Insécurité, trafics, saleté… Comment Hidalgo veut muscler sa politique dans les quartiers difficiles

Politique

La maire de Paris veut notamment interdire les distributions d’aide alimentaire non encadrées pour éviter des « abcès de fixation » et des bagarres entre migrants.

Stop aux distributions d’aide alimentaire qui dérapent, stop aux commerçants fraudeurs… La maire de Paris, Anne Hidalgo, doit annoncer, lundi 15 avril, une poignée de « mesures ciblées » destinées à « améliorer rapidement » certaines « situations inacceptables » dans les quartiers populaires du nord et de l’est de Paris. Objectif : obtenir des résultats tangibles dès 2019, c’est-à-dire avant les élections municipales de 2020, pour lesquelles la propreté et la sécurité s’annoncent des enjeux majeurs. Ainsi est-ce à Barbès que Rachida Dati, candidate à l’investiture Les Républicains, a réservé sa première visite de campagne, en mars.

Saleté, insécurité, trafics en tout genre, toxicomanie, prostitution, bagarres… Dans certains quartiers comme Barbès, mais aussi Stalingrad ou porte de la Chapelle, les problèmes se concentrent, et la situation devient très tendue. Les riverains se désespèrent, les associations caritatives aussi, notamment en raison de la dégradation de la situation dans les camps de migrants. 

Plusieurs dizaines de personnes ont ainsi été blessées le week-end des 6 et 7 avril dans une série de rixes à coups de couteau entre migrants, notamment afghans et érythréens, près de la porte de la Chapelle. La police a interpellé dix-sept personnes. Quinze associations ont mené une grève symbolique deux jours plus tard, afin d’alerter les pouvoirs publics.

Renforcer les équipes d’agents municipaux

Pour Anne Hidalgo, l’Etat a une grande responsabilité dans cette crise. C’est à lui de gérer la question des migrants et de leur hébergement, dit en substance la maire de Paris, qui fait pression pour que le ministère de l’intérieur agisse. De même que c’est à la police nationale de s’attaquer au trafic de drogue sur la « colline du crack », un terrain vague à côté du périphérique. L’élue socialiste n’en a pas moins décidé de muscler sa propre politique dans ces quartiers populaires.

Pour y rétablir un peu de tranquillité, la Mairie compte renforcer les équipes d’agents de la nouvelle police municipale. Une brigade sera « présente au quotidien, sept jours sur sept », sur la « promenade urbaine » située sous le métro aérien de Barbès à Stalingrad, et alentours.

Plus nouveau, les élus entendent mieux structurer la distribution d’aide alimentaire. Le constat est clair : après le passage de certaines associations venues distribuer des repas aux pauvres ou aux migrants, les lieux se retrouvent couverts de déchets. C’est parfois le cas autour des rues Pajol et Philippe-de-Girard. « En outre, cela crée des abcès de fixation pour les réfugiés », et peut conduire à des rixes, note la Mairie. La question des motivations de certaines de ces associations, et de leur éventuel prosélytisme religieux, est également posée.

Afin de mettre un peu d’ordre, la Mairie a commencé à négocier une « charte de la distribution alimentaire », qui devrait être signée par les grandes structures spécialisées comme Les Restaurants du cœur, l’Armée du salut ou Emmaüs. « Les autres associations ne pourront plus intervenir sans une déclaration préalable, et ne devront distribuer de nourriture que dans les endroits et aux conditions que nous aurons déterminés », affirme Emmanuel Grégoire, le premier adjoint d’Anne Hidalgo.

« Déclencher les feux de l’enfer »

La deuxième mesure-chocconcerne les commerces. Un certain nombre d’entre eux sont dans le radar tant de la police que de la Mairie. « De petites épiceries vendent de l’alcool de façon problématique, constate Emmanuel Grégoire. Cela aboutit à des attroupements qui dégénèrent en beuverie généralisée, puis en bagarre. » D’autres commerçants sont suspectés de blanchiment d’argent, de trafics divers, ou encore de pressions sur des concurrents pour racheter leurs baux.

« Pour lutter contre le sentiment d’impunité qu’ils peuvent avoir, nous sommes prêts à déclencher les feux de l’enfer », promet le premier adjoint. En l’occurrence, la Mairie est décidée à faire partir de force les gérants posant d’énormes difficultés et dont la mauvaise foi est avérée.

La Semaest, la société d’économie mixte de la Ville de Paris spécialisée dans la revitalisation du petit commerce, pourrait utiliser pour la première fois un droit de préemption sur les baux problématiques. « Nous sommes en train d’établir la liste des commerces en cause, en lien avec la mairie du 18e arrondissement, précise-t-on à l’Hôtel de ville. C’est une voie juridique incertaine, mais qui fera trembler certains. »

Accroître les aides financières aux initiatives

Le plan d’urgence comporte un troisième volet, plus festif. Pour améliorer la vie et l’image des ces quartiers, la Mairie compte accroître les aides financières aux initiatives telles que les vide-greniers, les spectacles, etc. Elle prévoit aussi une grande journée d’animation clôturée par un feu d’artifice sur le bassin de la Villette, le 29 juin.

Au total, le budget pour toutes ces actions sera de 2,5 millions d’euros en 2019. « Cela ne va donc pas révolutionner les choses, reconnaît-on à l’Hôtel de ville. L’essentiel, c’est qu’un quart du plan d’investissement de la mandature bénéficie aux quartiers populaires, alors qu’il ne concerne que 16,5 % de la population parisienne. »

Anne Hidalgo espère néanmoins que ces mesures supplémentaires aideront à apaiser des quartiers dont les habitants sont exaspérés.


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