fait sur Instagram

J’ai donc, par la suite, vu beaucoup des oeuvres de Sophie Calle - beaucoup de celles dont vous avez parlé ce matin, jusqu’à ce qu’à ce que, une dizaine d’années plus tard, une incongruité de la vie professionnelle m’oblige à m’intéresser au numérique (je fais une parenthèse pour mesurer ce phénomène étrange qui est qu’en parlant de Sophie Calle, je me mets spontanément à raconter ma vie, ce qui dit la puissance de cette oeuvre – Sophie Calle a souvent fait parler les autres d’eux-mêmes –, et ce qui fait de cette chronique une sorte de mise en abyme, que je trouve personnellement du meilleur effet… Bref.).

Avec Internet, vinrent les blogs, puis les réseaux sociaux - MySpace puis Facebook - les photos d’Instagram, les vidéos de Youtube etc. Et nous sommes entrés dans le monde qui est le nôtre aujourd’hui : un monde où ceux qui le veulent - et ils sont nombreux - documentent publiquement des éléments de leur vie parfois la plus intime - un monde où en suivant quelqu’un sur Instagram, on voit son lit au réveil, son dernier achat de chaussures, ses amours, ses lieux de vacances…

Une impression de déjà-vu

J’ai mis un peu de temps à comprendre pourquoi ce monde numérique m’était si familier. Je crois que je l’ai compris en allant voir en 2010 la grande exposition de Sophie Calle au Palais de Tokyo, où l’on pouvait regarder, notamment, ce film montrant les derniers moments de sa mère.

Là, j’ai eu une révélation : le compagnonnage avec les oeuvres de Sophie Calle m’avait préparé à ce monde que l’Internet était en train de créer. Les réseaux me donnaient sans cesse une impression de déjà-vu. Tout ou presque de ce qui apparaît aujourd’hui dans les réseaux – jusqu’à cette femme morte le 28 décembre en direct sur Facebook Live – Sophie Calle nous l’a déjà donné à voir.

On pourrait tirer de cette révélation deux conclusions que je ne voudrais pas qu’on tire.

La première serait de croire qu’en disant cela, je pense que l’étalement de la vie privée sur Internet relève de l’art. Merci, mais je ne suis pas débile. Je ne confonds pas l’oeuvre d’un artiste avec le premier compte Instagram venu. Néanmoins, il y a dans ces tentatives d’esthétisation de la banalité de l’existence - consistant à raconter un moment de vie sur Facebook, et à trouver un joli filtre pour poster une photo de paysage ou de repas sur Instagram - une sorte d’autofiction démocratisée...

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