Privatisation de la FDJ : « Parler d’un succès “populaire”, c’est aller un peu vite en besogne »

Politique

L’économie générale de l’opération de privatisation de la Française des jeux souffre d’une double injustice, sociale et fiscale, qui risque de s’amplifier, analyse dans sa chronique Jean-Michel Bezat, journaliste au « Monde ».

 

Chronique. Champagne à Bercy ! Les Français ont, si l’on ose dire, joué le jeu de la première privatisation du quinquennat d’Emmanuel Macron : un peu plus de 500 000 épargnants se sont rués sur les titres de la Française des jeux (FDJ), à la plus grande satisfaction d’un gouvernement en quête d’un « succès populaire ».

Son introduction en Bourse a eu lieu, jeudi 21 novembre, et l’action s’est envolée de 15 % au premier son de la cloche d’Euronext Paris. Les avatars modernes des circenses romains sont si appréciés du peuple que ses défenseurs autoproclamés, du Rassemblement national à l’extrême gauche, ont laissé faire. Et l’Etat a pu privatiser un plaisir – parfois une pathologie – sans coup férir.

Une bonne affaire ? Sans doute pour l’Etat, qui va encaisser 2,1 milliards d’euros sans perdre les 3,5 milliards de recettes fiscales annuelles procurées par la FDJ. Le business prospère : au rythme moyen de + 5 % par an, le montant des mises (Loto, PMU, casinos, jeux de grattage, paris sportifs et poker en ligne…) a triplé en vingt-cinq ans, pour atteindre 50 milliards d’euros. Ces dépenses « prennent une place grandissante dans le budget loisirs des ménages, alors que celui-ci n’a cessé de se contracter entre 2007 et 2017 », note l’Insee. L’offre de jeux explosant et les opérateurs redoublant d’agressivité publicitaire, tout porte à croire que la tendance se poursuivra.

Parler d’un succès « populaire », c’est aller un peu vite en besogne. Car l’économie générale de cette opération ne l’est pas, pour au moins deux raisons complémentaires. La première est sociologique. Ce sont des personnes les plus aisées et les plus diplômées (cadres, professionnels libéraux, indépendants, retraités…) qui peuvent placer leur épargne en actions, et la privatisation de la FDJ ne fait pas exception à la règle. A l’inverse, ce sont les gens modestes et les moins diplômés qui consacrent à ces jeux la part la plus importante de leurs revenus.

« La recherche de la croissance du chiffre d’affaires et la protection de l’addiction au jeu sont antagonistes », prévient Jean-Michel Costes, secrétaire général de l’Observatoire des jeux

Parmi les 25 millions de « gratteurs » et de parieurs, très peu sont aussi possédés que le héros du Joueur de Dostoïevski, qui joue sa vie et son amour à la roulette. Mais les 1,2 million de personnes dites « problématiques », dont 200 000 signalées comme dépendantes, ont souvent de petits moyens. « Près de 60 % des joueurs à risque ou pathologiques avaient des revenus mensuels nets inférieurs à 1 100 euros et la quasi-totalité a au mieux un niveau d’études équivalent au bac », soulignent les économistes Quentin Duroy et Jon D. Wisman dans un article de la Revue de la régulation(automne 2017).


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