Mon idée pour la France : « Repenser le délit de corruption »

Politique

« Le Monde » a demandé à des contributeurs de tous horizons de proposer, chaque jour, une idée pour changer la France. L’économiste Clotilde Champeyrache plaide pour une redéfinition de ce délit, sans distinction entre sphère privé et public, afin de sauvegarder l’idée de bien commun, seule à même de ressouder une société fracturée.

Tribune. Qui dit corruption pense généralement sphère publique. De fait l’article 432.11 du code pénal définit la corruption comme commise « par des personnes exerçant une fonction publique ». Les actes corruptifs sont par ailleurs déclinés avec des sanctions spécifiques suivant que le corrompu est magistrat, fonctionnaire de l’Union européenne ou étranger. Il en va de même au niveau international : par exemple pour la Banque mondiale, la corruption consiste à « utiliser sa position de responsable d’un service public à son bénéfice personnel ».

Pourtant, la corruption dans le secteur privé existe. La Banque mondiale le reconnaît tout en optant délibérément pour une définition tronquée du phénomène. L’article 445.1 de notre code pénal traite aussi de la corruption « des personnes n’exerçant pas une fonction publique ». Mais le mal est fait, la distinction établie entre agents concernés biaise la perception du délit de corruption : l’accent mis sur la qualité des personnes détourne l’attention de la nature préjudiciable du délit pour la société.

Abusivement associé à l’implication de la sphère publique, le délit de corruption oriente la vindicte contre l’Etat, ses administrations, ses agents. Il participe alors au clivage entre sphères publique et privée, lesquelles auraient des intérêts irréductiblement antagonistes. Or cette fracture public-privé fausse l’évaluation de l’impact économique, politique et social de la corruption. Elle accrédite un credo libéral à double tranchant.

D’une part, cela alimente une vision discréditée de l’intervention publique : captation de rente et gabegie en seraient l’essence.

D’autre part, l’idéalisation du fonctionnement de marchés supposés naturellement autorégulateurs et efficients conduit à laisser opportunément dans l’ombre la dimension purement privée de la corruption.

Redonner du sens à la politique

Revenir à une définition aristotélicienne de la corruption permet d’échapper à ce faux clivage. Dans la tradition antique, la corruption était pensée comme tout processus d’abus de position de pouvoir au détriment du bien commun. La corruption était condamnée parce qu’elle minait le ciment moral et politique de la société.

Nommer la corruption comme telle, aussi bien dans le privé que dans le public, est un pas indispensable à la restauration d’une économie saine et viable pour la majorité des citoyens et non pour une minorité

Sans jeter l’opprobre sur une certaine catégorie de citoyens, cette définition met l’accent sur un antagonisme possible entre intérêt personnel et bien commun. En découle toute une gamme d’actes corruptifs tels que les détournements de fonds, les fraudes, l’extorsion par la violence ou la simple menace, le favoritisme et le népotisme, les stratégies d’influence indue. Autant de comportements susceptibles de s’exprimer autant dans la sphère privée que dans la sphère publique.


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